CA Chambéry, ch. com., 20 novembre 2007, n° 07/00941
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Jardin Imperial (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Robert
Conseillers :
Mme Carrier, M. Betous
Avoués :
SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, SCP Fillard/Cochet-Barbuat
Avocats :
Selarl Riera Trystram Azema, Selarl Avanne
Vu l'ordonnance rendue contradictoirement le 22 février 2007 par le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de THONON-LES-BAINS qui, à la demande de Monsieur Bernard C., actionnaire minoritaire de la SAS LE JARDIN IMPERIAL a ordonné une expertise de gestion sur le fondement de l'article L.225-231 du Code de commerce, confiée à Monsieur L. et dit que l'expert déposera le rapport de ses opérations avant le 1er septembre 2007 ;
Vu l'appel interjeté le 26 avril 2007 par la société LE JARDIN IMPERIAL à l'encontre de cette décision et ses conclusions en date du 26 juin 2007, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles elle demande à la Cour :
- de dire et juger que Monsieur C. est manifestement irrecevable à solliciter une expertise de gestion, ce dernier n'étant plus propriétaire, au jour de sa demande, d'au moins 5 % du capital social de la société LE JARDIN IMPERIAL ;
- de dire et juger, en toutes hypothèses, que les opérations incriminées par Monsieur Bernard C. ne sont pas des opérations de gestion mais relèvent de la compétence d'une assemblée ;
- de dire et juger que la demande de Monsieur C., sur le fondement de l'article145 du nouveau Code de procédure civile, est irrecevable, puisque se heurtant à de multiples contestations sérieuses, ce dernier ne justifiant d'aucun intérêt et droit à agir, ni de motif légitime lui permettant d'obtenir l'institution d'une expertise in futurum ;
- de débouter Monsieur C. de l'ensemble de ses demandes ;
- de le condamner à lui verser la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions en date du 4 octobre 2007, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles Monsieur Bernard C. demande à la Cour de constater sa qualité d'actionnaire majoritaire au sein de la société LE JARDIN IMPERIAL et de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions en condamnant cette société à lui régler une indemnité de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu la clôture le 8 octobre 2007 de la mise en état de la procédure ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par la société LE JARDIN IMPERIAL n'est ni contestée, ni contestable ;
Attendu que les conditions d'accès et la nature de l'expertise de gestion sollicitée par Monsieur Bernard C. sont très clairement précisées par les dispositions spécifiques de l'article L.225-231 du Code de commerce ;
Que le juge ne dispose pas du pouvoir de modifier la portée de ce texte en faisant usage d'un autre texte d'une portée générale, notamment l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la nomination d'un expert de gestion, qui n'est prévue que pour les SA et les SARL par les dispositions des articles L.225-231 et L.223-37 du Code de commerce, reste une procédure relativement exceptionnelle, puisqu'elle est triplement limitée ;
Qu'en effet, l'expertise doit porter sur une opération déterminée de la société, et non sur l'ensemble de sa gestion, qu'elle doit ensuite concerner une véritable opération de gestion, et qu'enfin, elle ne peut être ordonnée que s'il existe une présomption d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations
déterminées ;
Attendu qu'en l'espèce, la demande de Monsieur Bernard C. à laquelle le premier juge a cru devoir faire droit, équivaut à faire procéder à un audit complet portant sur le contrôle de l'ensemble de la société LE JARDIN IMPERIAL, au surplus sur une longue période de quatre ans ;
Qu'en effet, l'ordonnance déférée a notamment donné à Monsieur L. la mission suivante :
- d'indiquer quelles opérations comptables ont été enregistrées à la suite de la réduction de capital décidée le 8 décembre 1999 et dire si la société s'est acquittée du montant des parts qu'elle a rachetées ;
- d'indiquer le montant de la rémunération de la dirigeante et préciser à quelles décisions se rapporte cette rémunération ;
- d'indiquer et contrôler le mode d'enregistrement des recettes entre le 1er novembre 2001 et le 31 octobre 2005 ;
- de déterminer et contrôler les dépôts d'espèces au cours de la même période ;
- de contrôler le stock et de déterminer son état actuel ;
Attendu qu'il convient d'autre part de relever que si certaines décisions dont il est demandé un contrôle émanent de la Présidente de la société LE JARDIN IMPERIAL, en particulier sa rémunération ou la réduction de capital décidée le 8 décembre 1999, il ne s'agit pas à proprement parler d'opérations de gestion susceptibles d'entraîner la nomination d'un expert de gestion, dans la mesure où ce sont des décisions adoptées en assemblées générales, pour lesquelles Monsieur Bernard C. a pu préalablement s'informer, avant de voter à l'encontre des résolutions prises ;
Qu'enfin, le juge saisi d'une demande d'expertise de gestion doit vérifier l'utilité d'une telle désignation et il n'est tenu de l'ordonner qu'en cas d'opération entachée de présomption d'irrégularité ou susceptible de léser l'intérêt social ;
Qu'en l'espèce, le caractère à l'évidence peu sérieux des griefs présentés par l'intimé résulte de ses propres écritures, qu'il s'agisse de l'enregistrement des recettes pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2005 (« la société a t-elle utilisé une caisse enregistreuse De façon constante De quel type est la machine' Un entretien était-il assuré par un professionnel qualifié Quel est l usage de l'ordinateur acquis par la société et est-il équipé d'un logiciel de gestion ») ou des dépôts d'espèces sur la même période couvrant quatre exercices comptables, ou encore sur la rémunération de la Présidente, pourtant déterminée en assemblée générale (conclusions Bernard C. p.12) ;
Qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'en réalité, Monsieur Bernard C. se livre à une critique systématique de l'ensemble de la gestion menée par Madame Nhat TRAN THI, Présidente de la société LE JARDIN IMPERIAL, alors qu'il n'existe aucune présomption d'abus, ni d'irrégularités affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux comme de compromettre le fonctionnement ou la pérennité de l'entreprise ;
Qu'à cet égard, il n'est pas inutile de souligner que ce litige s'inscrit dans le contexte de la séparation, apparemment longue et difficile, entre deux concubins, ayant abouti à deux plaintes pénales pour violences, suite à l'altercation ayant opposé Monsieur Bernard C. au fils qu'il a eu d'avec Madame Nhat TRAN THI, lequel s'était interposé pour protéger sa mère lors d'une visite inopinée de l'intimé ;
Qu'en définitive, il n'apparaît pas que les actes dénoncés aient été abusifs ou irréguliers, ni même,
pour ce qui concerne la rémunération de la Présidente ou la réduction de capital, qu'il s'agisse d'actes de gestion ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de débouter Monsieur Bernard C. de ses demandes ;
* * *
Attendu qu'il y a lieu de condamner Monsieur Bernard C., qui succombe, à verser à la société LE JARDIN IMPERIAL la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE recevable l'appel interjeté par la société LE JARDIN IMPERIAL ;
AU FOND
INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
STATUANT A NOUVEAU
DEBOUTE Monsieur Bernard C. de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur Bernard C. à payer à la société LE JARDIN IMPERIAL la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur Bernard C. aux dépens de première instance et d'appel et, pour ces derniers, autorise en tant que de besoin la Société Civile Professionnelle BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.