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Décisions

CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 30 septembre 2008, n° 07/12151

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chalumeau

Conseillers :

Mme Delord, M. Guery

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Cohen - Guedj

Avocats :

Me Bataille, Me Baurand

TGI Marseille, du 22 mai 2007, n° 05/118…

22 mai 2007

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Jusqu'en 1994, Jean-Robert F. était associé avec son frère, Charles F., et sa soeur, Roselyne F., dans l'exploitation d'une entreprise familiale dénommée F. SA dont Jean-Robert F. était le Président Directeur Général.

Courant 1977, il était décidé d'acquérir des locaux immobiliers à MARTIGUES pour recevoir cette exploitation.

Selon acte notarié en date du 29 novembre 1977, une Société Civile Immobilière ( SCI) dénommée Société Civile Immobilière de Magasinage était constituée entre les frères et soeur. La gérance de cette SCI était confiée à Roselyne F.. Suivant acte notarié en date du 20 décembre 1977, cette société devenait propriétaire du terrain et de la construction destinés à recevoir l'entreprise.

En 1994 la SA FAVAT faisait l'objet d'une procédure collective, Maître NESPOULOS étant désigné en qualité d'administrateur provisoire de cette Société et Monsieur K. en qualité de sapiteur expert-comptable.

Le 29 septembre 2003, la SCI de Magasinage signait un contrat de bail commercial au profit de la Société EURO PIECES AUTOS, en l'Etude de Maître GALLAY, Notaire Associé à MARTIGUES.

Jean-Robert F. devait indiquer n'avoir jamais été informé par ses associés de ce contrat de bail et avoir découvert que la SCI de Magasinage n'avait jamais été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés, conformément à l'article 44 de la loi du 15 mai 2001. En outre, Roselyne F., en sa qualité de gérante de la SCI aurait consenti ce bail notarié et encaissé des loyers sans reverser leur quote-part aux autres associés.

Par courrier recommandé en date du 14 février 2005, Jean-Robert F. informait ses frère et soeur qu'il entendait solliciter la dissolution de cette Société, disqualifiée en Société créée de fait en l'absence d'immatriculation.

Par actes des 18 et 21 octobre 2005, Jean-Robert a fait assigner Charles et Roselyne F. devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE pour faire constater la dissolution de la SCI de Magasinage, ordonner le partage de ses biens, par Notaire, et la licitation de l'immeuble.

Les défendeurs se sont opposés à ces demandes et ont réclamé des dommages-intérêts, soit 63.520 € chacun et 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

Par jugement du 22 mai 2007, le Tribunal a constaté, par application de l'article 1872-2 du Code Civil, la dissolution de la SCI de Magasinage, a ordonné le partage de ses biens, commis le Président de la Chambre des Notaires des BOUCHES-DU-RHONE pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, et, avant-dire-droit sur la licitation ordonné une expertise confiée à Monsieur R..

Le Tribunal a débouté les défendeurs de toutes leurs demandes, rejeté l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 11 septembre 2007.

Par déclaration reçue le 13 juillet 2007, Roselyne et Charles F. ont fait appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions déposées le 17 avril 2008, ils ont demandé à la Cour :

- de réformer les dispositions du jugement dont appel relatives à la dissolution de la SCI de Magasinage et au partage des biens et droits immobiliers lui appartenant,

Subsidiairement,

- de condamner Monsieur Jean-Robert F. au paiement à chacun des concluants de la somme de 63.520 € , en réparation du préjudice qui leur a été causé par l'abandon de la créance de la SCIM,

- de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Monsieur Jean-Robert F.,

- de confirmer la mesure d'expertise prononcée avant-dire-droit,

Y ajoutant,

- de dire que l'expert devra déterminer le montant des travaux d'amélioration et d'entretien de l'immeuble financés par Monsieur Charles F.,

- de condamner Jean-Robert F. à leur payer à chacun 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et aux dépens,

Par ses conclusions déposées le 16 janvier 2008, Jean-Robert F. a demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner les appelants à 2.000 € pour appel abusif et à 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SCI de Magasinage, assignée le 26 novembre 2007 à la personne de sa gérante, Roselyne F., au siège de la Société, n'a pas constitué avoué.

La procédure a été clôturée le 10 juin 2008 avant les débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) Sur la dissolution de la SCI de Magasinage :

Les appelants considèrent que le Tribunal ne pouvait pas prononcer la dissolution de la SCI en se fondant sur le procès-verbal d'une assemblée générale des actionnaires de la SCI de Magasinage, dont l'authenticité était contestée puisqu'ils déniaient leur signature, et dont l'original n'était pas versé aux débats par Jean-Robert F..

Ils ont fait valoir également que l'intimé exerçait seul la gérance de la SCI de Magasinage, qu'il avait vidée de sa substance au profit de sa propre Société , notamment en abandonnant une créance de loyer.

Ils ont considéré que la notification de l'action en dissolution pour mésentente entre les associés n'était pas fondée sur de justes motifs au sens de l'article 1844-7-5° du Code Civil puisqu'invoquée par le responsable de la mésentente.

L'intimé rappelle que l'abandon de créance de loyer a été décidé non pas par lui seul mais par la SCI de Magasinage, et ceci en 1992, soit 13 ans avant la notification de la dissolution, et qu'il n'a pas agi, à contre-temps ni de mauvaise foi.

La Cour constate que la SCI de Magasinage, constituée le 29 novembre 1977, entre les parties au présent litige, n'a fait l'objet d'aucune immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, et qu'il s'agit donc d'une société créée de fait, soumise au régime des sociétés en participation.

Par application de l'article 1872-2 du Code Civil, lorsqu'elle est constituée sans durée déterminée, la dissolution d'une telle société peut résulter d'une notification faite à tout moment, à l'initiative de l'un des associés, dès lors qu'il n'agit ni à contre-temps ni de mauvaise foi. Il n'a pas à justifier de justes motifs , l'article 1844-7-5° du Code Civil étant inapplicable.

Les associés qui critiquent cette notification ont la charge de rapporter la preuve que cette notification est faite de mauvaise foi et à contre-temps.

Les consorts F., appelants, invoquent d'abord une décision de leur frère, intimé, qui aurait abandonné unilatéralement une créance de loyer, dont la SCI de Magasinage aurait pu se prévaloir à l'encontre de sa locataire, la SA FAVAT, soit une perte de 190.561 € .

Outre que cet événement date de juin 1992, ce premier argument est inopérant puisqu'à supposer que cette assemblée générale de la SA FAVAT se soit bien tenue de manière régulière, il est difficile de donner un effet juridique à un abandon de créance qui n'aurait pas été décidé par la créancière (la SCI) ! ..

En tout état de cause l'ancienneté de cette décision plus que douteuse , ne peut avoir de relation avec la notification du 22 février 2005.

Par ailleurs, les appelants évoquent des poursuites pénales dirigées contre leur frère, qui a fait valoir une décision de relaxe du Tribunal Correctionnel du chef d'abus de biens sociaux ( jugement du 24 janvier 2001) .

Enfin, ils invoquent un jugement du 8 septembre 1995 condamnant la Société FAVAT TRANSIT ( créée par leur frère ) à payer 45.734 € à la SA FAVAT pour des actes de concurrence déloyale ; l'intimé fait valoir qu'il a réglé cette somme.

En conclusion, les arguments présentés par les consorts F. à l'appui de leur contestation ne permettent pas de dire que la notification du 21 février 2005 aurait été faite de mauvaise foi et à contre-temps.

La Cour confirme le jugement sur ce point, ainsi que sur la mesure d'expertise, qui sera complétée conformément à la demande de l'appelant.

2°) Sur la demande de dommages-intérêts des appelants :

Les appelants réclament à leur frère et associé la somme correspondant à leur part dans la créance de loyer de la SA FAVAT due à la SCI, et, qui aurait été abandonnée en 1992, alors qu aucune faute ne peut être établie à son encontre par les pièces du dossier.

Outre le caractère douteux, évoqué ci-dessus, de cet abandon de créance, la Cour rappelle que la demande des appelants s'inscrit, en réalité, dans le cadre des opérations de liquidation de la comptabilité de la SCI de Magasinage qui seront menées ultérieurement, et qu'elle est donc irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre l'un des associés.

Le jugement, qui a débouté les consorts F. est donc infirmé sur ce point.

3°) Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif :

La Cour rejette cette demande dans la mesure où il ne résulte pas du dossier que les appelants auraient fait dégénérer en abus leur droit de faire appel.

4°) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :

La Cour fait droit à la demande de l'intimé uniquement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce que le Tribunal a débouté Roselyne et Charles F. de leurs demandes de dommages-intérêts à hauteur de 63.520 € ,

Et statuant à nouveau sur ce point, déclare cette demande irrecevable,

Et ajoutant à la mission de l'expert, telle que fixée par le Tribunal,

Dit que l'expert déterminera le montant des travaux d'amélioration et d'entretien de l'immeuble financés par Monsieur Charles F.,

Déboute l'intimé de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum Roselyne et Charles F. à payer à Jean-Robert F. la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.