CA Toulouse, ch. 3, 11 juillet 2019, n° 18/04097
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Nouvelle Thomas et Danizan Midi Pyrénées (SAS), Holding Pastorello Gestion (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beneix Bacher
Conseillers :
M. Beauclair, M. Blanque
Avocats :
Me Sorel, Me Astié, Me Catala
FAITS
La SAS Société Nouvelle Thomas et Danizan Midi Pyrénées (ci après la SAS SNTD) est une entreprise de travaux publics initialement créée en 1996 par M. A B D et son neveu, M. A X D.
Elle est actuellement présidée par la SARL Holding Pastorello, elle même dirigée par A X D qui détient 100'% du capital de la Holding.
Depuis le 4 mai 2015, la répartition du capital social de la SAS SNTD est la suivante :
- M. A B D': 470 actions (23,5 % du capital)
- M. A X D': 100 actions (5 % du capital)
- la SARL Holding Pastorello Gestion': 1430 actions (71,5 % du capital) elle même présidée par A X D qui détient 100'% de son capital.
M. A B D se considère sous informé en sa qualité d'associé minoritaire. Il a mis en doute la gestion de la SAS SNTD par la SARL Holding Pastorello Gestion au profit de celle ci et de M. A X D.
PROCEDURE
Par acte en date du 9 mars 2018, M. A B D a assigné la SAS SNTD, M. A X D et la SARL Holding Pastorello Gestion devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse, pour voir ordonner une mesure d'expertise afin que soit présenté un rapport essentiellement sur les opérations suivantes :
- la convention conclue entre la SAS SNTD et la société Holding Pastorello Gestion, les modalités d'exécution et de facturation de cette convention, et notamment l'étendue des contreparties fournies et la marge dégagée par la société Holding Pastorello Gestion,
- les prestations entreprises par la Société au bénéfice direct ou indirect de M. A X D et notamment les travaux entrepris sur les biens immobiliers appartenant à M. A X D ou ses proches,
- et toutes autres opérations de gestion des fonds (factures et paiements) entre la H et A X D.
Par ordonnance du 27 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse a :
- dit la demande d'expertise de M. A B D recevable à l'encontre de la SAS SNTD, de M. A X D et la SAS Holding Pastorello Gestion sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,
- l'a dite légitime,
- a désigné M. Z E en qualité d'expert avec pour mission :
* d'examiner la convention conclue entre la SAS SNTD et la SARL Holding Pastorello Gestion : les modalités d'exécution et de facturation de cette convention, et notamment l'étendue des contreparties fournies et la marge dégagée par la SARL Holding Pastorello Gestion,
* les prestations entreprises par la SAS SNTD au bénéfice direct ou indirect de M. A X D et notamment les travaux entrepris sur les biens immobiliers suivants appartenant à M. A X D ou ses proches :
< les travaux de construction de hangar pour l'écurie de jet ski à Portet sur Garonne (..., en 2008 sur un terrain EBC,
< la démolition et reconstruction de la maison ..., sans autorisation du propriétaire, occupée sans droit ni titre, en mars 2012,
< l'extension de la maison ..., appartenant à Mme C D, en 2012,
< les travaux de construction de nouveaux bureaux de la SAS SNTD et de la société Nemso, ... pour la Foncière D, en 2012,
< la construction d'une centrale à béton pour STVM (Société Toulousaine de Valorisation des Matériaux, créée par M A X D), en zone naturelle,
< la création d'un hangar au ... pour l'indivision D (JBP JLP), pour 587 966 €, facture finalement revue par A X D à 250 000 € après discussion, en 2013,
< les travaux de génie civil pour les installations de traitement de bois de STBE (Société Toulousaine Bois et Energie créée par M A X D) (dallage béton, création d1 une plateforme, etc. ... ) à Portet sur Garonne (au ..., en 2014,
< les travaux de remise en état d'un grand hangar à ..., acheté par M A X D, en 2015,
< la réalisation d'un magasin et d'atelier Kawasaki pour l'écurie de jet ski ainsi que d'une base de loisirs sis Zone des Bonnets à Muret, en 2017,
< la rénovation et extension de la maison ... appartenant à Mme C D, actuellement en cours,
<et déterminer pour chacun des travaux ainsi entrepris le montant des factures émises, les paiements intervenus et la marge brute dégagée par la SAS SNTD,
* la pertinence du changement de méthode entrepris depuis 2013 consistant en une majoration des produits constatés d'avance et de limitation des stocks et des en cours et son impact sur les droits de M. A B D en qualité d'associé minoritaire,
* les raisons du défaut de provision du litige avec l'indivision D au titre des exercices 2013 à 2015 du fait de la contestation d'une facture artificiellement majorée de 565 000 euros,
* le défaut de facturation d'intérêts à la société Nemso, société débitrice dans laquelle M. A X D détient une part substantielle du capital et qui se révèle exonérée du paiement d'intérêts de retard pour des raisons non élucidées »,
* la nature des travaux réalisés par la SAS SNTD sur un terrain loué à la société STGC en 2015, le montant des travaux ainsi que le motif du défaut de mention de ces travaux dans le Rapport Spécial du Commissaire aux comptes, alors qu'ils intéressent au premier chef A X D,
* le prix de vente moyen au m² de plancher facturé par la SAS SNTD au titre de ses principaux chantiers sur les exercices 2015 à 2017,
* le nombre de salariés dédiés à l'activité « bâtiment » et le nombre de salariés dédiés à l'activité « travaux publics » au titre des exercices 2015 à 2017,
* le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité
« bâtiment » pour les exercices 2015 à 2017,
* le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité « travaux public » pour les exercices 2015 à 2017,
* le montant des frais remboursés à M. A X D au titre des exercices 2015 à 2017,
* le montant des sommes perçues indirectement ou directement par M. A X D au titre des exercices courant de 2015 à 2017,
* les dépenses de sponsoring entreprises par la SAS SNTD avec l'indication du bénéficiaire,
- fixé à 3 000€ le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, laquelle sera consignée au greffe par la SAS SNTD dans le délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision,
- réservé les dépens ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 2 octobre 2018 à 16h17, la SAS SNTD et la SARL Holding Pastorello Gestion ont fait appel de cette ordonnance en critiquant «'toutes les dispositions de la décision sauf mention contraire'».
L'affaire a été inscrite au rôle de la cour sous le n° RG 18/4094.
Le même jour mais à 16h24, elles ont réitéré la même déclaration d'appel dans les mêmes termes.
Les appelantes ont sollicité la jonction des deux procédures par courrier RPVA du 5 octobre 2018.
Par ordonnance en date du 16 octobre 2018, la présidente de la chambre spécialement déléguée a rejeté la demande d'autorisation d'assignation à jour fixe présentée par la SAS SNTD et la société Holding Pastorello Gestion.
Par ordonnance en date du 3 mai 2019, le premier président de la cour d'appel de Toulouse a déclaré irrecevable la demande de radiation du rôle formée par M. A B D dans les procédures n° RG 18/4094 et RG 18/4097.
MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES
La SAS Société Nouvelle Thomas et Danizan Midi Pyrénées (SAS SNTD) et la SARL Holding Pastorello Gestion (SARL HPG), dans leurs dernières écritures en date du 21 juin 2019, demandent à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile de réformer la décision et :
A titre principal :
- déclarer la demande d'expertise irrecevable et en tout état de cause infondée,
- dire et juger que A B D ne dispose d'aucun motif légitime d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue d'un litige,
- dire et juger que la mission d'expertise ordonnée procède d'investigations générales contraires aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,
- dire et juger que les prétentions de A B D fondées sur des faits de plus de trois ans sont manifestement vouées à l'échec,
- dire et juger n'y avoir lieu à expertise judiciaire,
- débouter A B D de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- dire et juger la mission de l'expert contraire à l'article 145 du code de procédure civile et limiter sa mission aux opérations 2017 et 2018 en supprimant tous les postes de mission ayant un caractère général d'investigations.
En toute hypothèse,
- condamner A B D au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts provisionnels vu l'abus de minorité et le harcèlement auquel il se livre à l'égard de la SAS SNTD,
- condamner A B D également de ce chef, au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 € au profit de la société Holding Pastorello Gestion,
- condamner A B D au paiement de la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS SNTD et 6 000 € à la société Holding Pastorello Gestion, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elles soutiennent que':
- la demande est irrecevable en ce que M. A B D a déjà sollicité les mêmes informations en 2016 dans le cadre d'une demande d'expertise de gestion'; or il s'était déclaré satisfait des informations données par H suivant signification du 12 octobre 2016 et avait donc renoncé à sa demande'ainsi qu'il est mentionné dans l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse du 3 novembre 2016 confirmée par la cour suivant arrêt du 21 mars 2017,
- cette renonciation constitue l'aveu de l'absence de motif légitime ; il ne justifie pas que sa demande s'inscrit dans l'intérêt social dès lors qu'il ne décrit aucune irrégularité, les comptes ayant toujours été approuvés par les commissaires aux comptes, l'expertise lui sert à trouver un fondement à une action future,
- par ailleurs, la société Holding animatrice, n'a pas à être partie à une expertise sollicitée par un associé de sa filiale portant sur la convention d'assistance entre les deux sociétés,
- cette action n'est donc que la reprise de l'action déjà initiée en 2016 sur le fondement de l'expertise de gestion de l'article L 225-231 du Code de commerce et à laquelle il avait expressément renoncé,
- l'abandon de la demande en 2016 est la démonstration de l'absence actuelle de motif légitime ; les défendeurs sont donc en droit de lui opposer aujourd'hui le principe de l'Estoppel qui veut que l'on ne peut se contredire au détriment d'autrui,
- s'il est constant que le recours à une expertise de gestion ne fait pas obstacle à ce que soit rapportée avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, encore faut il justifier d'un motif légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- la présente demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, n'a pas d'autre but que d'investiguer sur la gestion de la SAS SNTD présidée par la Holding Pastorello Gestion c'est-à- dire non pas sur des opérations déterminées mais sur le mode de gestion de l'entreprise: les prix pratiqués, les marges, les ratios'; or, le chiffre d'affaire est en hausse ainsi que les capitaux propres et donc la valeur des actions';
- c'est une mesure d'investigation générale qui vise à analyser les comptes, les contrats et les marchés passés par la société depuis plus de dix ans'; ce sont donc des mesures d'investigation générales particulièrement démesurées,
- en réalité, en l'absence de preuve d'une irrégularité, l'expertise est sollicitée à des fins malveillantes et non pas dans le but de rechercher la protection de l'intérêt social,
- il n'est donc pas justifié d'un litige futur plausible, et la mesure sollicitée n'apparaît pas pertinente, la prétention est manifestement vouée à l'échec,
- à travers cette demande qui s'inscrit principalement dans le cadre d'un contentieux familial successoral, il est recherché un fondement à une future action judiciaire alors que les comptes ont été approuvés par l'AG de décembre 2017 et le commissaire aux comptes'; il est demandé à l'expert de se
prononcer sur la gestion de la société, ce qui dépasse sa mission,
- la demande constitue donc une tentative de déstabilisation des sociétés en l'absence de toute présomption de mise en danger de l'intérêt social ou d'atteinte aux droits des actionnaires minoritaires, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts'; c'est un abus de minorité'puisqu'il n'est pas justifié de présomption de mise en danger de l'objet social.
M. A X D, dans ses dernières écritures en date du 22 juin 2019 demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 27 septembre 2018,
- débouter M. A B D de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger que A B D ne dispose d'aucun motif légitime d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige,
- dire et juger qu'à défaut de caractériser une quelconque action au fond, l'expertise ne saurait avoir pour effet d'investiguer aux fins d'un hypothétique fondement juridique et rejeter la demande,
- dire et juger qu'aucune expertise n'a à intervenir sur les faits pour lesquels toute action serait prescrite,
- constater en conséquence l'irrecevabilité de la demande d'expertise et l'en débouter,
- condamner M. A B D à payer à M. A X D la somme de 30 000 € en indemnisation du préjudice personnel qu'il éprouve en raison de l'abus de minorité auquel se livre le demandeur,
Subsidiairement :
- limiter la mission de l'expert aux seules demandes conformes à l'article 145 du code de procédure civile,
- condamner au paiement de la somme de 30 000 € pour procédure abusive et dilatoire,
En tout état de cause :
- condamner M. A B D à payer à M. A X D la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient que':
- la H est en constante progression de chiffre d'affaire, l'attitude de son oncle s'inscrit dans le cadre d'un contentieux familial,
- la demande est irrecevable en ce que A B D a déjà considéré avoir reçu les informations sollicitées et a renoncé à l'expertise de gestion qu'il réclamait par ailleurs'; aujourd'hui il formule les mêmes demandes,
- l'article 145 du Code de procédure civile « permet l'obtention d'une mesure d'expertise lorsque celle ci est destinée, non pas à répondre à un droit d'information de l'actionnaire (ce qui relève de l'expertise de l'article L.225-231), mais à obtenir des preuves en vue d'un procès éventuel,
- or, il n'est pas justifié d'un litige plausible en l'absence de précision sur l'objet et la cause d'un litige futur': aucun indice d'irrégularité dans la gestion ou la gouvernance des sociétés, alors que le commissaire aux comptes les a certifiés,
- les nombreux points qu'il entend soumettre à l'expert démontrent qu'il cherche un fondement à une action'; il est moins à la recherche d'une preuve que d'un grief, la demande n'a aucune finalité probatoire, et particulièrement quand il sollicite de l'expert qu'il donne son avis sur la pertinence de la méthode comptable adoptée,
- la mesure est inutile dès lors qu'il a en sa possession toutes les réponses à ses questions et l'ensemble des éléments de preuve qui lui seraient utiles s'il entendait véritablement mettre en œuvre une action en responsabilité': il a été répondu à ses questions par écrit,
- il n'a pas exercé son droit à l'information en sa qualité d'actionnaire ou d'associé (art 36 des statuts) par la consultation des rapports du commissaire aux comptes, sa carence dans l'exercice de ses droits d'associés ne peut être suppléée par une expertise judiciaire perturbatrice pour l'entreprise,
- certaines questions relèvent à l'évidence du domaine de l'expertise de gestion puisqu'elles ne sous tendent aucun grief, et l'expert n'a pas à donner son avis sur la gestion ou la pertinence d'une méthode comptable,
- subsidiairement, la responsabilité d'un dirigeant se prescrivant par 3 ans à compter de l'acte incriminé, une action en responsabilité pour des faits antérieurs à 2015 serait prescrite et donc la mesure d'expertise ne pourrait investiguer avant cette date,
- la demande de dommages et intérêts est fondée d'une part sur l'abus de minorité puisque le but poursuivi est le dénigrement et la déstabilisation de la société et la jurisprudence considère en effet qu'en l'absence de toute présomption de mise en danger de l'intérêt social ou d'atteinte aux droits des actionnaires minoritaires, la demande d'expertise formulée sur la base de simples allégations dépourvues de tout fondement procède de la volonté de remettre en cause des actes de gestion adoptés régulièrement et constitue un abus de minorité devant donner lieu à réparation,
- d'autre part, l'action entreprise est manifestement abusive et dilatoire et, une procédure doit être considérée comme telle lorsque son auteur n'est animé que par la volonté de nuire, qu'elle est dépourvue de fondement juridique ou lorsqu'elle se caractérise par la multiplicité des actions ; et ces critères sont alternatifs.
M. A B D, dans ses dernières écritures en date du 13 juin 2019, demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile de :
- débouter les SAS SNTD et SARL Holding Pastorello Gestion de leur appel,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée,
- y ajoutant, condamner solidairement M. A X D et la société Holding Pastorello Gestion au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. A B D,
- dire que les opérations d'expertise à intervenir seront communes à M. A X D et à la société Holding Pastorello Gestion.
Il soutient que':
- l'ordonnance du 3 novembre 2016 qui constate qu'il a renoncé à sa demande d'expertise est un simple donné acte alors qu'il a été fait droit à ses demandes par ailleurs'; ce précédent n'a donc aucune incidence, et il n'a pas renoncé à une action,
- sa demande est justifiée considérant que les réponses à ses questions sont systématiquement évasives ou non justifiées (AG de 2013, 2015),
- il est donc légitime à se préoccuper des raisons pour lesquelles, malgré l'accroissement constant du chiffre d'affaires de la société, le bénéfice reste stable, voire régresse, dans des conditions suspectes,
- lors de l'AG du 6 juin 2017 il n'a pas été répondu sur le bien fondé des facturations'; le contrôle fiscal de validation invoqué ne concernait pas H,
- le principe de l'Estopel est circonscrit au débat judiciaire et il est évident que ce n'est qu'au cours d'une assemblée générale qu'il a émis un vote favorable mais il ne s'est jamais désisté d'une quelconque action,
- l'expertise 145 est distincte de l'expertise de gestion même si certaines questions se recoupent,
- or d'une part, il n'a pas signé le procès verbal d'assemblée générale et d'autre part, il a envoyé un long courrier de protestation démontrant qu'il n'a pas acquiescé aux actes de gestion présentés,
- la question posée est de savoir dans le cadre de la convention entre H et la Holding de A X D, quelle est la contrepartie reçue par la société H et la marge dégagée et ce justement, pour apprécier la conformité, voire la compatibilité de cette convention d'animation et de prestation de services, avec l'intérêt social'; il craint un «'siphonage'» de la société d'exploitation par sa holding,
- il s'interroge donc sur les conditions de rémunération de la holding de Monsieur A X D au titre de prestations de services et leur réalité servies à la société H alors qu'aucun des salariés de la Holding n'ont les compétences requises en matière administrative, financière et juridique pour fournir des prestations à la H ; la réalité de ces prestations n'est pas rapportée alors qu'il a été facturé une somme de 631 000 euros.; au travers de l'absence de réponse claire à ses questions, et donc de ce mutisme, il est à craindre une activité parallèle de nature à nuire aux intérêts sociaux, d'autant que depuis 2013 il est fait appel à la pratique de la limitation du résultat comptable,
- il cherche ainsi à obtenir un éclaircissement sur des dépenses substantielles entreprises chaque année au bénéfice d'une société dont M. A X D est le seul associé,
- l'expertise engagée se veut le prélude éventuel à une action en responsabilité pour des faits pouvant être qualifiés d'abus de biens sociaux et elle tend au premier chef, à la sauvegarde de l'intérêt social,
- partie à la convention litigieuse, la Holding doit être présente aux opérations d'expertise,
- la question de la prescription échappe au juge des référés et elle n'est pas opposable en l'espèce de toute façon,
- ne détenant que 23'% des parts sociales, il ne peut être accusé d'abus de minorité ou de créer les conditions d'une minorité de blocage.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2019.
MOTIVATION
Sur la jonction
Les instances inscrites au rôle de la cour sous les n° RG 18/4094 et 18/4097 présentent des liens de connexité entre elles tels qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la Justice que les deux instances soient instruites et jugées ensemble.
Sur la recevabilité
L'expertise de gestion de l'article 225-231 du code de commerce n'est pas exclusive de l'expertise sollicitée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. De sorte que M. A B D, qui reconnaît avoir sollicité antérieurement une expertise de gestion, n'est pas irrecevable en sa demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile et ce, même s'il a renoncé à la première.
Sur le fond
Les deux expertises ont des objectifs totalement différents. Alors que l'expertise de gestion tend à conforter l'information des associés, l'expertise de l'article 145 ne peut être ordonnée que sur démonstration d'un motif légitime visant à établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Si la mise en oeuvre de ce texte ne se conçoit qu'en prévision d'un possible litige, elle n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
Le motif légitime existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire.
Ainsi, ce texte exige que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur. Il appartient donc au demandeur d'établir l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner. Mais l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
En l'espèce, il appartient à M. A B D requérant à la mesure de l'article 145 du code de procédure civile, de justifier des conditions d'application de ce texte.
Il soutient que la SARL Holding Pastorello Gestion et M. A X D exercent une gestion volontairement opaque de la SAS SNTD de nature à nuire à l' intérêt social, au travers d'une convention de prestations de services du 10 janvier 2013. Notamment, il indique que des frais annuels et des honoraires très élevés ont été facturés par la Holding sans contrepartie réelle, ni justificatifs en 2014 et 2015'; qu'il craint un «'siphonnage'» de la société d'exploitation par la Holding et le développement d'une activité parallèle. Il soupçonne un enrichissement illicite en raison de l'absence de contrepartie consentie par la Holding : il s'interroge en effet sur les causes des paiements effectués par la SAS SNTD à la Holding alors que le personnel de la Holding n'a pas les compétences techniques internes et d'autant que M. A X D a indiqué lors de l'assemblée générale du 13 décembre 2017, qu'il entendait réduire l'activité de la SAS SNTD. L'expertise sera donc pour lui, le «'prélude à une action en responsabilité'».
Il produit à l'appui de sa démonstration :
- la convention litigieuse d'animation et de prestation de services du 10 janvier 2013,
- les procès verbaux des assemblées générales de la SAS SNTD des 22 mai 2015 et 6 juin 2017, visant l'approbation du rapport de gestion du gérant, du rapport général et du rapport spécial sur les conventions visées à l'article 223-19 du code de commerce établis par le commissaire aux comptes, l'approbation des comptes et quitus à la présidence et, l'affectation des résultats,
- le procès verbal d'assemblée générale du 13 décembre 2017 relatif à l'approbation du rapport de la présidence sur la nature des relations entre les actionnaires et l'examen des mesures à décider et à prendre quant à la sauvegarde de l'activité de la société,
- le rapport du président préalable à l'assemblée générale du 13 décembre 2017,
- l'ensemble des questions écrites qu'il a posées en vue des assemblées générales 2014, 2015,
- son courrier du 7 décembre 2017 sollicitant en sa qualité d'actionnaire des informations préalablement à l'assemblée générale du 13 décembre 2017,
- les réponses écrites données par la SAS SNTD à l'occasion de l'assemblée générale du 22 mai 2015,
- le rapport de gestion de la SAS SNTD sur les opérations de l'exercice clos le 31 décembre 2017.
Or, aucun de ces documents n'apporte la moindre consistance à ses soupçons ; il ne procède que par déductions et affirmations.
Il déduit en effet, les fautes de gestion et l'intention malveillante à l'encontre de la SAS SNTD et de ses associés, des faits suivants':
- le défaut de production de la convention de 2013 jusqu'au jour de l'audience devant le juge des référés du tribunal de commerce,
- l'absence de réponse à ses questions écrites sur la réalité des contreparties aux dépenses d'honoraires de prestation de service et frais payés par la SAS SNTD à la Holding et notamment, l'augmentation du double de ses honoraires en 2015,
- le silence gardé sur la marge dégagée par la Holding,
- la stagnation du bénéfice voire sa régression.
Mais ces déductions ne reposent sur aucun fait précis, objectif et vérifiable.
Il procède également par simples affirmations lorsqu'il indique que M. A X D perçoit des sommes directement comme indirectement de la SAS SNTD, suggérant en termes clairs l'existence d'abus de biens sociaux, alors qu'il a eu connaissance des rapports du commissaire aux comptes à l'occasion de chaque assemblée générale et qu'il ne fait état d'aucune réserve de sa part dans la gestion ou la comptabilité de l'entreprise.
Il émet également des doutes sur les dépenses de sponsoring mais il ne tire aucun argument de l'extrait du grand livre sponsoring 2016, produit au débat par les parties adverses.
Par ailleurs, l'extrait des comptes sociaux H de 2010 à 2016 vise une progression significative du chiffre d'affaire et du résultat, et si les perspectives de la SAS SNTD sont devenues alarmantes, M. A X D a expliqué lors de l'assemblée générale du 13 décembre 2017, que la société avait connu des difficultés financières durant l'année 2017 en même temps que le départ de l'entreprise de son directeur technique, ce qui le conduisait à réduire l'activité bâtiment pour consolider l'entreprise et à développer des activités «'en dehors'» d'elle. Et ces affirmations ne sont contredites par aucune pièce versée au débat.
M. A B D ne démontre donc pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement sont cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait influer le résultat de l'expertise à ordonner. Et il le reconnaît lui même puisqu'il écrit qu'il sollicite une expertise judiciaire en vue de connaître «'une situation réelle sur un ensemble d'opérations de gestion bien précises'» ou pour obtenir un «'éclairage objectif' sur la situation de la SAS SNTD », ce qui constitue la démonstration que le but poursuivi est une information sur des questions de gestion et non pas l'amélioration de sa situation probatoire ou la consolidation de la preuve dans le cadre d'un litige futur. Ainsi, les missions suivantes confiées à l'expert par le premier juge apparaissent purement informatives':
- le prix de vente moyen au m² de plancher facturé par la SAS SNTD au titre de ses principaux chantiers sur les exercices 2015 à 2017,
- le nombre de salariés dédiés à l'activité « bâtiment » et le nombre de salariés dédiés à l'activité « travaux publics » au titre des exercices 2015 à 2017,
- le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité « bâtiment » pour les exercices 2015 à 2017,
- le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité « travaux publics » pour les exercices 2015 à 2017,
Par ailleurs, le juge des référés ne peut ordonner une mesure d'investigation générale qui s'analyse alors comme une mesure qui n'est pas légalement admissible. Or, les questions suivantes posées dans la mission confiée à l'expert par le premier juge constituent des mesures d'investigations générales :
- déterminer les prestations entreprises par la SAS SNTD au bénéfice direct ou indirect de M. A X D à l'occasion des travaux entrepris (au nombre de 10), sur divers biens immobiliers appartenant à M. A X D «'ou ses proches'»'; la circonstance que ces chantiers soient précisés n'est pas de nature à gommer le caractère général des investigations réclamées';
- l'examen des modalités d'exécution et de facturation de la convention conclue entre la SAS SNTD et la SARL Holding Pastorello Gestion et notamment, l'étendue des contreparties fournies et la marge dégagée par la SARL Holding Pastorello Gestion.
En outre, en application de l'article 232 du code de procédure civile, l'expert désigné ne peut être investi que d'une mission portant sur une question de fait d'ordre technique dont seul le juge peut se réserver d'en tirer toute conséquence juridique. Dès lors, ne sont pas admissibles, les questions suivantes confiées à l'expert par le premier juge':
- l'examen de la convention conclue entre la SAS SNTD et la SARL Holding Pastorello Gestion,
- la pertinence du changement de méthode entrepris depuis 2013 consistant en une majoration des produits constatés d'avance et de limitation des stocks et des en cours et son impact sur les droits de M. A B D en qualité d'associé minoritaire.
En conséquence, il apparaît que la demande ne remplit pas les conditions de l'article 145 du code de procédure civile, de sorte que l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a désigné M. Z E en qualité d'expert et réservé les dépens ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'article 809, second alinéa, du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il y a contestation sérieuse lorsque'le juge est contraint de trancher une question de fond pour justifier la mesure sollicitée ou qu'il a à prendre partie sur les droits ou obligations revendiqués ou invoqués.
Or, en l'espèce, pour trancher la demande de dommages intérêts, le juge devrait se livrer à une analyse du comportement de la partie succombante dans l'exercice de l'action en justice, ce qui excède les pouvoirs du juge des référés.
Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande qui par ailleurs n'est même pas présentée comme une provision.
M. A B D succombant en ses demandes, il doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, lesquels ne peuvent être réservés, la décision du juge des référés mettant fin au litige.
PAR CES MOTIFS
La cour :
- Ordonne la jonction des procédures 18/4097 et 18/4094 sous ce seul numéro.
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse sauf en ce qu'il a dit la demande d'expertise de M. A B D recevable à l'encontre de la SAS SNTD, de M. A X D et de la SAS Holding Pastorello Gestion sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- Déboute M. A B D de sa demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de
procédure civile.
Y ajoutant,
- Déboute la SAS SNTD, la SARL Holding Pastorello Gestion et M. A X D de leur demande de dommages et intérêts.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. A B D à payer à SAS SNTD, la SARL Holding Pastorello Gestion et M. A X D la somme de 1500€ pour chacun d'eux.
- Condamne M. A B D aux dépens de première instance et d'appel.