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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 9 novembre 2017, n° 14/00140

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société des Auteurs, Compositeurs et Édite Urs ee Musique

Défendeur :

Association Jazz Arts et Musiques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseillers :

Mme Bertoux, Mme Mantion

TGI Dieppe, du 10 avr. 2014

10 avril 2014

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement en date du 10 avril 2014, le tribunal de grande instance de Dieppe a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'Association Jazz Arts et Musiques, Me L. étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juillet 2014, la société civile Sacem a déclaré sa créance à Me Philippe L., ès-qualités, à hauteur de 5 699 € à titre privilégié et 580,93 € à titre chirographaire.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 18 septembre 2014, Me L. a répondu en indiquant que la déclaration de créance est partiellement contestée et qu'il proposerait au juge commissaire l'admission de la créance pour la somme de 4 199 € à titre privilégié et le rejet pour le surplus.

Par ordonnance en date du 9 mai 2017 , le juge commissaire du tribunal de grande instance de Dieppe a :

- donné acte de l'abandon de la demande de la Sacem relative à la créance d'un montant de 5 699 € ;

- admis la créance de la Sacem pour la somme de 580,93 € ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- dit que la présente ordonnance sera notifiée aux parties par les soins du greffe.

La société Sacem a interjeté appel de cette décision, et aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 juin 2017 , auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

- recevoir la Sacem en son appel et la dire bien fondée ;

- vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

- réformer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de grande instance de Dieppe du 9 mai 2017 en ce qu'elle a donné acte de l'abandon de la demande de la Sacem relative à la créance d'un montant de 5 699 € ;

- confirmer cette même ordonnance pour le surplus et statuant à nouveau :

- constater l'accord des parties pour l'admission, à titre privilégié, au passif du redressement judiciaire de l'Association Jazz Arts et Musiques de la créance de la Sacem d'un montant de 5 699 € ;

- en conséquence admettre au passif du redressement judiciaire de l'Association Jazz Arts et Musiques la créance de la Sacem pour la somme de 5 699 € à titre privilégié et 580,93 € à titre chirographaire ;

- fixer à la somme de 3 000 € l'indemnité due à la Sacem au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'inscrire au passif du redressement judiciaire de l'Association Jazz Arts et Musiques ;

- condamner l'Association Jazz Arts et Musiques aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux les concernant par la SELARL G. & S. Avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Il a régulièrement été procédé à la signification de la déclaration d'appel et des conclusions déposées le 29 juin 2017 , avec assignation, à Me L., es-qualités de mandatatire judiciaire de l'Association Jazz Arts et Musiques, par acte signifie le 10 juillet 2017 remis à une personne présente au domicile qui a accepté de recevoir copie, d'une part, et à l'Association Jazz Arts et Musiques, par acte signifie le 21 juillet 2017 remis à l'étude, d'autre part.

Me L., es-qualités de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan n'a pas constitué avocat. Il a adressé à la cour, une lettre en date du 13 juillet 2017 , dans laquelle il indique que n'étant pas en mesure de constituer avocat devant la cour, il s'en remet à la sagesse de la cour d'appel. Il joint copie de la correspondance qu'il a adressée aux conseils de l'appelante indiquant qu'il se propose de retenir au titre du plan qui a été arrêté, la somme totale au niveau de la Sacem de 5.699 € sur laquelle, la somme de 2.771,34 € a déjà été versée.

L'Association Jazz Arts et Musiques n'a pas constitué avocat.

DISCUSSION

La Sacem reproche au juge commissaire d'avoir statué extra petita en lui donnant acte de l'abandon de sa créance à titre privilégié alors qu'il n'était pas saisi d'une telle demande.

Selon l'article 4 du code de procédure civile, 'l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées dans l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'

L'article 5 du même code dispose que ' le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.'

Il ressort des explications fournies et des pièces versées aux débats par l'appelante que la Sacem a déclaré sa créance pour un montant de 5.699 à titre privilégié, d'une part, et de 580,93 € à titre chirographaire, d'autre part; que le mandataire judiciaire a proposé l'admission de la créance à hauteur de 4.199 € à titre privilégié, aux motifs qu'une subvention de 1.500 € n'aurait pas été déduite, et le rejet de la créance d'indemnité contractuelle réclamée pour non-paiement dans les délais de 580,93 €, s'agissant d'une clause pénale.

Il résulte de l'examen de la décision entreprise que les parties ont été convoquées devant le juge commissaire 'afin qu'il soit statué sur l'admission de deux créances contestées par la Sacem, à savoir :

- une première créance de 5.699 € et contestée à hauteur de 1.500 €,

- une seconde créance de 580,93 € intégralement contestée'.

La Sacem a indiqué que subsistait un unique désaccord quant à l'admission de la seconde créance, un accord était parvenu pour la première.

Les parties s'opposaient sur la qualification de la seconde créance de 580,93 €, indemnité de retard pour la Sacem, clause pénale pour le mandataire judiciaire.

Force est de constater que le premier juge n'était pas saisi d'une demande de donner acte de l'abandon de la créance de redevances de droits d'auteur de la Sacem déclarée pour un montant de 5.699 €.

Aucune des pièces de la procédure ne démontre que la Sacem aurait eu l'intention d'abandonner sa créance, et encore moins de s'en faire donner acte, ce qui ne se présume pas, comme l'observe, à bon droit, la Sacem, mais au contraire sa volonté de maintenir la demande d'admission de la créance dans son intégralité.

Ainsi, en donnant acte à la Sacem de son abandon de la créance d'un montant de 5.699 €, déclarée à titre privilégié, le juge commissaire s'est prononcé sur ce qui ne lui était pas demandé.

Dans son exposé du litige, le juge commissaire a relevé que le représentant de la Sacem avait indiqué 'que subsistait un unique désaccord quant à l'admission de la seconde créance, un accord était parvenu pour la première.'

La Sacem demande de constater l'accord des parties pour l'admission, à titre privilégié, au passif du redressement judiciaire de l'Association Jazz Arts et Musiques de sa créance d'un montant de 5.699 € , faisant référence au plan de continuation avec apurement du passif proposé par la débritice.

Si, au vu de ce document, le caractère privilégié de cette créance est admis, en revanche, son montant n'est accepté qu'à hauteur de 4.199 €, de sorte que la Sacem ne peut se prévaloir d'un accord pour une admission à hauteur de 5.699 €.

Toutefois, il résulte des stipulations des trois contrats généraux de représentation en date respectivement des 08 juin 2010, 09 mai 2011 et 07 juin 2013, relatives au paiement d'une redevance d'auteur pour les représentations organisées par l'Association Jazz Arts et Musique, que la créance de la Sacem, à ce titre, s'élève à la somme de 5.699 € TTC..

Par ailleurs, selon les explications fournies par la Sacem, dans sa lettre adressée le 13 octobre 2014 en réponse à la correspondance de Me L. du 18 septembre 2014 proposant l'admission de la créance de redevances de droits d'auteur déduction faite d'une subvention de 1.500 € due par la Sacem et non versée, non sérieusement contredites, cette subvention 'provient des fonds prévus à l'article L.311-1 du code de la propriété intellectuelle destinés à des actions d'aide à la création', elle 'ne peut être déduite des droits d'auteurs facturés pour les concerts...'; il est précisé dans cette lettre qu'il appartenait à l'association de se rapprocher de la Sacem afin 'd'honorer l'ensemble de ses factures et ainsi recevoir 1.500 € au titre de la subvention du Festival 2013"; il est également indiqué qu'un chèque d'un montant de 1.500 € a néanmoins été transmis à l'association, ce qui n'est davantage sérieusement contesté.

Dès lors le montant de la subvention ne peut être déduit de la créance de la Sacem, qu'il convent d'admettre pour la somme de 5.699 € à titre privilégié, au titre des redevances de droits d'auteur, l'ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

La décision entreprise, qui n'est pas critiquée en ce qu'elle a admis la créance de la Sacem pour la somme de 580,93 € sera confirmée sur ce point, sauf à y ajouter, qu'elle sera admise à titre chirographaire.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la Sacem ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; à ce titre il convient de lui allouer une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La créance de dépens et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais ; elle entre dans les prévisions de l'article L.622-17 du code de commerce lorsque cette decision est postérieure au jugement d'ouverture ; il en résulte d'une part que l'indemnité de procédure n'a pas lieu d'être fixée au passif mais doit donner lieu à condamnation, et d'autre part que l'indemnité de procédure et les dépens tant de première instance que d'appel, auxquels l'Association est condamnée, seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt par défaut,

Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a admis la créance de la Sacem pour la somme de 580,93 € ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la créance de la Sacem d'un montant de 580,93 € sera admise à titre chirographaire;

Ordonne l'admission de la créance de la Sacem pour la somme de 5.699 € à titre privilégié,

Condamne l'Association Jazz Arts et Musiques au paiement à la Sacem, de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ; dit que les sommes correspondantes seront employées en frais privilégiés de procédure collective.