CA Amiens, ch. économique, 13 décembre 2018, n° 18/00753
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eos Construction (Sté)
Défendeur :
Picardie Avenir (SA), Sasu Theos Avenir (Sté), SCP Financière (Sté), Philea Partenaires (SAS), Picardie Investissement (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grandjean
Conseillers :
Mme Grevin, Mme Paulmier Cayol
Avocats :
Me Broutin, Me Buisson, Me Petit, Me Milhaud, Me Selosse Bouvet, Me Plateau
La société Eos construction est une entreprise de bâtiment qui a été constituée le 31 octobre 2008 et qui a pour associés depuis l' assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 2013, la SAS Philea Partenaires dirigée par M. Fernando D. Santos, la société Theos Avenir dirigée par madame N.T., la SCP Financière dirigée par monsieur Jean Louis A. et les sociétés Picardie Avenir et Picardie Investissement dirigées par monsieur Philippe P..
Lors des dernières assemblées générales ordinaires en 2015 et 2016, la SA Picardie Avenir a refusé d'approuver les comptes. Elle a en outre demandé des explications concernant diverses sommes versées par la société Eos construction à la SCP Financière ainsi qu'à des sociétés tierces en lien avec cette dernière société.
Par acte d'huissier délivré le 8 septembre 2017, la société Picardie Avenir a fait assigner en référé la société Eos construction afin de faire désigner un expert en application de l'article L 225-231 du code de commerce. Les sociétés Theos Avenir et SCP financière sont intervenues volontairement à l'instance et ont fait assigner les sociétés Picardie Investissement et Philea Partenaires et monsieur D. en intervention forcée.
Par une ordonnance du 18 janvier 2018, le président du tribunal de commerce de Beauvais a désigné monsieur Sylvain L. en qualité d'expert avec pour mission notamment de se faire remettre les documents relatifs aux points de contestation élevés par la société Picardie Avenir et de donner un avis sur la conformité à l'intérêt social des actes de gestion et paiements s'y rapportant.
La société Eos construction a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 février 2018.
L'affaire a été fixée à bref délai par une ordonnance rendue le 7 mars 2018.
Aux termes de ses conclusions remises dernièrement le 5 avril 2018, l'appelante demande à la cour :
- d'infirmer la décision entreprise,
- de dire la SA Picardie Avenir irrecevable en sa demande d'expertise en l'absence de tout caractère sérieux,
- de débouter la SA Picardie Avenir de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- de condamner la SA Picardie Avenir à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Eos construction relate que les sociétés Theos Avenir et SCP financière sont devenues associés majoritaires à la suite d'une augmentation de capital adoptée à l'unanimité des associés réunis le 29 novembre 2013 sous la présidence de monsieur Fernando D. Santos ; que monsieur Carlos D. Santos, frère du président et salarié a contesté la validité de cette délibération sous le visa de l'article L 225-129-6 alinéa 1 du code de commerce en concertation avec les trois associées à l'origine de la demande d'expertise ; que malgré l'obstruction de celles ci, une assemblée générale tenue le 24 novembre 2014 a régularisé la décision critiquée et qu'une contestation judiciaire de la validité des décisions prises le 24 novembre 2014 a abouti à un arrêt rendu le 3 novembre 2016 qui en confirme la régularité, un pourvoi en cassation étant en cours d'examen.
Elle expose que face à l'obstruction des sociétés Philea Partenaires, Picardie avenir et Picardie investissement, et à celle de monsieur Fernando D. Santos, président, une assemblée générale des associés a été réunie par la directrice générale de l'entreprise le 4 mai 2015 et a révoqué le président et désigné madame N.T. en qualité de présidente et de directrice générale.
L'appelante fait valoir que les sociétés Philea Partenaires dirigée par M. D., Picardie Avenir et Picardie Investissement prennent une posture d'opposition systématique contraire à l'intérêt social et aux décisions prises démocratiquement.
Elle soutient que la demande d'expertise de gestion n'est pas justifiée par une interrogation sérieuse d'information qui n'aurait pas été satisfaite, qu'une mésentente entre associés est insuffisante à la motiver, qu'une telle mesure d'instruction serait inutile au regard des éléments d'information déjà fournis.
Aux termes de leurs conclusions remises dernièrement le 2 mai 2018, la SCP Financière et la société Theos Avenir demandent à la cour :
- d' infirmer l'ordonnance entreprise,
- de débouter la SA Picardie Avenir de l'ensemble de ses demandes,
- d' inviter les parties à une médiation judiciaire et de désigner tel médiateur qu'il plaira,
- de condamner la SA Picardie Avenir à leur verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Millon Plateau.
Ces deux sociétés, détentrices ensemble de 52,45 % des voix au conseil d'administration de la société Eos construction et dirigée respectivement par madame T. et monsieur A. soutiennent que la demande d'expertise est dépourvue de caractère sérieux et n'entre pas dans les conditions de l'article L. 225-231 du code de commerce en ce que n'est pas étayée l'existence de présomptions d'irrégularités ou un risque d'atteinte à l'intérêt social.
Elles font valoir en outre qu'une expertise serait inutile, les éléments demandés étant connus de tous les associés.
Elles font état d'une collusion malicieuse entre M. Fernando D. Santos et les sociétés Picardie Avenir et Picardie Investissement afin de compromettre l'intérêt social de la société Eos construction.
Elles font valoir à titre subsidiaire qu'une médiation serait opportune dès lors que la demande d'expertise a pour origine une mésentente entre les associés, la solution du litige pouvant résider dans le rachat des titres d'un groupe d'actionnaires par l'autre groupe.
Par leurs conclusions remises dernièrement le 4 mai 2018, la société Picardie Avenir et la société Picardie Investissement demandent à la cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel et la régularité de la notification de la déclaration d'appel sans référence à l'ordonnance de fixation à bref délai ni mention des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile,
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société Eos construction et l'en débouter,
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- condamner la société Eos construction aux frais de l'expertise ordonnée,
- débouter la société Eos construction ainsi que toutes autres parties éventuelles de leurs demandes tant au titre de l'article 700 que des dépens.
Sous le visa de l'article 901 4° du code de procédure civile, elles soulignent que la déclaration d'appel mentionne que le recours porte sur un 'appel total' et que si un document a pu y être joint qui mentionne les chefs du dispositif de la décision dont appel, il n'est fait état d'aucune critique.
Elles indiquent que la société Picardie avenir n'a pu obtenir les éléments d'information d'abord sollicités de façon informelle, qu'elle a donc mis en oeuvre la procédure prévue par l'article L 225-231 du code de commerce et qu'elle n'a reçu de réponse satisfaisante sur aucuns des points d'interrogation.
Elles soutiennent que les demandes d'information sont légitimes au regard de l'importance et de la récurrence des sommes versées qui donnent l'apparence de dysfonctionnements en ce que ces paiements ne sont pas expliqués et elles contestent que la mesure d'expertise puisse affecter péjorativement l'activité de l'entreprise.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 mai 2018, M. Fernando D. Santos et la SAS Philea Partenaires demandent à la cour de :
- dire que l'appel est caduc,
- subsidiairement sur le fond, de débouter les sociétés Eos construction, Theos Avenir et SCP Financière de toutes leurs demandes éventuelles fins et conclusions dirigées contre eux,
- de prendre acte qu'ils s'en rapportent à justice sur la demande d'expertise,
- de condamner solidairement les sociétés Eos construction, Theos Avenir et SCP Financière à leur verser à chacun une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils relatent les circonstances dans lesquelles madame T. a évincé monsieur Fernando D. Santos de la présidence de la société Eos construction puis l'a licencié sans cause réelle et sérieuse tel que jugé définitivement par le conseil de prud'hommes le 22 février 2018 ; ils font état d'un litige relatif au remboursement du compte courant d'associé de monsieur D. au sein de la société Eos construction.
Monsieur D. et la société Philea partenaires soutiennent que les significations de la déclaration d'appel et des conclusions faites par la société Eos construction sont irrégulières en ce qu'elles ne mentionnent pas la durée du délai mentionné à l'article 905-2 du code de procédure civile dans lequel les intimés doivent conclure sous peine d'irrecevabilité des écritures régularisées tardivement.
Ils ne s'opposent pas à la mesure d'expertise sollicitée ; ils font valoir en revanche que la demande de médiation est dilatoire.
Ils contestent toute collusion entre les sociétés Picardie avenir, Picardie investissement et Philea partenaires et monsieur D. et s'étonnent de la résistance à une demande d'expertise sur des fait de gestion présentés comme irréprochables par leurs contradicteurs.
Monsieur D. indique qu'au cours de son mandat de président, il avait eu l'occasion d'exprimer son opposition aux conventions passées avec les sociétés contrôlées par monsieur A., l'absence de justification de l'exécution des prestations promises entraînant notamment la suspension des paiements mensuels à la société SCP Financière.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été close le 4 octobre 2018.
MOTIFS
Sur la procédure d'appel
En application de l'article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.
L'article 905-2 du même code dispose par ailleurs qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Visant uniquement ce second texte, monsieur D. et la société Philea partenaires sollicitent que la déclaration d'appel soit déclarée caduque au motif que l'acte de signification de cette déclaration d'appel et l'acte de signification des conclusions de l'appelante ne mentionnaient pas que, l'affaire étant fixée à bref délai, il incombait à l'intimé de remettre ses conclusions dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusions des appelants.
Il ressort de la combinaison des deux dispositions précitées, que le défaut d'une telle mention n'est pas sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel mais par la nullité de l'acte de signification.
Or, force est de constater que le dispositif des conclusions de la société Philea partenaires et de monsieur D. qui, seul saisit la cour, ne porte pas de demande d'annulation de l'acte de signification de la déclaration d'appel et de l'acte de signification des conclusions de l'appelante.
Dans ces circonstances, la teneur critiquée de cet acte de procédure est indifférente au regard de l'article 905-2.
La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.
Les sociétés Picardie investissement et Picardie avenir sollicitent sous le visa des articles 901 4° et suivants et 909 du code de procédure civile qu'il soit '[statué] ce que de droit sur la recevabilité de l'appel et la notification de l'appel et des conclusions.'
Cette disposition ne constitue manifestement pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elle ne porte pas une demande identifiable.
En outre, les sociétés Picardie investissement et Picardie avenir mentionnent elles mêmes dans leurs écritures que l'acte d'appel indique que l'appel est 'total' et reprend dans un document joint - ainsi que l'établit l'acte d'huissier - l'ensemble du dispositif du jugement, étant observé qu' hormis une jonction et la mention de la recevabilité (aucunement contestée en première instance), ce dispositif consiste uniquement dans la désignation d'un expert.
Dans ces circonstances, la déclaration d'appel a pleinement informé les intimées de l'objet de la saisine de la cour, ces derniers n'alléguant d'ailleurs aucun préjudice ayant pu résulter de la nullité formelle encourue par une violation non établie de l'article 901 4°.
Sur la demande de médiation
Dès lors que l'une des parties au moins refuse le recours à une médiation judiciaire, il y a lieu de rejeter la demande de ce chef.
Sur la demande d'expertise
En application de l'article L 225-231 du code de commerce, une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Il appartient aux parties qui sollicitent la mise en oeuvre d'une telle expertise de justifier d'une présomption d'irrégularité des actes de gestion qui ont fait l'objet d'une demande d'information à laquelle il n'aurait pas été satisfait.
En l'espèce, il est constant que par courrier du 15 mai 2017 visant l'article précité, la société Picardie avenir qui détient plus de 5 % du capital social de la société Eos construction a interrogé la
présidente de celle ci sur six actes de gestion précisément identifiés.
Il convient à titre liminaire de relever que l'approbation des comptes annuels et les rapports des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées, qui rappellent expressément qu'il n'est pas porté d'appréciation sur l'opportunité de ces conventions au regard de l'intérêt social , ne sont pas des obstacles dirimants à la mise en oeuvre d'une expertise de gestion.
En revanche, ces rapports des commissaires aux comptes suffisent à démontrer que l'ensemble des conventions conclues entre la société Eos construction et ses associés ou des sociétés en lien capitalistique avec ces dernières et qui ont fait l'objet d'interrogations de la part de la société Picardie avenir était parfaitement connu de l'ensemble des associés.
Enfin, les sociétés Picardie avenir et Picardie investissement ne sauraient se prévaloir utilement des premiers éléments recueillis par l'expert désigné par le premier juge pour justifier l'action précédemment entreprise.
Il y a lieu d'examiner pour chaque acte de gestion questionné, s'il existe une présomption d'irrégularité à la lumière des pièces produites et notamment des réponses apportées par la dirigeante et si la mesure d'expertise est utile, étant observé que la réalité des faits et des dépenses mentionnées ne fait l'objet d'aucune contestation.
- facturation par la SCP Financière à la société Eos construction de prestations exceptionnelles de 28 500 euros au titre de l'exercice 2013 et de 10 800 euros au titre de l'exercice 2014
Il est constant que la société Eos construction a été créée en 2008 pour reprendre l'activité de la société Herbette, entreprise générale de construction qui faisait alors l'objet d'une procédure collective et qu'elle a conclu le 21 décembre 2011 avec la société SCP Financière, son associée dirigée par monsieur A. un contrat de prestation de services et de conseils. Ce contrat dont copie est versée aux débats mentionne que la SCP Financière promet à la société Eos construction son assistance et son conseil dans toutes les activités de l'entreprise dans la perspective d'un développement d'une activité immobilière sous la forme de montage de projets immobiliers ou de promotion immobilière, moyennant des honoraires mensuels de 5 000 euros HT.
Interrogée sur l'objet des prestations exceptionnelles, objet de la demande d'information, la présidente de l'entreprise a répondu en substance le 9 juin 2017 que les sociétés Picardie avenir et Picardie investissement n'ignoraient rien de la conclusion de cette convention et a souligné l'importance de l'expertise de monsieur A., gérant de la SCP Financière dans le développement de la société Eos construction, sans toutefois apporter aucune explication sur la nature des prestations exceptionnelles ainsi acquittées.
Au regard du caractère général de l'objet du contrat de partenariat conclu le 21 décembre 2011 qui a vocation à englober toutes natures de prestations, de l'absence de disposition de la convention réglementée prévoyant la possibilité de travaux exceptionnels et de toute indication sur la nature des prestations ainsi payées et de la concomitance des faits dénoncés avec la prise de participation accrue de la SCP Financière dans le capital de la société Eos construction, est suffisamment étayée une présomption d'irrégularité des actes de gestion visés qui justifie le recours à l'expertise sur ce point. L'utilité d'une telle expertise réside dans la vérification que la société Eos construction a reçu une contrepartie des sommes acquittées, conforme à l'intérêt social.
- paiement par la société Eos construction à la SCP Financière d'une indemnité de rupture de 30 000 euros le 30 juillet 2015
Si la présidente de la société Eos construction a justement répondu à la demande d'information que l'indemnité de rupture était prévue par le contrat avec la SCP Financière en 2011, il ressort aussi de
cette réponse que la raison d'être de ce contrat était de faire bénéficier la société Eos construction de la compétence personnelle de monsieur A. dont le décès ou l'incapacité totale devait emporter arrêt de la convention, cette disposition soulignant la dimension intuitu personae du contrat.
Or, il n'est pas contesté que monsieur A. a poursuivi les mêmes prestations sous un autre statut juridique que celui de la SCP Financière qu'il dirige en percevant directement une rémunération mensuelle équivalente aux honoraires versés à la SCP Financière, de sorte que la décision de gestion consistant à mettre un terme au partenariat avec la SCP Financière et à en faire exposer corrélativement le coût à hauteur de 30 000 euros par la société Eos construction est légitimement interrogée par l'associée ; cette décision de gestion doit en effet être motivée par l'intérêt social ; l'absence d'explication sur ce point , alors qu'il apparaît que la rupture contractuelle a pu être sollicitée ou consentie dans le seul intérêt de la société SCP Financière étaye suffisamment une présomption d'irrégularité pour justifier la mesure d'expertise qui éclairera utilement les associés sur la conformité de la rupture contractuelle au profit d'un autre mode d'intervention de monsieur A., à l'intérêt social.
- facturation par la société LM Aubry de prestations immobilières pour 20 000 euros en 2013
Interrogée par la société Picardie avenir, la présidente de la société Eos construction a répondu que la société IMAUBRY (et non LM A.) était intervenue en 2013 à la demande de monsieur D. alors président pour fournir des prestations de prospection en vue d'opérations potentielles de promotion immobilière sans toutefois faire référence à quelque document contractuel ; alors qu'il n'est pas contesté que la société IMAUBRY est dirigée par le fils de monsieur A. et que les facturations questionnées sont immédiatement consécutives à l'augmentation du capital de la société Eos construction à laquelle a souscrit la seule SCP Financière dirigée par monsieur A., le commissaire aux comptes de l'entreprise a relevé dans un courrier du 11 juin 2014 que la recherche de terrains ainsi prise en charge par la société Eos construction ne relevait pas de l'objet social de celle ci ; ces éléments de fait caractérisent une présomption d'irrégularité qui justifie le recours à l'expertise afin de vérifier la consistance des prestations payées et leur conformité à l'objet social.
- conformité à l'intérêt social du paiement par la société Eos construction pour un montant de 137 248,50 euros de travaux réalisés dans un immeuble appartenant à la SCI Otheo
Interrogée par la société Picardie avenir, la présidente de la société Eos construction n'a pas contesté la réalité de cette dépense et a fait référence à des documents fournis au requérant le 27 juillet 2015 mais qui ne sont ni identifiés devant la cour, ni versés aux débats, de sorte leur contenu et leur pertinence ne sont pas vérifiables. La société Eos construction indique dans ses écritures que la SCI Otheo a été constituée par certains de ses associés en vue de mettre un nouveau siège social à la disposition de l'entreprise, celle ci prenant en charge certains travaux dans le cadre d'une convention réglementée déclarée qui n'est pas produite, étant observé que le résultat du vote de l'assemblée générale des associés réunie le 31 décembre 2015 sur la résolution s'y rapportant est illisible. L'insuffisance de la réponse apportée par la présidente dans un contexte de conflit d'intérêts possible entre l'entreprise et la SCI Otheo, l'absence de toute indication sur la nature des travaux concernés et leur montant, étaye une présomption d'irrégularité que ne suffit à lever l'offre faite aux sociétés Picardie avenir et Picardie investissement d'investir dans la création de la SCI Otheo. L'expertise ordonnée permettra de vérifier si la dépense exposée par l'entreprise répond intégralement à son intérêt.
- justification des provisions pour SAV (service après vente) sur les exercices 2014 et 2015
Le bilan de l'exercice 2013 versé aux débats ne mentionne pas de provisions pour risques .
Le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels des exercices 2014 et 2015 inclut nécessairement une vérification de la pertinence comptable des provisions pour risques et ces
comptes annuels ont été approuvés à l'unanimité des associés en 2014 ; si en 2015 les comptes n'ont été approuvés qu'à la majorité des associés, ceux ci ont approuvé à l'unanimité l'affectation du bénéfice net comptable de l'exercice qui prend nécessairement en compte les provisions inscrites. Alors que la nature de l'activité de l'entreprise (travaux du bâtiment) impose notoirement que les levées de réserves et autres aléas de fin de chantiers soient provisionnés, aucun élément de fait n'étaye le caractère anormal du montant provisionné.
Dans ces circonstances, il n'est pas justifié d'une présomption d'irrégularité. Ce point ne saurait donc donner lieu à expertise.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf à exclure de la mission confiée à l'expert l'examen de provisions pour SAV portées au bilan des exercices 2014 et 2015.
Succombant dans l'essentiel de ses prétentions, la société Eos construction supporte les dépens d'appel.
Il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
déboute la société Philae partenaires et monsieur D. de leur demande tendant à la caducité de la déclaration d'appel ;
confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf à exclure de la mission confiée à l'expert l'examen de provisions pour SAV portées au bilan des exercices 2014 et 2015 ;
y ajoutant,
déboute les parties de toutes autres demandes ;
condamne la société Eos construction aux dépens d'appel ;
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour.