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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 2 juillet 2008, n° 08/09047

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Financière du Dauphin (SAS)

Défendeur :

Vinci (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

M. Blanquart, Mme Graff-Daudret

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Petit Lesénéchal

Avocats :

Me Goy, Me Chemouny

T. com. Paris, du 23 avr. 2008, n° 20080…

23 avril 2008

FAITS CONSTANTS

Le capital social de la SAS VINCI - VINCI - divisé en 2370 actions de 16 € chacune, est réparti de la façon suivante :

- Madame Annie G. épouse de Monsieur Bernard G. 948 (40%)

- Monsieur M. 711 (30%)

- la SAS FINANCIERE DU DAUPHIN (DAUPHIN) 711.

Une assemblée générale du 18 novembre 2005 désignait :

- Monsieur Bernard G. en qualité de président,

- Monsieur M. en qualité de directeur général.

L'article 19 des statuts intitulé décisions collectives obligatoires : la collectivité des associés est seule compétente pour prendre les décisions suivantes : .... rémunération du président ou des directeurs généraux et des membres du conseil de surveillance.

Par lettre recommandée du 18 juin 2007 DAUPHIN demandait à VINCI des explications sur :

- l'augmentation de la rémunération des dirigeants sociaux,

- le contrôle fiscal subi par la société.

Le 18 juin 2007, et après les explications données par VINCI, l'assemblée générale approuvait toutes les résolutions portées à l'ordre du jour, DAUPHIN votant contre.

Par ordonnance du 23 avril 2008, le président du tribunal de commerce de Paris statuant en la forme des référés déboutait DAUPHIN de sa demande d'expertise fondée sur les articles L.225-231 et L.227-1 du code de commerce et condamnait DAUPHIN à payer 3000 € au titre de l'article 700 du

CPC.

DAUPHIN interjetait appel le 9 mai 2008.

Par ordonnance du 16 mai 2008 le premier président de cette cour autorisait DAUPHIN à assigner pour le 3 juin 2008.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE DAUPHIN

Par assignation en date du 23 mai 2008 DAUPHIN expose :

- que l'augmentation des dirigeants sociaux s'est faite en violation de l'article 19 des statuts,

- que le refus de provisionner le risque fiscal est contraire aux normes comptables et de prudence en la matière,

- que sa demande est conforme aux exigences des articles L.225-231 et L.227-1 du code de commerce,

- que l'expertise de gestion dispose d'un régime procédural autonome qui n'exige ni l'urgence, ni la preuve d'une mise en péril de l'entreprise,

- que le caractère sérieux de sa demande résulte des présomptions d'irrégularités susvisées,

- que les réponses données par VINCI ne sont pas satisfaisantes.

Elle demande :

- l'infirmation de l'ordonnance,

- la désignation d'un expert,

- que les frais d'expertise soient à la charge de VINCI,

- 1000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du CPC.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE VINCI

Par dernières conclusions du 2 juin 2008, auxquelles il convient de se reporter, VINCI soutient :

- avoir apporté des réponses claires aux questions posées, dans les délais fixés par la loi, et ce tant par la lettre du 9 juillet 2007 que lors des débats devant le premier juge,

- que le juge ne peut prononcer l expertise que s il est convaincu de son utilité , ce qu a justement décidé le premier juge,

- que l appelante a trompé le juge des requêtes en se prévalant fallacieusement de l urgence ,

- que les augmentations du président et du directeur général, ont été, au jour où la cour statue, approuvées par l'assemblée,

- que l'appelante a été parfaitement informée de tout ce qui concerne le contentieux fiscal.

Elle demande :

- la confirmation de l'ordonnance,

- subsidiairement de laisser à la charge de DAUPHIN l'intégralité des frais d'expertise de gestion,

- 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du CPC.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le juge saisi

Considérant que si l'assignation introductive d'instance saisit le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, la cour qui doit d'office vérifier ce point constate que la SAS a, à l'audience du premier juge, avec l'accord de la partie adverse précisé qu'elle saisissait en réalité le président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés, et que ce juge s'est donc justement estimé régulièrement saisi ;

Sur le fond de la demande

Considérant qu'il résulte des articles L.225-231 et R.225-163 du code de commerce, qu'à défaut de réponse dans un délai de un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants (aux questions posées par les actionnaires dont les conditions de l'alinéa 1 du premier de ces textes), le président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés peut désigner un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ;

Qu'il peut ordonner une telle mesure, notamment s'il relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminés ;

Considérant qu'en s'octroyant unilatéralement, des augmentations rémunératrices et une prime exceptionnelle de 57 640 € (pour lui-même et pour son directeur général) en violant l'article 19 des statuts, le dirigeant social a réalisé un acte de gestion, qui alors que le compte de l'exercice présentait une perte de 103 830 € a constitué l'irrégularité susvisée ce qui justifie une expertise ;

Considérant qu'en revanche, la cour après avoir constaté que VINCI a donné toutes informations utiles à DAUPHIN, et a eu recours à un expert pour mieux éclairer la situation fiscale litigieuse, reprend à son compte la motivation pertinente du premier juge pour refuser, comme lui, l'expertise réclamée sur ce point ;

Considérant que les honoraires de l'expert seront à la charge de VINCI ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de DAUPHIN les frais non compris dans les dépens, qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau :

Ordonne une mesure d'expertise ;

Désigne Monsieur E. Alain

domicilié 15 rue du Louvre - 75001 PARIS

tél 01 55 34 50 60 fax 01 48 99 88 22

pour y procéder, avec mission en qualité d'expert chargé de présenter un rapport de gestion sur les augmentations salariales (salaire et primes) accordées au président et au directeur général ;

Dit que l'expert devra rechercher et donner tous éléments permettant d'éclairer les associés sur cette opération et, sur ses conséquences financières sur la marche de la société et sur les droits des actionnaires ;

Dit que la SAS du DAUPHIN consignera au greffe de la cour la somme de 1500 € à valoir sur la rémunération de l'expert, avant le 14 août 2008,

Dit que cette somme doit être versée au régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfèvres 75055 PARIS LOUVRE SP ;

Dit qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque de plein droit en application de l'article 271 du CPC, un relevé de caducité ne pouvant être accordé par le magistrat chargé du contrôle de l'expertise que sur justifications de motifs légitimes ;

Dit que dans les deux mois à compter de la notification de la consignation, l'expert indiquera le montant de la rémunération prévisible afin que soit éventuellement ordonné le versement d'une consignation complémentaire dans les conditions de l'article 280 du CPC et qu'à défaut d'une telle indication, le montant de la consignation initiale pourra constituer la rémunération définitive de l'expert ;

Dit qu'en cas de difficultés Monsieur le conseiller BLANQUART pourra être saisi ;

Dit que l'expert devra adresser tous courriers au service du contrôle des expertises, bureau des expertises, Cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfévres 75055 PARIS LOUVRE SP, en mentionnant le numéro de répertoire général ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 20 décembre 2008 en double exemplaire à la Cour et remettre à chaque partie un exemplaire de son rapport.

Condamne la société VINCI à payer 4000 € à la SOCIÉTÉ LA FINANCIÈRE DU DAUPHIN au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamne la société VINCI aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du CPC.