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Décisions

Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-20.458

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Aix-en-Provence, du 8 mars 2012

8 mars 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour mettre fin à leur mésentente, les huit notaires associés de la SCP Y...-Z...-E...-X...-A...-B...-C...sont, par une transaction du 12 septembre 2009, convenus, sous la condition suspensive de l'agrément du garde des sceaux, du retrait, par voie de cession de leurs parts aux autres associés, de Mme X... et de M. Y... qui a déclaré accepter un prix « détaché » de la valeur vénale des parts et renoncer à sa participation aux bénéfices de l'exercice en cours, en contrepartie de la prise en charge, par les cessionnaires, du solde débiteur de son compte courant ; qu'à la même date, Mme X... a cédé ses parts à M. Z... sous la condition suspensive de l'agrément ministériel de sa nomination au sein d'une autre société notariale et M. Y... les siennes aux six associés subsistants par actes distincts ; que de manière concomitante et conformément à ce qui était prévu au protocole, les associés réunis en assemblée générale ont substitué à la règle de l'unanimité celle de la majorité des cinq septièmes ou des quatre sixièmes selon le nombre d'associés présents, pour l'adoption des décisions autres que l'agrément d'un nouvel associé ; que lors d'une nouvelle assemblée générale qui s'est tenue le 23 juillet 2010, il a été décidé, à une majorité de six, de procéder à la répartition des bénéfices de l'exercice 2009 entre les associés autres que les retrayants ; que ceux-ci ont contesté les résolutions prises en application des nouvelles règles de majorité, faisant valoir que leurs retraits n'étaient alors pas effectifs à défaut des agréments ministériels requis, avant de devenir caduques à l'expiration du délai imparti pour la réalisation des conditions suspensives ; que M. Y... a, en outre, réclamé une participation aux bénéfices des exercices 2009 et 2010 ; que Mme X... a, quant à elle, réintégré la structure ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt ayant annulé les résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du 23 juillet 2010 de dire qu'une nouvelle assemblée générale devra être réunie au retrait de M. Y... pour statuer, en application des règles d'une SCP à sept membres issues du protocole du 12 septembre 2009, sur la répartition des bénéfices de l'année 2009, alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé ; qu'au cas présent, devant la cour d'appel, ni MM. A..., B... et C..., ni MM. D..., E... et Z... n'avaient formulé de demande tendant à faire ordonner la réunion d'une assemblée générale destinée à statuer sur la répartition des bénéfices de l'année 2009, ni a fortiori à fixer les conditions auxquelles une telle assemblée se réunirait ; que la cour d'appel a néanmoins énoncé qu'une nouvelle assemblée générale devrait être réunie dès le retrait de M. Y..., et que cette assemblée serait tenue selon les règles statutaires d'une société civile à sept membres, telles que définies le 12 septembre 2009 ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'aucune demande sur ce point n'avait été formulée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu que le prononcé sur des choses non demandées ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du code de procédure civile ; qu'il s'ensuit que le moyen est irrecevable ;

 

Sur le troisième moyen :

 

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de juger irrecevable la demande au titre des bénéfices de l'année 2010, alors, selon le moyen, que devant la cour d'appel, M. Y... sollicitait la condamnation de la SCP à lui verser la somme de 1 671 216, 68 euros au titre de sa quote-part des bénéfices de l'année 2010 ; que devant les premiers juges, M. Y... avait d'ores et déjà fait valoir son droit aux bénéfices de l'année 2010 en sollicitant la somme de 600 000 euros à titre de provision, dans l'attente de la clôture de l'exercice ; que la cour d'appel a néanmoins déclaré la demande de M. Y... irrecevable comme nouvelle, en affirmant que la question des bénéfices de l'année 2010 n'était pas dans le débat en première instance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu que par un motif qui n'est pas critiqué, la cour d'appel a également retenu que la demande au titre des bénéfices de l'exercice 2010 était irrecevable en l'absence de résolution prise en assemblée générale sur ce point ; que le moyen est inopérant ;

 

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

 

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... au titre des bénéfices de l'exercice 2009, l'arrêt retient que la clause d'indivisibilité prévue à l'article 1er du protocole avait pour seul effet d'imposer à chacun des retrayants de se défaire de l'intégralité de ses parts, sans lier le départ de l'un au départ de l'autre, lesquels constituaient des actes distincts ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord transactionnel comportant la renonciation de M. Y... à sa participation aux bénéfices et formant un tout indivisible en application de son article 11 stipule en son article premier : Il est convenu entre les parties la cession par M. Patrick Y... de l'ensemble des parts... par actes authentiques distincts... sous la condition suspensive de l'approbation par le garde de sceaux.... Ces cessions seront résolues de plein droit dans le cas où l'ensemble des autres cessions ne serait pas réalisé.... Il est expressément convenu entre les parties que les cessions à intervenir y compris celle par Mme X... ci-après visée seront indivisibles entre elles et qu'à défaut de régularisation de l'une d'entre elles pour quelque cause que ce soit, les autres seront caduques, nulles et non avenues sauf aux autres cessionnaires de se substituer aux défaillants, ce dont il ressort que les cessions consenties par M. Y... étaient indivisibles non seulement entre elles, mais également avec celle que projetait Mme X... avant de réintégrer la structure, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette stipulation ;

 

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. Y... au titre de sa participation aux bénéfices de l'exercice 2009, l'arrêt rendu le 8 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

 

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.