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Décisions

CE, 1re et 4e sous-sect. réunies, 17 février 1993, n° 115272

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Annulation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rougevin-Baville

Rapporteur :

M. Aguila

Commissaire du gouvernement :

M. Bonichot

CE n° 115272

17 février 1993

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 mars 1990 et 18 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, dont le siège est ... ; la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE demande l'annulation de l'arrêt en date du 19 décembre 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement en date du 17 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 93 082,12 F représentant le solde débiteur du compte courant ouvert par M. X... avec agios arrêtés au 31 décembre 1984, ainsi que les agios échus et à échoir du 1er janvier 1985 jusqu'à parfait paiement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ;

Vu le décret du 18 août 1807 qui prescrit des formalités pour les saisies-arrêts ou oppositions entre les mains des receveurs ou administrateurs de caisses ou de deniers publics, notamment en son article 9 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Aguila, Auditeur,

- les observations de Me Boullez, avocat de la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE,

- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 18 août 1807 : "Tout receveur, dépositaire ou administrateur de caisses ou de deniers publics, entre les mains duquel il existera une saisie-arrêt ou opposition sur une partie prenante, ne pourra vider ses mains sans le consentement des parties intéressées, ou sans y être autorisé par justice" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises : "La cession de créance ... prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau" ; qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : "L'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ... de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification ... le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit" ;

Considérant que, après avoir relevé que, par bordereau en date du 14 mai 1984, M. X... avait cédé à la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, en application des dispositions de la loi précitée du 2 janvier 1981 la créance qu'il détenait sur le centre hospitalier spécialisé Charles Perrens de Bordeaux en exécution d'un marché de travaux publics, et que ladite cession de créance avait été notifiée par la société prcitée au comptable assignataire du marché susvisé le 5 septembre 1984, la cour administrative d'appel de Bordeaux a constaté que ledit comptable avait reçu notification respectivement le 18 mai 1984 et le 28 octobre 1984, d'une part, d'un avis à tiers détenteur émis par le trésorier principal de Mérignac, d'autre part, d'une saisie-arrêt sur ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Bordeaux sur créances de salaires au profit d'un salarié de M. X... ; que les juges du fond en ont déduit que ledit comptable public, se trouvant en présence d'une pluralité d'oppositions, n'avait commis aucune faute en décidant, en application des dispositions susrappelées de l'article 9 du décret du 18 août 1807, dans l'attente d'un accord entre les parties ou d'une décision de justice, de conserver les mandats émis par le centre hospitalier en règlement du marché exécuté par M. X... ;

Mais considérant qu'en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1981 la cession de créance dont bénéficiait la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE avait pris effet entre les parties et était devenue opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau, soit le 14 mai 1984 ; qu'ainsi, à la date des oppositions susmentionnées la créance litigieuse était sortie du patrimoine de l'entrepreneur ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 18 août 1807 ne pouvaient avoir pour effet de faire obstacle au paiement par ledit comptable de la société requérante ; qu'il suit de là que la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché sa décision d'une erreur de droit et à demander, par suite, l'annulation de l'arrêt attaqué en date du 19 décembre 1989 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 19 décembre 1989 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE et au ministre du budget.