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Décisions

Cass. soc., 11 janvier 2011, n° 09-66.785

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blatman

Avocats :

Me Ricard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Aix-en-Provence, du 26 févr. 2009

26 février 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 1er mai 2000 par la société B..., en qualité de déléguée médicale généraliste ; que la salariée a démissionné de son poste le 12 janvier 2005 puis a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner la société à lui payer diverses sommes à titre de complément d'indemnités journalières, de complément de treizième mois, de primes d'ancienneté, de gratification dite de réseau et recall test, outre des dommages-intérêts pour harcèlement moral, abus de droit et réparation du préjudice causé par la violation du droit conventionnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement au titre du reliquat d'indemnités journalières et de gratifications, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un élément de la rémunération une prime liée à une servitude permanente de l'emploi ; qu'il était acquis aux débats, comme admis par l'employeur, qu'en exécution de son contrat de travail, la salariée était tenue d'organiser, comme l'ensemble des délégués médicaux, le soir et les week-ends, des réunions professionnelles avec les médecins avec lesquels elle travaillait, dites RP, payées sous forme de compensations RP rémunérant les prestations réalisées dans ce cadre ; qu'en affirmant que l'employeur était libre de l'opportunité du versement de ces gratifications dites de réseau, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'aux termes des articles 27-3 et 28-3 de la Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, en cas de maladie ou d'accouchement de la salariée, l'employeur est tenu de payer à l'intéressée, pendant une période déterminée, « son salaire net mensuel à plein tarif » ; qu'en retenant que des gratifications versées pour rémunérer des prestations exécutées dans le cadre des obligations contractuelles de la salariée ne répondaient pas à la définition conventionnelle du salaire, la cour d'appel a violé lesdites dispositions et l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la salariée faisait valoir que, même si l'employeur avait déclaré à la sécurité sociale son salaire de base augmenté des gratifications réseaux et RP, il ne lui avait néanmoins reversé que les indemnités journalières de sécurité sociale et le complément du salaire de base, hors RP et gratifications réseaux ; qu'en estimant que l'employeur s'était acquitté de ses obligations en déclarant à l'organisme compétent le salaire de base augmenté de la gratification dite de réseau, ce qui n'établissait pas pour autant qu'il s'était acquitté de ses obligations à l'égard de la salariée en lui reversant l'intégralité de l'indemnité due, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail l'égalité de rémunération entre les salariés ; que la salariée faisait valoir qu'elle avait travaillé en binôme avec un autre salarié, dans les mêmes conditions et pouvait donc prétendre percevoir les mêmes montants au titre du solde de la gratification réseau pour février 2005 et de la prime « recall test » ; qu'en refusant d'accorder à la salariée les mêmes gratifications que son « binôme » sans rechercher si le principe d'égalité des salaires avait été ou non respecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2261-22, L. 2271-1 et L. 3221-2 du code du travail ;

Mais attendu d'abord qu'appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que les gratifications en cause n'étaient prévues ni dans le contrat de travail, ni dans la convention collective, qu'elles étaient versées irrégulièrement et avec des montants variables, qu'elles ne présentaient donc pas les critères de constance, fixité et généralité définissant une gratification d'usage ;

Et attendu ensuite, qu'ayant relevé que le salaire à plein tarif visé dans la convention collective s'entendait du seul salaire contractuel lequel incluait le 13ème mois mais excluait les frais professionnels et les gratifications, de sorte que l'employeur avait rempli ses obligations, la cour d'appel a par ces seuls motifs et sans avoir à faire une recherche qui ne lui était pas demandée, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de fixer aux sommes de 130, 70 euros et 13, 07 euros le montant du rappel de salaire et de congés payés, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des termes du débat qu'une lettre du 17 avril 2001 annonçait à la salariée qu'à compter du 1er janvier 2001, sa rémunération mensuelle brute passait à 11 743 F, soit la somme de 1 790, 21 €, comme admis par la société B... (cf. conclusions adverses p. 22), représentant une augmentation de salaire de 6, 44 % ; que, dès lors, en fixant le salaire de Mme X..., au 1er janvier 2001, à la somme de 1 698, 74 €, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la réclamation de la salariée portait également sur la rétroactivité au 1er janvier, comme il était prévu par les accords salariaux, des augmentations accordées par l'employeur ; que cette rétroactivité au 1er janvier de chaque année n'était pas contestée par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il résulte également des termes du débat, que la salariée bénéficiait de six semaines de congés payés, ce qui lui ouvrait droit à 20 % de congés en plus (salaire de base + prime d'ancienneté + gratifications) x12 % ou 1, 2/ 10 ; qu'en accordant à la salariée une indemnité de congés payés à hauteur de 10 % de son salaire, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord que l'erreur de calcul qui est une erreur matérielle n'est pas un cas d'ouverture à cassation et ne peut être réparée que selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile ;

Et attendu ensuite, qu'ayant retenu le mode de calcul proposé par l'employeur pour fixer le montant du rappel de salaire et des congés payés afférents, la cour d'appel n'a méconnu ni l'objet ni les termes du litige ; que le moyen qui est irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'un reliquat de treizième mois, alors, selon le moyen :

1°/ que pour réclamer le versement d'un reliquat de 13ème mois, la salariée soutenait, dans ses conclusions d'appel (p. 26-27) que le 13ème mois lui était réglé pour partie en juin et pour partie en décembre ; qu'en visant le lissage du 13ème mois prévu au contrat de travail pour rejeter la demande de la salariée, sans pour autant se prononcer sur le fait qu'au vu des bulletins de salaire, le 13ème mois était versé en deux fois au cours de l'année, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la salariée demandait à bénéficier d'un 13ème mois calculé sur son salaire de base augmenté de sa revalorisation ; que la cour d'appel a accordé à la salariée un rappel de salaire en raison de la revalorisation de son salaire par application des accords salariaux intervenus au sein de l'entreprise ; qu'en refusant d'accorder à la salariée un solde de 13ème mois calculé sur la base d'un salaire revalorisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant fait ressortir que le 13ème mois était déjà inclus dans le salaire de base, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'un rappel de congés payés, alors, selon le moyen :

1°/ que la salariée soutenait dans ses conclusions d'appel que le 13ème mois lui était réglé pour partie en juin et pour partie en décembre ; qu'en se référant au seul contrat de travail en ce qu'il incluait dans son salaire le 13ème mois, sans pour autant se prononcer sur le fait qu'au vu des bulletins de salaire, le 13ème mois était versé en deux fois au cours de l'année, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la salariée faisait également valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il ressortait des fiches de paie qu'une part des indemnités de congés payés étaient portées dans la colonne « montant à ajouter » puis déduites au titre d'une « absence pour congés payés » ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sous le couvert d'un défaut de réponse à conclusions, ces griefs ne tendent qu'à remettre en discussion les constatations de la cour et son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits devant elle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen qu'en matière de harcèlement moral, il appartient au salarié de soumettre au juge des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et s'expliquent pas des éléments objectifs ; qu'en l'espèce, la salariée soutenait avoir été victime d'un harcèlement moral de la part d'un supérieur hiérarchique qui s'était traduit par le non paiement des augmentations résultant des accords d'entreprise, comme de gratifications, et avait entrainé un arrêt pour maladie et grossesse pathologique au début de l'année 2002 ; qu'en statuant comme elle l'a fait bien que ces éléments de fait laissaient présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur ne justifiant pas, par des éléments objectifs, l'absence d'augmentation, dûment constatée par l'arrêt, du salaire de la salariée en application des accords salariaux intervenus au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert d'une violation de la loi, ce moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond des éléments de preuve produits devant eux et de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le cinquième moyen :

Vu le principe à travail égal, salaire égal ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande au titre de la violation du principe à travail égal, salaire égal l'arrêt retient que l'employeur établit que M. Y... est visiteur médical depuis 1990, que son ancienneté justifiait objectivement un salaire supérieur, notamment en raison de la prime conventionnelle d'ancienneté, que Mme Z... est visiteuse médicale trilingue, ce que Mme X... n'est pas, que Mme A... est diplômée d'une école supérieure de commerce, niveau supérieur à la licence de Mme X..., de sorte que les différences de salaire étaient objectivement fondées ;

Attendu cependant qu'une différence de diplôme ne justifie une différence de traitement que s'il est démontré l'utilité particulière des connaissances acquises au regard des fonctions exercées ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi le diplôme litigieux présentait une telle utilité pour l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande formée au titre de la violation du principe à travail égal, salaire égal, l'arrêt rendu entre les parties le 26 février 2009 par la cour d'appel d'Aix en Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.