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Décisions

CA Metz, ch. des urgences, 21 juin 2011, n° 10/01676

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Let Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebrou

Conseiller :

Mme Soulard

Avocats :

Me Rozenek, Me Monchamps, Me Sebban

CA Metz n° 10/01676

21 juin 2011

Monsieur Patrice V. a créé les sociétés LET France Routage, L. Stocks Archives et L. Lux dont il était le principal actionnaire ou associé ainsi que le dirigeant.

Suivant un protocole signé le 13 décembre 2006 avec Monsieur Didier C., Monsieur V. a cédé ses actions et parts à ce dernier dans ces trois sociétés et il est devenu actionnaire à hauteur de 8,37 % de la société holding, la SAS LET Services, créée pour la reprise des trois sociétés précitées.

Le 25 avril 2009, Monsieur V. a interrogé Monsieur C. sur la gestion des trois sociétés cédées, filiales de la société LET Services, sur le fondement de l'article L.225-231 du Code de Commerce et, en suite de la réponse qui lui a été donnée, le 22 mai 2009, mais qu'il a jugée insuffisante, il a assigné la société LET Services, le 6 octobre 2009, à l'effet de voir désigner un expert sur le fondement de l'article L.225-231 du Code de Commerce et condamner la défenderesse aux dépens et à lui payer la somme de 1 600 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La société LET Services a conclu à l'irrecevabilité de la demande en tant qu'elle porte sur la période postérieure à 2007 qui n'a pas fait l'objet de la mise en demeure préalable de Monsieur V. et à son rejet au motif qu'elle a répondu aux interrogations de Monsieur V..

Par ordonnance du 9 mars 2010, le président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Metz a débouté Monsieur V. de ses demandes et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour statuer ainsi ce magistrat a relevé que Monsieur V. détient au moins 5 % du capital de la société LET Services et que l'expertise peut porter sur des opérations de gestion réalisées dans les sociétés du groupe ; que la demande d'expertise ne peut porter que sur ce qui était contenu dans le questionnement des dirigeants et qu'en conséquence elle n'est recevable que pour les actes de gestion relatifs à l'exercice 2007. Il a ensuite analysé les réponses fournies aux interrogations de Monsieur V. pour chaque société du groupe et il a considéré qu'il a été répondu de manière satisfaisante par la lettre du dirigeant de la société LET Services du 22 mai 2009 complétée par un courrier de l'expert comptable, la société SOCOGEX, et par les pièces versées aux débats.

Monsieur V. a interjeté appel de cette ordonnance, le 14 avril 2010 et il conclut à son infirmation, à la recevabilité et au bien fondé de sa demande, à la désignation d'un expert aux frais avancés de la société LET Services, chargé d'examiner les factures de refacturation de prestations entre les société LET France Routage et L. Stocks Archives pour les exercices 2007 à 2009 et de vérifier la réalité des prestations facturées, de vérifier les contrats de travail de Madame Laurence C. et de Monsieur Nicolas S. et la réalité de leur travail au sein de la société LET Lux et de chiffrer le coût de leur embauche en cas d'emploi fictif, d'effectuer les mêmes vérifications en ce qui concerne le travail de Madame Laurence C. au sein de la société LET France Routage, de vérifier les conditions de l'embauche de Madame Catherine C. au sein de la société LET France Routage, le coût des prestations qu'elle a facturées et leur résultat pour les exercices 2007 à 2009, et de se faire remettre les factures figurant au poste honoraires des trois sociétés du groupe pour les exercices 2007 à 2009.

Il conclut en outre à la condamnation de la société LET Services aux frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La société LET Services conclut au rejet de l'appel, à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de Monsieur V. aux dépens et au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur ce,

Vu les conclusions récapitulatives de Monsieur V. du 22 octobre 2010 et celles de la société LET Services du 6 septembre 2010,

Monsieur Patrice V. détient au moins 5 % du capital social de la société LET Services et il a préalablement posé des questions, par lettre du 25 avril 2009, au président de la société sur des opérations de gestion des trois sociétés du groupe d'où il suit, ainsi qu'il a été jugé, qu'il est recevable à demander en référé la désignation d'un expert.

S'agissant de l'étendue des opérations de gestion à prendre en considération, il n'y a pas lieu de déclarer la demande irrecevable pour les exercices des trois sociétés visées postérieurs au 31 décembre 2007 ainsi que le suggère la société LET Services dès lors que la lecture précise de la lettre de Monsieur V. du 25 avril 2009 permet de constater que, s'agissant de la société LET Stocks Archives les questions posées sont relatives aux refacturations établies par la société LET France Routage à compter de 2007" avec demande des copies des factures de la première à la plus récente , que s agissant de la société LET Lux la question posée concerne les contrats de travail de Madame Laurence C. et de Monsieur Nicolas S. de 2008 et que, s'agissant de la société LET France Routage, la question posée est également relative au contrat de travail de Madame Laurence C. et aux prestations de Madame Catherine C. depuis son embauche courant 2007" jusqu à ce jour ainsi qu au déménagement de cette société en zone franche en janvier 2008.

Concernant l intérêt du groupe cité par l article L.225-231 du Code de Commerce en cas d'interrogations sur des opérations de gestion des sociétés contrôlées, il ne peut s'agir en l'espèce d'une condition de recevabilité de la demande de Monsieur V. dès lors que, celui ci étant actionnaire de la seule société LET Services qui contrôle les trois sociétés considérées, il ne peut agir objectivement que dans l intérêt du groupe de sorte que l intérêt du groupe doit plutôt s apprécier en considération du bien fondé de la demande d'expertise. A ce sujet, il est incontestable que, quand bien même Monsieur V. agirait dans le dessein de nuire à la société LET Services et/ou dans le but de contre attaquer à la mise en oeuvre par cette dernière de la garantie d'actif et de passif consentie lors de la cession de ses actions et parts dans les trois sociétés du groupe, il n'en demeure pas moins que les questions posées dans sa lettre du 25 avril 2009 ont véritablement trait à la gestion de ces trois sociétés et à des faits qui intéressent au premier chef la société qui les contrôle et qui profite de leur réussite économique et financière ou qui doit subir les conséquences de leur mauvaise gestion de sorte qu'il y a lieu, en dépit des réserves exprimées par l'intimée quant aux mobiles de Monsieur V., d'examiner le bien fondé de sa demande en considération des questions posées dans sa lettre du 25 avril 2009.

A ce sujet, il est constaté que la réponse du président de la société LET Services contenue dans sa lettre à Monsieur V. du 22 mai 2009 contient des éléments de réponse satisfaisants à chacune des questions posées en ce qu'elle fournit des explications pour chacune des opérations évoquées par Monsieur V. assorties, pour justifier ces opérations et pour l'édification de ce dernier, des critiques relatives à sa propre gestion des trois sociétés lorsqu'il en était le dirigeant et des reproches quant aux pratiques qu'il a suivies et qu'il a été nécessaire de rectifier.

Certes, les réponses fournies n'étaient pas complétées par la production des documents sollicités par Monsieur V. et des pièces justifiant les refacturations et les honoraires suspectés ainsi que les charges sociales supportées par les sociétés et les résultats obtenus. Néanmoins la lettre du 22 mai 2009 de Monsieur C. précisait la raison de cette absence de production de documents en se référant aux liens de Monsieur V. avec deux sociétés directement concurrentes et à sa crainte de voir de tels documents utilisés à l'encontre des intérêts de la société LET Services.

De plus, cette réponse du 22 mai 2009, a été utilement complétée par la production postérieure des explications détaillées et chiffrées de l'expert comptable de la société LET Services, la société SOCOGEX, dans un courrier du 13 novembre 2009 et par la production aux débats de nombreuses pièces à l'appui des réponses données.

Ainsi, en ce qui concerne la société LET Stocks Archives, la réponse de Monsieur C. relative à la refacturation à cette société de charges payées par la société LET France Routage mais normalement à supporter par elle, contrairement aux pratiques antérieures, est utilement complétée par la lettre de la société SOCOGEX du 13 novembre 2009 qui précise les prestations concernées et leur montant, qui détaille les honoraires payés quant à leur nature et leur montant et qui précise les avantages, en les chiffrant, du déménagement en zone franche.

S'agissant des contrats de travail de Madame Laurence C. et de Monsieur S., la société LET Services a produit les contrats de travail ainsi que les déclarations d'entrée et de sortie de ces salariés. Certes les attestations produites par Monsieur V. relatent que ces personnes n'ont pas travaillé pour les sociétés qui les avaient embauchées mais, outre qu'elles émanent de personnes qui sont des salariés de la société concurrente Pôle Courrier créée par le frère de Monsieur V., elles sont contredites par les attestations d'autres salariés des société du groupe LET qui sont pour le moins aussi crédibles et qui, en l'état de leurs révélations contraires, ne permettraient pas à un expert de se prononcer sur le caractère fictif de l'emploi de Madame Laurence C. et de Monsieur S..

De même, la société LET Services a produit aux débats le contrat de collaboration conclu avec Madame Catherine C., le 1er juin 2007, pour prendre et planifier les rendez vous du service commercial de la société LET France Routage. Ce contrat précise les conditions de la rémunération et les factures qu'elle a établies ont été versées aux débats avec la liste des rendez vous pris et les courriers électroniques actant les confirmations de rendez vous avec les clients.

Enfin, en ce qui concerne le chiffre d'affaire 2007 de la société LET Stocks Archivages qui se serait effondré sans diminution des charges sociales, l'augmentation de 28 % des charges sociales de la société LET Lux alors que le chiffre d'affaires n'a augmenté que de 10 % et de même pour la société LET France Routage dans la proportion de 10 % et de 1 %, il a été répondu de la manière la plus claire à Monsieur V. dans la lettre du 22 mai 2009 à chacune de ces questions dans les termes précis et qui renvoient pour partie les faits déplorés à sa propre turpitude alléguée, ce qui fait l'objet depuis lors d'une plainte très motivée pour abus de confiance, abus de biens sociaux, présentation de faux bilans, faux et usage de faux, escroquerie et vols de documents ainsi que d'une action en garantie d'actif et de passif devant le Tribunal de commerce de Paris, et ce qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier dans le cadre de la présente demande.

En définitive il y a lieu de considérer que, outre les réponses fournies par Monsieur C., les pièces versées aux débats rendent inutile la prescription d'une

expertise de gestion sur les opérations signalées par Monsieur V. et il convient en conséquence, en rejetant l'appel, de confirmer la décision entreprise.

Néanmoins, la demande de Monsieur V. ayant été rendue finalement inutile du fait des productions postérieures à son assignation, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette l'appel,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne les frais et dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que chaque partie supportera ses dépens et frais irrépétibles de première instance,

Dit que chaque partie supportera ses dépens et frais irrépétibles d'appel.