CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 septembre 2019, n° 19/02962
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Noergie (SAS)
Défendeur :
Lou Bio (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Heyte
Conseillers :
M. Franco, Mme Brisset
Avocats :
Me Leconte, Me Lefranc, Me Wickers, Me Guigou
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Noergie (ci-après la société Noergie) a été constituée le 12 juillet 2010. M. A G a été nommé président le 3 octobre 2015.
Antérieurement, la présidente était Mme C X et M. B Y était salarié, concepteur des recettes de produits Premibio et propriétaire de certaines marques.
M. Y était jusqu'au 31 mars 2018 l'associé majoritaire de la société Noergie et il possédait 717 des 1.000 actions composant le capital social. A cette date, il a apporté à une société Melicerte Conseils l'intégralité de ses parts.
La SARL Lou Bio (ci-après la société Lou Bio) détient 182 actions de la société Noergie, soit 18,2% de son capital et de ses droits de vote. Elle est également licenciée exclusif pour la distribution des produits Premibio dans les magasins spécialisés et dans de nombreux pays.
La société Lou Bio a constaté une explosion du poste de rémunération de M. Z F questions écrites ont été adressées à la société Noergie mais les éléments de réponse qui ont été adressés ne lui sont pas parus satisfaisants pour les exercices 2014 et 2015 et elle a estimé n'avoir reçu aucune réponse pour l'exercice 2016.
Considérant que plusieurs opérations déterminées et suspectes résultaient en première analyse du simple examen de l'évolution des postes comptables clés de la société Noergie au cours des exercices 2014, 2015 et 2016, elle s'est estimée fondée à solliciter une expertise de gestion.
Par acte du 17 septembre 2018, la société Lou Bio a assigné la société Noergie devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir ordonner une expertise de gestion dans les conditions de l'article L.225-231 du code de commerce.
Par ordonnance de référé du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a, au visa de l'article L.225-231 :
- désigné M. D E (OCA Audit & Corporate Finance) ..., en qualité d'expert avec pour mission de :
* convoquer les parties,
* entendre tous sachants, notamment M. G, actuel Président de la société Noergie, Mme X, son ancien Président, ainsi que M. Y, salarié et (désormais Indirectement) associé majoritaire de la société Noergie,
* se faire communiquer et diffuser tous documents utiles à ses investigations, à savoir notamment les rapports spéciaux des exercices 2014 à 2017, le détail complet des comptes de la société Noergie desdits exercices, les factures afférentes aux séjours et repas correspondants, ainsi qu'aux autres achats et charges externes, et plus généralement, tout élément de preuve attestant de la réalité de la contrepartie des éventuelles sommes payées par la société Noergie dans le cadre des postes de dépense qui auront été identifiés,
* interroger la direction de la société Noergie sur l'ensemble des questions qui lui ont été posées successivement par la société Lou Bio, à savoir :
- identité des personnes s'étant déplacées au Canada début 2015,
- justification individuelle des choix de chacun des établissements, tant pour le séjour que pour la restauration, pour les exercices clos du 31.12.14 à celui clos le 31.12.17,
- description précise de ce en quoi a consisté le travail des personnes concernées, qui devront être identifiées, à ces occasions,
- identification de la cause de l'augmentation du poste 'autres achats et charges externes' depuis l'exercice clos le 31 décembre 2015,
- justification des sommes les plus significatives réglées par la société Noergie, au regard de son propre intérêt social,
- description précise des retombées concrètes, pour la société Noergie, de ces dépenses,
* analyser l'exactitude et/ou la pertinence des réponses apportées,
* donner de son chef son avis sur la pertinence de ces réponses,
- dit que la société Noergie aura la charge de la rémunération de l'expert,
- dit qu'en application de l'article R.225-163 du code de commerce, le rapport d'expertise est déposé au greffe. Le greffier en assure la communication,
- condamné la société Noergie aux dépens.
M. G et la société Noergie ont relevé appel total de cette ordonnance par déclaration au greffe de leur avocat le 17 avril 2019.
Par ordonnance du 29 avril 2019, le Premier Président de la cour d'appel de Bordeaux par délégation a autorisé la société Noergie et M. Pourtalet à assigner à jour fixe la société Lou Bio, à l'audience du 2 juillet 2019 à 14h salle A, l'assignation devant être délivrée avant le 27 mai 2019.
Par exploit d'huissier remis à la personne du gérant le 13 mai 2019, la société Lou Bio a été assignée à jour fixe pour l'audience du 2 juillet 2019, sous le RG n°19/02962.
Par visa du 27 mai 2019, les instances n°19/02178 et 19/02962 ont été jointes sous le RG n °19/02962.
Par conclusions transmises par RPVA le 28 juin 2019, la société Noergie et M. Pourtalet es qualité de président de la société Noergie demandent à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 917 du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles L.225-231 et R.225-163 du code de commerce,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débuts,
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Noergie et son Président, M. G,
A titre principal,
- réformer l'ordonnance rendue par Madame le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux le 4 décembre 2018, en ce qu'elle désigne M. E en qualité d'expert avec pour mission de convoquer les parties, d'entendre tous sachants, de se faire communiquer et diffuser tous documents utiles à ses investigations, d'interroger la direction de la société Noergie sur l'ensemble des questions qui lui ont été posées successivement par la société Lou Bio,
- juger la demande d'expertise de gestion irrecevable et non fondée,
- juger que l'expertise de gestion aura des conséquences préjudiciables pour la société Noergie,
A titre subsidiaire,
- réformer partiellement l'ordonnance rendue par Madame le Président du Tribunal de Commerce de Bordeaux le 4 décembre 2018 en ce qu'elle confère à l'expert, M. E, la mission générale et notamment de :
* communiquer et diffuser documents utiles à ses investigations,
* interroger la direction de la société Noergie sur l'ensemble des questions qui lui ont été posées successivement par la société Lou Bio,
- juger que la mission conférée doit être limitée aux éléments juridiques et comptables strictement nécessaires à l'information de l'associé et non contraire à l'intérêt social de la société Noergie,
En tout état de cause,
- débouter la société Lou Bio de l'ensemble de ses prétentions
- condamner la société Lou Bio au paiement des honoraires de l'expert,
- condamner la société Lou Bio au paiement de dommages intérêts d'un montant de 10.000€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner la société Lou Bio au paiement de la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Lou Bio aux entiers dépens.
Elle expose pour l'essentiel qu'outre une relation capitalistique existant entre elles , les sociétés Noergie et Lou bio ont conclu le 24 février 2016 un contrat aux termes duquel la société Noergie confiait à la société Lou Bio une licence exclusive de marques et autorisait la société Lou bio à distribuer des produits de la gamme Premibio et ses dérivés dans certains territoires et réseaux en France et à l'étranger ; que le 14 février 2018, suite à des inexécutions contractuelles persistantes de la société Lou bio, la société Noergie résiliait définitivement et de manière anticipée le contrat avec un délai de préavis jusqu'au 14 février 2019; que le 16 juillet 2018 la société Lou Bio l'a assignée en référé et au fond aux fins d'obtenir la poursuite du contrat de distribution jusqu'au 24 février 2025 ; que par ordonnance du 6 novembre 2018 l'affaire a été renvoyée au fond devant le tribunal de commerce mais que la société Lou Bio l'a de nouveau assignée cette fois aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.
Elle soutient que l'ordonnance la met dans une situation de péril imminent et irréversible car elle a constaté le 1er avril 2019 que la société Lou bio allait lancer et distribuer une nouvelle gamme de produits infantiles sous la marque Junéo concurrente de la marque Premibio ; que la présente procédure est utilisée dans le but d'obtenir des éléments indispensables au développement de sa nouvelle marque contrairement à l'intérêt social de la société Noergie et en violation de la clause de non concurrence du contrat de distribution du 24 février 2016.
Elle avance que la demande d' expertise est irrecevable ne portant pas sur des opérations de gestion et le respect du droit d'information de la société Lou bio ayant été amplement respecté; que la demande ne présente pas de caractère sérieux en l'absence de présomption d'irrégularités des opérations visées et en l'absence d'atteinte à l'intérêt social. Elle soutient encore que l'expertise va révéler à la société Lou bio des informations stratégiques pour développer sa gamme de produits.
Subsidiairement elle demande que la mission de l'expert soit limitée au regard du contexte concurrentiel actuel.
S'agissant de la mise à sa charge des frais d'honoraires de l'expert, elle soutient au visa de l'article L225'231 du code de commerce qu'elle est facultative, que les honoraires sont déjà évalués à la somme de 15'000 € hors taxes, et que la société Lou Bio devrait être condamnée au paiement desdits honoraires. Elle demande la condamnation de la société Lou bio à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par son abus du droit d'agir, son action reposant sur des affirmations mensongères outre la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d'intimée transmises par RPVA le 21 juin 2019, la société Lou Bio demande à la cour de :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles L.225-231 et R.225-163 du Code de commerce,
Vu l'article 492-1 du Code de procédure civile,
Vu les articles L.153-1 et suivants et R.153-2 et suivants du Code de commerce,
Vu la jurisprudence citée,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par la Présidente du tribunal de Commerce de Bordeaux le 4 décembre 2018, au vu des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion justifiant une mesure d'expertise,
En outre,
- débouter la société Noergie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- condamner la société Noergie au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que la demande d'expertise de gestion est recevable et bien fondée, les opérations de gestion incriminées étant claires et déterminées s'agissant pour 2014 de l'augmentation conséquente de la rémunération de Monsieur Y et des frais de séjour et de restauration pour des montants exorbitants, pour 2015 de l'augmentation des cadeaux clientèle importante et du doublement des frais de voyage, pour 2016 de l'augmentation par trois des achats et charges externes sans commune mesure avec la hausse du chiffre d'affaires ;que le fait pour la présidence d'approuver une augmentation de 57 % de la rémunération d'un membre du personnel puis des dépenses somptuaires par ce même membre constitue des opérations de gestion au sens de l'article L225'231 du code de commerce étant rappelés que si Monsieur Y n'est pas le président, il est actionnaire majoritaire à 72 % exerçant d'un réel pouvoir de gestion de la société notamment vis-à- vis des tiers, au point de pouvoir être considéré comme gérant de fait ; que les réponses apportées à ses questions étaient manifestement insuffisantes, le détail précis des factures de frais remboursés à M. Y ayant annoncé n'ayant jamais été communiqué, les affirmations de démarches de recherche de nouveaux clients ou partenaires pour justifier l'augmentation de la rémunération de M. Y n'étant pas étayées ; que si des sous traitants peuvent être démarchés il s'agit forcément de laiteries qui ne peuvent être localisées dans les lieux de séjour choisis par M. Y et sa compagne, anciennement présidente, à savoir Saint Raphaël, Saint Tropez, Paris ou Saint-Émilion ; que l'ordonnance a conclu de manière justifiée et motivée à l'existence de présomption d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion.
Elle soutient encore que la circonstance d'un associé se soit abstenu de participer aux assemblées ayant approuvé des opérations litigieuses n'est pas de nature à faire obstacle à la demande de gestion ; que le nouveau contexte concurrentiel n'obère pas la nécessité d'une expertise de gestion qui n'est pas de nature à exonérer la société Noergie de rendre des comptes sur des opérations passées de gestion douteuse et qui ne sont que la conséquence de son éviction abusive par la société Noergie à la suite de la résiliation unilatérale du contrat, l'ayant obligée à la recherche de nouveaux produits et débouchés;que les nouveaux produits de Lou Bio s'inscrivent dans le respect par la société de ses obligations contractuelles ; que la cour constatera qu'elle n'a commis aucun acte constitutif de concurrence déloyale ou de parasitisme économique ; que les prétendues difficultés financières rencontrées par Noergie du fait de cette prétendue concurrence n'ont strictement aucune incidence sur l'objet de l'expertise de gestion à savoir la détermination des causes de dépenses passées suspectes.
Elle soutient que la mission de l'expert ne porte pas atteinte à un prétendu secret des affaires détenues par la société Noergie, le nouveau contexte concurrentiel étant indépendant de la nécessité d'une expertise de gestion ; que l'article R 153'3 du code de commerce dispose qu'une demande de protection pour le secret des affaires est irrecevable en l'absence de la communication de différents éléments et que faute de respect de ce formalisme, les prétentions tenant à la limitation de la mission de l'expert doivent être rejetées.
Elle avance encore que les capacités financières de la société Noergie permettent la prise en charge de l'expertise, étant rappelé que l'expertise n'est pas destinée au seul demandeur mais à tous les actionnaires en raison du caractère d'intérêt social de la mesure. Elle demande de rejeter les prétentions au titre de la procédure abusive et de condamner la société Noergie à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à l'ordonnance déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L225- 231 du code de commerce, (..) Plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social soit individuellement soit en se regroupant sous quelque forme que ce soit peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration et au directoire, des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L233'3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
À défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponses satisfaisantes, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et le pouvoir des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Il résulte des pièces versées que la SARL Lou Bio est actionnaire de la société Sas Noergie à hauteur de 18,2 % du capital. Il est également établi qu'elle a posé, par courriers recommandés avec avis de réception des 2 juillet et 22 juillet 2016 à la direction de la société Noergie diverses questions écrites relatives à l'évolution de postes comptables au cours des exercices 2014, 2015 et 2016, et notamment :
- pour l'exercice 2014 : l'augmentation de 57 % de la rémunération de Monsieur Y, l'augmentation de 30 % des frais de séjour et de restauration sans commune mesure avec l'augmentation du chiffre d'affaires de 13 %, ayant selon elle généré des pertes lors de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;
- pour l'exercice 2015 : la rémunération et l'augmentation des frais de cadeaux de clientèle multipliée par 15, l'augmentation du poste de voyages de 200 % avec des séjours dans des établissements hôteliers de luxe, dans des lieux sans rapport avec l'activité de la société Noergie et pour des montants excessifs ;
- pour l'exercice 2016 : l'augmentation atypique du poste 'autres achats et charges externes' passé de 68 966 € à la somme de 191'557 €, alors que l'essentiel du chiffre d'affaires de la société Noergie provient des commissions versées par la société Lou bio SARL à hauteur de 544'119 € par rapport au chiffre d'affaires réalisé à l'export par cette société pour 51'410 €.
Madame X pour la société Noergie a répondu par correspondance du 1er septembre 2016 en transmettant les bilans des années 2013, 2014, 2015 et les rapports spéciaux des exercices clos au 31 décembre 2013, 2014 et 2015. Elle a par contre répondu en des termes généraux que les frais de voyage et de déplacements ont augmenté afin de pouvoir mener à bien les projets de développement et la recherche de nouveaux clients à l'étranger et de nouveaux partenaires et sous traitants, sans produire le moindre justificatif ; quant à l'augmentation de la rémunération de Monsieur Y elle s'est bornée à évoquer 'le souci de fidéliser le collaborateur clef, justifiant de réévaluer sa rémunération en adéquation avec son investissement personnel dans la réussite des projets actuels et à venir' ; elle a adressé un récapitulatif de factures de frais remboursées à Monsieur Y sans produire les justificatifs réclamés pour les frais les plus importants, tels qu'un séjour à la Villa Mauresque à Saint Raphaël de trois jours en septembre 2015 pour plus de 3000 € , des séjours au Sofitel de Biarritz ou à l'hôtel du Palais, ou encore à l'hostellerie de Plaisance à Saint-Émilion, et sans apporter le moindre commencement de justification concernant les séjours à l'étranger ; elle n'a pas davantage apporté de réponses aux correspondance du 1er mars 2018 et 21 juin 2018 sollicitant les mêmes renseignements au visa de l'article L225'231 susvisé.
C'est à juste titre que le premier juge a retenu que cette augmentation spectaculaire de la rémunération d'un salarié par ailleurs actionnaire majoritaire, l'augmentation des frais de séjour et de restauration de 30 % sans commune mesure avec le chiffre d'affaires et sans explication effective, l'augmentation du poste 'autres achats et charges externes' constituent suffisamment des présomptions d'irrégularités, justifiant que soit ordonnée l'expertise de gestion sollicitée , celle ci portant sur des opérations déterminées pouvant être irrégulières ou contraires à l'intérêt social.
La société Noergie prétend se prévaloir d'éléments nouveaux, postérieurs à l'ordonnance rendue le 4 décembre 2018, qui la mettraient dans une situation de péril imminent et irréversible au motif que la société Lou Bio va lancer et distribuer une nouvelle gamme de produits infantiles sous la marque Juneo, concurrente de la marque Premibio en violation de la clause de non concurrence du contrat de distribution du 24 février 2016 et qu'elle va accéder à des informations relevant du secret des affaires notamment des documents révélant la stratégie de développement de la société Noergie ou l'identité de ses partenaires.
De ce chef il suffira de constater que la société Noergie procède par affirmations alors que les dispositions des articles L 151'1 du code de commerce fixe trois conditions cumulatives à la protection de l'information au titre du secret des affaires et surtout imposent le formalisme décrit à l'article R 153'3 du même code à peine d'irrecevabilité, formalisme non respecté par la société Noergie. Ces prétentions de ce chef sont manifestement mal fondées.
La décision sera donc confirmée sur le principe de l'expertise de gestion, la mission sera celle formulée au dispositif de la présente décision.
Il y a lieu de confirmer la mise de la rémunération de l'expert à la charge de la société Noergie SAS, l'expertise de gestion étant de nature à permettre de vérifier la conformité des dépenses à l'intérêt de la société et l'augmentation des rémunérations, frais de déplacement et de séjour et frais de cadeaux manifestant suffisamment la capacité de la société à supporter cette charge.
Les parties ne justifient pas de leur demande respective au titre de l'abus du droit d'agir et seront déboutées de ces prétentions de condamnation pour procédure abusive.
L'équité commande de condamner la société SAS Noergie à payer à la SARL Lou Bio la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SAS Noergie sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME en son principe l'ordonnance de référé du 4 décembre 2018 ordonnant une expertise de gestion, désignant Monsieur M. D E (OCA Audit & Corporate Finance) ..., en qualité d'expert, et mettant à la charge de la société Noergie Sas la rémunération de l'expert;
Statuant à nouveau,
Dit que la mission de l'expert est définie comme suit :
* convoquer les parties,
* entendre tous sachants, notamment M. G, actuel Président de la société Noergie, Mme X, son ancien Président, ainsi que M. Y sur les points objets de l'expertise de gestion,
* se faire communiquer tous documents utiles à sa mission , notamment les rapports spéciaux des exercices 2014 à 2017, le détail complet des comptes de la société Noergie desdits exercices, les factures afférentes aux séjours et repas correspondants, ainsi qu'aux autres achats et charges externes, et plus généralement, tout justificatif des dépenses et contreparties des sommes payées par la société Noergie dans le cadre des postes de dépense suivants:
- pour l'exercice 2014 : l'augmentation de 57 % de la rémunération de Monsieur Y, l'augmentation de 30 % des frais de séjour et de restauration au regard de l'augmentation du chiffre d'affaires ; dire si ces postes ont généré ou contribué à des pertes lors de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;
- pour l'exercice 2015 : la rémunération et l'augmentation des frais de cadeaux de clientèle, l'augmentation du poste de voyages, les séjours dans des établissements hôteliers de luxe ;
- pour l'exercice 2016 : l'augmentation atypique du poste 'autres achats et charges externes' passé de 68 966 € à la somme de 191'557 € ;
- se faire communiquer l'identité des personnes s'étant déplacées au Canada début 2015 leur rôle dans la société, leurs prestations pour la société au cours dudit séjour et les justificatifs y afférents,
- recueillir toutes précisions et informations sur le choix de chacun des établissements hôteliers et de restauration pour les exercices clos du 31 décembre 2014 à celui clos le 31 décembre 2017, les bénéficiaires des prestations facturées, et le cas échéant la nature de leur travail au cours dudit séjour ou repas avec production du justificatif dudit travail, pour les prestations supérieures à 60 euros ;
- se faire communiquer les justificatifs relatifs à l'augmentation du poste 'autres achats et charges externes' depuis l'exercice clos le 31 décembre 2015 ;
- donner son avis sur la corrélation desdites dépenses avec l'objectif affiché par la société pour chacune d'elle au regard de l'intérêt social ;
DIT qu'en application de l'article R.225-163 du code de commerce, le rapport d'expertise sera déposé au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux
CONDAMNE la société SAS Noergie à payer à la SARL Lou Bio la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
CONDAMNE la société Noergie aux dépens.