CA Dijon, 2e ch. civ., 18 novembre 2021, n° 19/01517
DIJON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vautrain
Conseillers :
M. Wachter, Mme Bailly
Avocats :
Me Héritier, Me Lefèbvre, Me Gaudillière, Me Gerbay
Le 29 mars 1989, M. F G, Mme D Z G, épouse X, et M. A E I ont établi les statuts de la SCI la Rivière.
Suivant acte authentique reçu le 26 mai 1989 par Me Menand, notaire associé à Chalon sur Saône, la SCI La Rivière a acquis un immeuble situé à Chagny, moyennant un prix de 22 867,35 euros.
Par acte du même jour reçu par le même notaire, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Côte d'Or a consenti à la SCI La Rivière une ouverture de crédit d'un montant global de 1 600 000 Francs, soit 243 918,43 euros, d'une durée de 20 ans, au taux révisable de 14,5 % l'an, avec constitution d'une garantie hypothécaire sur l'immeuble acquis.
Par acte sous seings privés du 29 avril 1990, la CRCAM de Côte d'Or a consenti à la SCI la Rivière un second prêt, d'un montant de 51 832,67 euros, portant intérêts au taux de 9,25 % révisable, amortissable en 180 mois.
M. G et M. I se sont portés cautions de ces prêts.
La SCI la Rivière n'a finalement jamais été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.
Par jugement du 8 avril 1993, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. H B liquidation judiciaire de celui ci est intervenue le 20 décembre 2001.
Des retards dans le remboursement des prêts étant survenus à compter de l'année 1995, la CRCAM de la Côte d'Or a engagé fin 1998 une procédure de recouvrement forcé à l'encontre de M. I, laquelle a abouti en 1999 au versement d'une somme de 1 018 101,90 Francs, soit 155 208,63 euros, correspondant à l'apurement des arriérés arrêtés au mois de mars 1999, ce paiement ayant par la suite donné lieu à l'établissement d'une quittance subrogative.
De nouveaux retards de paiement sont intervenus à compter de l'été 1999.
M. I est décédé le 30 juin 2004, laissant pour lui succéder sa fille, Mme Y L.
Par acte authentique des 17 et 18 mai 2006 reçu par Me Jean Louis Lamour, notaire associé à Beaune, la SCI MACLAPI a acquis de M. G, de Mme X, épouse G et de Mme L l'ensemble immobilier sis à Chagny moyennant un prix de 350 000 euros.
Par acte d'huissier du 17 mai 2006, Mme L a vainement tenté de faire pratiquer entre les mains du notaire une saisie conservatoire de la créance de Mme G à hauteur d'un montant de 50 363,66 euros correspondant au quart des sommes réglées à la banque par son père aux lieux et place de l'intéressée.
Par exploits des 30 octobre et 13 novembre 2008, Mme L, venant aux droits de son père décédé, a fait assigner la CRCAM de Champagne Bourgogne et Me Jean Louis Lamour devant le tribunal de grande instance de Dijon, au visa des articles 1843, 1871 et 1235 du code civil en annulation des prêts consentis par la banque, en caducité des cautionnements fournis par son père, et en restitution des sommes indûment versées par celui ci.
Par jugement avant dire droit du 10 septembre 2018, le tribunal a sollicité la production de pièces et la fourniture d'observations.
Dans le dernier état de ses conclusions, Mme L a demandé au tribunal :
- de dire que le prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole en date du 26 mai 1989 d'un montant total de 243 918,43 euros est nul ;
- de dire que le prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole endate du 29 avril 1990 d'un montant de 51 832,67 euros est nul ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole à lui restituer les intérêts au taux conventionnel perçus, soit 192 443,50 euros pour le premier prêt et 44 339,17 euros pour le second prêt ;
- de dire que le cautionnement souscrit par M. I dans le cadre des deux emprunts est nul ;
- de dire que M. I ne pouvait être tenu en qualité de fondateur vis-à- vis de la Caisse Régionale de Crédit Agricole au titre des deux prêts ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à lui restituer la somme de 155 208,63 euros perçue indûment par la caisse le 11 mars 1999, outre les intérêts de droit courus à compter de cette date ;
À titre subsidiaire,
- de dire que M. I ne pouvait être tenu en qualité de fondateur qu'à hauteur d'un tiers et sans solidarité ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à lui restituer la somme de 73 902,49 euros perçue indûment par la caisse le 11 mars 1999, outre les intérêts de droit courus à compter de cette date ;
- de dire que la banque sera déchue rétroactivement de tous droits aux intérêts conventionnels et sera condamnée à les restituer au titre des deux prêts ;
- de dire que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne devra verser aux débats, sous astreinte de 30 euros par jour de retard la justification du montant des intérêts perçus ;
- de débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne de sa demande reconventionnelle tendant au paiement par Mme L de la somme de 114 650,61 euros ;
- de dire que Me Jean Louis Lamour a manqué à ses obligations professionnelles et contractuelles ;
- de le condamner à lui payer la somme de 50 363,66 euros à titre de dommages intérêts ;
- de dire, si par extraordinaire elle était déclaré redevable d'une quelconque somme vis-à- vis de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne, qu'elle sera garantie de toutes condamnations en principal, frais et accessoires, par Me C ;
- de débouter Me C de sa demande de garantie.
Mme L a exposé au soutien de ses prétentions :
- que, lors de la souscription des prêts, la SCI la Rivière était en cours de formation ; que, n'ayant par la suite jamais été immatriculée, elle n'avait pas acquis la personnalité morale, de sorte que les deux prêts, qui avaient été souscrits par la société elle même, et non par les associés fondateurs en son nom, étaient atteints d'une nullité absolue ;
- que le cautionnement donné par son père était caduc en suite de la nullité des prêts garantis ; que la banque était mal fondée à invoquer la turpitude de la caution, alors qu'il lui appartenait, en sa qualité de professionnelle, de veiller à la validité de l'acte ;
- que la banque soutenait vainement qu'une société de fait se serait substituée à la société en formation, faute de démonstration de la persistance d'un affectio societatis, et d'exécution d'actes autres que ceux nécessaires à la constitution de la société ; que son père n'était pas tenu en vertu d'une obligation de reprise des actes et de solidarité entre les fondateurs, dès lors qu'il n'avait signé aucun acte autre que le cautionnement, et que la banque échouait à établir l'existence d'un mandat régulier qui aurait été donné par les associés fondateurs à Mme G pour souscrire les prêts, la clause des statuts relative aux pouvoirs du gérant étant à cet égard insuffisante ; subsidiairement, qu'il ne pouvait alors y avoir solidarité entre les associés, s'agissant d'une société non commerciale ; que la banque n'était par ailleurs pas fondée à invoquer l'application des règles régissant l'indivision ;
- que son père n'étant redevable d'aucune somme envers la banque, elle était fondée à obtenir, au titre de la répétition de l'indu, la restitution par celle ci de la somme de 155 208,63 euros, que son père lui avait versée le 11 mars 1999 ;
- que Me C avait, en sa qualité de tiers saisi, commis une faute en refusant de lui verser sur le prix de vente de l'immeuble la somme de 50 363,66 euros correspondant à la créance de son père sur Mme H
La CRCAM de Champagne Bourgogne a conclu au rejet des demandes formées à son encontre par Mme L, ainsi qu'à la condamnation solidaire de celle ci et de la SCP Lamour & Séraphin à lui payer la somme de 114 650,61 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 1er juin 2009, au titre du solde lui restant dû au titre des prêts. Elle a fait valoir :
- que Mme L ne pouvait réclamer l'annulation du cautionnement de M. I, comme ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude ; qu'en effet son auteur, porteur de 50 % des parts de la SCI la Rivière, avait toute latitude pour faire procéder à l'immatriculation de cette société, ce qu'il n'avait pas fait ;
- que les prêts n'étaient pas nuls, dans la mesure où ils avaient été signés pour le compte de la société en formation par Mme G, agissant en qualité de gérante expressément autorisée par ses associés en vertu du mandat qu'elle avait reçu au travers des statuts ;
- que la SCI la Rivière n'ayant pas été immatriculée, elle n'en constituait pas moins une société de fait ; qu'en effet, conformément aux critères dégagés par la Cour de cassation, les contrats souscrits et le remboursement des échéances des prêts caractérisaient à la fois la persistance de l'affectio societatis et l'existence d'actes dépassant ceux nécessaires à la seule constitution de la société ; que, par l'effet de l'article 1873 du code civil, les dispositions relatives aux sociétés en participation s'appliquaient aux sociétés de fait ; que M. I était en conséquence tenu à l'égard de la banque des sommes dues par la société ;
- que, subsidiairement, si la SCI la Rivière n'était pas considérée comme une société de fait, les personnes ayant agi en son nom restaient indéfiniment et solidairement responsables des actes qui n'avaient pas été repris, conformément aux dispositions des articles 1843 du code civil et L 210-6 du code de commerce ; que les associés ayant donné mandat à Mme G de signer les actes de prêt, ce que confirmait le cautionnement fourni par M. I, celui ci était tenu au remboursement ;
- qu'encore plus subsidiairement, l'immeuble acquis par la SCI la Rivière appartenait, faute d'immatriculation de celle ci, en indivision entre ses fondateurs, de sorte que le prix de vente de cet immeuble devait servir à désintéresser le Crédit Agricole, créancier hypothécaire, qui disposait encore au jour de la vente d'une créance de 114 650,61 euros ;
- que Me C avait commis une faute en ne vérifiant pas l'état hypothécaire du bien vendu, ce qui aurait dû le conduire à désintéresser le Crédit Agricole.
Me C a sollicité le rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre, subsidiairement a sollicité la garantie de Mme L, aux motifs :
- que la demande formée contre lui par Mme L à hauteur de 50 363,66 euros était nécessairement sans objet dans le cas où il serait fait droit à la demande de celle ci en restitution par la banque de la somme versée par son père, la première somme étant englobée dans la seconde ;
- qu'à la date de la saisie conservatoire, l'acte de vente n'était pas signé, ni le prix versé par l'acquéreur ; que la saisie ne pouvait donc être effectuée, et qu'elle avait été convertie en tentative de saisie ;
- qu'une fois le prix versé, il avait réglé 160 000 euros à Mme L et 160 000 euros au liquidateur de M. G, chargé aux termes de l'acte d'effectuer la notification aux créanciers inscrits, de diligenter la procédure d'ordre et de faire radier les inscriptions ;
- qu'au demeurant, Mme L avait perçu de la vente une somme de 160 000 euros, alors qu'il résultait du décompte proposé par son propre notaire qu'elle n'aurait dû percevoir que 104 500 euros, soit une différence de 55 500 euros qui excédait le préjudice qu'elle prétendait avoir subi ;
- que les créances invoquées par le Crédit Agricole et déclarées dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de M. G avaient été déclarées éteintes par deux arrêts de la cour d'appel de Dijon du 30 mai 2006 ; que c'était donc par son fait que la banque s'était trouvée privée du bénéfice de l'inscription hypothécaire garantissant sa créance ; qu'elle n'avait d'ailleurs pas réagi pour s'opposer à la mainlevée de l'inscription, qui avait été ordonné le 4 janvier 2010 par le juge de l'exécution ;
- que si une condamnation était prononcée à son encontre au profit de la banque, il devait en être garanti par Mme L, qui ne pouvait lui faire supporter la charge définitive d'une dette qui lui était personnelle, en sa qualité d'héritière de M. I, alors qu'elle avait elle même perçu une somme de 160 000 euros à laquelle elle n'aurait pu prétendre si la banque avait été payée avant tout partage.
Par jugement du 1er juillet 2019, le tribunal a :
- débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne de toutes ses demandes ;
- déclaré Mme Y L recevable en ses demandes ;
- prononcé la nullité du contrat de prêt souscrit le 29 avril 1990 ;
- constaté que le capital de ce prêt a été remboursé ;
- dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne est tenue à restitution des intérêts de ce prêt soit la somme de 44 339,17 euros ;
- débouté Mme Y L de sa demande en annulation du prêt du 26 mai 1989 ;
- dit qu'en application des dispositions de l'article 1843 du code civil seule Mme X M G est engagée au titre de ce contrat ;
- constaté la caducité des actes de cautionnement régularisés par feu M. I auteur de Mme Y L ;
- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à restituer à Mme Y L en sa qualité d'héritière de M. I la somme de 155 208,63 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 ;
- débouté Mme Y L de ses demandes articulées à l'encontre de Me Jean Louis Lamour ;
- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à payer à Mme Y L la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à payer à Me Jean Louis Lamour la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples, ou contraires ;
- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne aux entiers dépens de la procédure, qui pourront être recouvré conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la Selas Legi Conseils Bourgogne.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- qu'il ressortait de l'articulation des articles 1842 et 1843 du code civil qu'une société civile ne pouvait s'engager en son nom alors qu'elle n'était pas immatriculée, faute pour elle de disposer de la personnalité morale, et que si elle souscrivait un engagement en son nom, celui ci était entaché d'une nullité absolue à raison du défaut d'existence du souscripteur ; qu'il se déduisait des mentions du prêt du 29 avril 1990 que la personne désignée comme emprunteur était la SCI la Rivière en formation, et non sa gérante agissant pour le compte de la société en formation, ce dont il résultait que ce contrat était nul de nullité absolue pour avoir été conclu par une société sans existence légale, ce qui impliquait le remboursement des sommes prêtées, dont la banque convenait qu'il était intervenu, et la restitution par celle ci des intérêts perçus ; que, s'agissant du prêt du 26 mai 1989, ses mentions permettaient au contraire de considérer que Mme G s'était engagée pour le compte de la société en formation, de sorte que le moyen de nullité tiré de l'absence de personnalité morale de l'emprunteur n'était pas fondé, le contrat étant régulièrement formé ;
- que, pour que puisse être retenue l'existence d'une société de fait se substituant à la société en formation, il devait notamment être démontré que les associés avaient dépassé l'accomplissement des simples actes nécessaires à la constitution de la société ; qu'en l'espèce, la régularisation des statuts, l'acquisition d'un immeuble et la souscription des prêts sur une période d'un an ne sauraient constituer la preuve de la substitution invoquée, dès lors que ces actes étaient nécessaires à la constitution de la société civile immobilière envisagée initialement, alors qu'il n'était pas démontré que, par la suite, les associés avaient régularisé des actes de gestion commune de l'immeuble dépassant la simple gestion d'une indivision et pouvant caractériser l'existence d'une société, et que, la banque ne justifiant pas des personnes qui s'étaient acquittées des échéances des prêts, il n'était pas avéré que ce soit la prétendue société créée de fait ou ses associés agissant en commun qui aient décidé de la poursuite du remboursement ;
- qu'en ce qui concernait l'argument tiré de l'engagement personnel des associés en vertu d'un mandat donné à la gérante, il résultait des pièces produites que les statuts enregistrés ne comportaient aucun mandat valablement donné à la gérante de contracter des prêts notamment durant la période de constitution de la société ; qu'en effet, l'article 47 des statuts comporte pour unique mention que mandat était donné d'emprunter, hors de toute autre précision, et que le paraphé porté par les deux autres associés sur les documents contractuels s'expliquait, non par la volonté de s'engager personnellement comme fondateurs, mais par la garantie apportée par M. I et M. G aux termes de leurs engagements de caution respectifs ;
- que, s'agissant de la demande en paiement formée par la banque à l'encontre de Mme L sur le fondement de l'acquisition de l'immeuble en indivision, il devait être retenu que, si l'immeuble était certes, aux termes de l'acte d'achat, réputé avoir été acquis en indivision dès son origine à défaut d'immatriculation de la société, cette acquisition n'était cependant pas l'origine de la créance de la banque, de sorte qu'il ne pouvait être considéré que le prêt générateur de l'obligation à remboursement avait été consenti à l'indivision, étant précisé que comme toute sûreté, l'hypothèque était l'accessoire de la créance, et que seule cette créance était garantie ;
- qu'il s'ensuivait que seule Mme X, épouse G, se trouvait tenue de rembourser le prêt consenti par la banque le 26 mai 1989 ;
- que, par application des dispositions de l'article 2289 du code civil, la nullité du prêt consenti le 29 avril 1990 ne résultant pas d'une exception purement personnelle à M. I, le cautionnement de ce prêt consenti par ce dernier n'était pas valable ; qu'en ce qui concernait le prêt consenti le 26 mai 1989, seule Mme X, épouse G, en a été reconnue redevable, et que M. I, qui ne s'était pas porté caution des engagements de cette dernière, n'avait pas à garantir l'obligation de remboursement pesant sur une personne distincte de la personne morale prévue au contrat de cautionnement ;
- qu'il était démontré par la production de la quittance subrogative partielle en date du 14 octobre 2005, que M. I, actionné par la banque en sa qualité de caution, avait payé par voie de saisie attribution la somme de 1 018 101,90 Francs, soit 155 208,63 euros, le 11 mars 1999, alors qu'il a été jugé qu'il n'était redevable d'aucune somme envers la banque ; que cette somme devait donc être restituée, étant précisé que le paiement ne concernait pas une obligation naturelle, et n'avait au surplus pas été volontaire ;
- que Mme L ne disposait plus d'aucun préjudice indemnisable à l'encontre de Me C, puisqu'elle avait obtenu le remboursement par la banque de l'intégralité des sommes versées par son père, lesquelles englobaient le montant réclamé au notaire ;
- s'agissant de la demande en paiement formée par le banque contre le notaire, qu'il avait été jugé que seule Mme X était redevable des sommes impayées au titre du prêt du 26 mai 1989, de sorte que le Crédit Agricole n'était pas le créancier de l'indivision, mais seulement titulaire d'une créance personnelle à Mme X ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 815-17 du code civil, les créanciers personnels d'un indivisaire ne pouvaient saisir sa part dans les biens indivis, meuble ou immeuble, de sorte que la banque était mal fondée à prétendre qu'elle devait être désintéressée par priorité, qu'en conséquence, en exécutant les clauses de l'acte concernant l'intervention du mandataire judiciaire explicitement chargé de régler le sort des inscriptions et de prendre toutes dispositions utiles, le notaire n'avait commis aucune faute, ce dont il résultait que la banque devait être déboutée de sa demande à son encontre.
La CRCAM de Champagne Bourgogne a relevé appel de cette décision le 25 septembre 2019.
Par conclusions notifiées le 28 juin 2021, l'appelante demande à la cour :
Vu notamment l'article 1134 code civil,
Vu notamment les articles ... du code civil,
Vu notamment les articles 31, 700 du code de procédure civile,
Vu l'adage nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude,
Vu les pièces versées aux débats
- de recevoir la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne en ses demandes fins et conclusions ;
- de constater l'existence d'une société créée de fait ;
En conséquence
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* prononcé la nullité du contrat de prêt souscrit le 29 avril 1990 ;
* dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne est tenue à restitution des intérêts du prêt souscrit le 29 avril 1990 soit la somme de 44 339,17 euros ;
* dit qu'en application des dispositions de l'article 1843 du code civil seule Mme X M G est engagée au titre du contrat de prêt du 26 mai 1989 ;
* constaté la caducité des actes de cautionnement régularisés par feu M. I, auteur de Mme Y L ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à restituer à Mme Y L en sa qualité d'héritière de M. I la somme de 155 208,63 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à payer à Mme Y L la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à payer à Me Jean Louis Lamour la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne aux entiers dépens de la procédure de première instance ;
* rejeté la demande de condamnation solidaire formulée contre Mme L et la SCP Lamour et Séraphin à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 114 650,61 euros outre intérêt au taux conventionnel du prêt à compter du 1er juin 2009 ;
- de déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme Y L, ès qualités d'héritière de M. I ;
- de rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions formulées par Mme Y L ;
- de rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions formulées Me C ;
- de condamner solidairement Mme L et Me C à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 114 650,61 euros outre intérêt au taux conventionnel de 14,25 % à compter du 1er juin 2009 ;
- de condamner solidairement Mme L et Me C à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner solidairement Mme Y L et Me C aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés par la SCP Berthat Schihin Duchanoy Héritier, avocats aux offres de droit conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.
Par conclusions notifiées le 7 octobre 2020, Mme L demande à la cour :
Vu les dispositions de l'article 1871 du code civil,
Vu l'absence d'immatriculation de la société civile immobilière la Rivière,
- de dire et juger la Caisse Régionale de Crédit Agricole mal fondée en son appel ;
- de l'en débouter ;
- de dire et juger recevables et bien fondées les demandes formulées par Mme Y L es qualités d'héritière de M. I ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole de toutes ses demandes ;
* déclaré Mme L recevable en ses demandes ;
* prononcé la nullité du contrat de prêt souscrit le 29 avril 1990 ;
* constaté que le capital de ce prêt a été remboursé ;
* dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne est tenue à la restitution des intérêts de ce prêt soit la somme de 44 339,17 euros ;
* constaté la caducité des actes de cautionnement régularisés par feu M. I, auteur de Mme Y L ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole à restituer à Mme L en sa qualité d'héritière de M. I la somme de 155 208,63 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole à payer à Mme Y L la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole à payer à Me C la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole aux entiers dépens d'instance ;
- de réformer le jugement sur le surplus ;
- d'y ajouter ;
- de dire et juger que le prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole en date du 26 mai 1989 d'un montant total de 243 918,43 euros retracé sous le numéro 0000012428 est nul ;
- en conséquence, de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole à restituer les intérêts au taux conventionnel perçus d'un montant de 192 443,50 euros ;
Vu les dispositions de l'article 1134,
- de dire et juger que Me Jean Louis Lamour a manqué à ses obligations professionnelles et contractuelles ;
- de le condamner à régler à Mme Y L la somme de 50 363,66 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour constatait l'existence d'une société de fait :
Vu les dispositions de l'article 1843 du code civil,
- de dire et juger que M. A E I ne peut être tenu en qualité de fondateur vis-à- vis de la Caisse Régionale de Crédit Agricole qu'à hauteur d'un tiers et sans solidarité, soit à hauteur de la somme uniquement de 38 216,87 euros ;
- de dire et juger que Mme L sera garantie de toutes condamnations en principal, frais et accessoires, par Me C à raison des fautes commises par ce dernier ;
Vu les dispositions de l'article 1235 du code civil,
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à restituer à Mme Y L la somme de 155 208,63 euros perçue indûment par la caisse le 11 mars 1999, outre les intérêts de droit courus à compter de cette date à raison de la caducité des actes de cautionnement ;
Vu les dispositions de l'article 1134,
- de dire et juger que Me Jean Louis Lamour a manqué à ses obligations professionnelles et contractuelles ;
- de le condamner à régler à Mme Y L la somme de 50 363,66 euros à titre de dommages et intérêts ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne et Me Lamour chacun à verser à Mme Y L une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 19 mai 2020, Me C demande à la cour :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
A titre principal,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme L de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Me C ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Me C ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole à payer Me C la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
- de condamner Mme L à garantir Me C à hauteur du principal de la créance la Caisse Régionale de Crédit Agricole ;
Y ajoutant,
- de débouter Mme L de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Me C ;
- de débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes formées dans la cadre de la présente instance ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole à payer à Me C la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole aux entiers dépens de la procédure d'appel, que Me Claire Gerbay pourra faire recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 juillet 2021.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci dessus.
SUR CE, LA COUR
- Sur la recevabilité des demandes de Mme L
L'appelante sollicite que Mme L soit déclarée irrecevable en toutes ses demandes, au motif que nul ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude. Le Crédit Agricole fait valoir que la turpitude de M. I, auteur de Mme L, était établie comme s'étant présenté envers lui comme étant le nouveau gérant de la SCI la Rivière, dont il avait affirmé avoir régularisé l'immatriculation, ce qui était faux.
Toutefois, l'invocation de la turpitude ne s'analyse pas comme une fin de non recevoir, et n'est donc pas de nature à faire échec à la recevabilité des demandes.
- Sur la nullité des prêts
Mme L fait valoir que les prêts des 26 mai 1989 et 29 avril 1990 sont nuls de nullité absolue comme ayant été consentis à un emprunteur inexistant.
Il est constant que la SCI la Rivière, pour le compte de laquelle les deux prêts litigieux ont été conclus, n'a jamais acquis la personnalité morale du fait de son absence d'immatriculation.
L'article 1843 du code civil dispose que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis.
1° Sur le prêt du 26 mai 1989
L'acte identifie l'emprunteur, désigné sous le vocable 'crédité' de la manière suivante : 'la SCI La Rivière (...) Ladite société en cours d'immatriculation au greffe du tribunal de commerce de Chalon sur Saône. Ce qui est accepté pour elle par : Mme Marie France Boulay (...) Agissant en qualité de gérante de ladite société (...)'
Il résulte sans ambiguïté de cette formulation que le prêt a été conclu par Mme X, épouse G, pour le compte de la société en formation, de sorte qu'il ne peut être considéré, comme le fait Mme L, que l'emprunteur était inexistant du fait du défaut d'immatriculation de la SCI la Rivière.
La confirmation s'impose donc en ce que les premiers juges ont écarté la demande d'annulation de cet acte.
2° Sur le prêt du 29 avril 1990
Cet acte identifie l'emprunteur comme étant la 'SCI La Rivière société en formation'.
La mention expresse 'société en formation' suffit à démontrer que, dans l'esprit des parties au moment de la souscription, cette société n'était pas encore l'emprunteur, mais était appelée à le devenir en cas de reprise de l'engagement après son immatriculation.
Dès lors, par application des dispositions de l'article 1843 précité, c'est bien la personne ayant signé l'acte pour le compte de la SCI en formation qui est tenue aux obligations qui en sont nées.
Certes, le contrat de prêt n'identifie pas formellement cette personne, mais la comparaison des signatures avec celles figurant notamment sur l'acte de prêt du 26 mai 1989 démontre sans ambiguïté que ce signataire est Mme X, épouse G, ce qui est au demeurant parfaitement conforme aux statuts de la SCI la Rivière, qui désignaient Mme G en qualité de gérante.
Il doit en conséquence être considéré que, comme le précédent, ce contrat n'encourt pas la nullité.
La décision querellée sera infirmée de ce chef, ainsi que de celui, accessoire, relatif au remboursement des intérêts par la banque, au demeurant ordonné par le tribunal sans qu'en soit précisé le bénéficiaire.
- Sur les cautionnements
C'est vainement qu'au regard de ce qui précède Mme L conclut à la caducité des cautionnements fournis par son père, en raison de la nullité des prêts garantis.
Toutefois, les cautionnements ne pouvant être étendus au delà des limites pour lesquelles ils ont été consentis, et ces engagements ayant en l'espèce été fournis par M. I pour garantir le remboursement des prêts par la SCI la Rivière, qui n'a au final jamais eu la qualité de débiteur, leur caducité est justifiée à cet égard, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.
Il en résulte que la somme de 155 208,63 euros réglée au Crédit Agricole par M. I en qualité de caution l'a été sans fondement, et doit être restituée par l'appelante à Mme L, en sa qualité d'héritière de M. J
Il sera observé que le Crédit Agricole n'a pas repris sur le fond, pour s'opposer à cette restitution, le moyen tiré du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, qu'elle n'a invoqué qu'à titre de fin de non recevoir.
Là- encore, la décision entreprise devra donc être confirmée.
- Sur le remboursement des prêts
1° Sur les personnes tenues au remboursement
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement déféré ayant retenu, pour l'unique prêt reconnu valide, que seule Mme X, signataire de l'acte, pouvait être tenue à son remboursement, et fait valoir qu'une société créée de fait s'était substituée à la société en formation, critiquant les premiers juges en ce qu'ils avaient retenu que tel n'était pas le cas en l'absence d'accomplissements d'actes autres que ceux strictement nécessaires à la constitution de la SCI la Rivière.
Faisant ensuite valoir qu'en application de l'article 1873 du code civil, les dispositions régissant les sociétés en participation sont applicables aux sociétés créées de fait, elle en déduit que, conformément à l'article 1872-1 du même code, Mme L, ès qualités d'ayant droit de M. I, était tenue au remboursement des prêts.
Le Crédit Agricole verse aux débats diverses pièces qui démontrent qu'au delà des actes relatifs à la constitution de la SCI la Rivière (élaboration des statuts, acquisition d'un immeuble et signature des deux contrats de prêts), des actes postérieurs de gestion commune excédant manifestement le cadre de la simple gestion d'une indivision, et établissant sans ambiguïté la volonté de poursuivre l'activité d'une société ont été accomplis par les associés, et notamment par M. J
Ainsi, il est justifié :
- que des baux ont été consentis par Mme G, 'agissant en sa qualité de gérante de la SCI La Rivière', sur le bien acquis au nom de celle ci le 26 mai 1989, avec effet respectivement au 15 février 1990 et au 1er mars 1990 ;
- que le 1er décembre 1996 Mme G adressait, en sa qualité de gérante et sur un courrier portant en en tête le tampon de la SCI la Rivière, un courrier au Crédit Agricole au sujet d'une demande de prêt ;
- que la SCI la Rivière 'prise en la personne de son représentant légal en exercice' avait été partie, en qualité de défenderesse au principal et de demanderesse reconventionnelle, à un litige ayant donné lieu le 3 mai 1994 à un jugement du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône ayant, après compensation, fixé au bénéfice de la SCI la Rivière une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JP Menard au titre de malfaçons de travaux ;
- que M. I, 'agissant en qualité d'associé de la SCI la Rivière' a, par acte du 13 avril 1994, donné mandat à un agent immobilier de vendre 'l'immeuble appartenant à ladite SCI sis sur le territoire de la ville de Chagny 10 et ..., consistant en 10 appartements' ;
- que, par un courrier adressé le 22 décembre 1995 au Crédit Agricole, portant en référence la mention 'SCI la Rivière', M. G a informé la banque de la cession de ses parts sociales à M. I ;
- que, par courrier du 27 juin 1996 adressé au Crédit Agricole, M. I l'a avisé du fait que le changement de gérant avait été effectué, que les démarches auprès du greffe du tribunal de commerce étaient en cours, et a proposé une rencontre 'afin de mettre au point le dossier de prêt que votre caisse entend me consentir pour apurer le passif de cette société' ;
- que, par courrier du 29 novembre 1996 adressé au Crédit Agricole, M. I indiquait à celui ci qu'il était en train de réunir les fonds dans le cadre d'un projet de changement de gérant et de cession des parts de la SCI la Rivière.
Il doit dans ces conditions être considéré qu'en l'absence d'immatriculation de la SCI la Rivière, une société créée de fait lui a effectivement succédé, laquelle a repris les engagements résultant des deux prêts des 26 mai 1989 et 29 avril 1990.
L'article 1872-1 du code civil, rendu applicable aux sociétés créées de fait par l'article 1873 du même code, dispose que chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers, mais que toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux ci des obligations des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.
En application de ce texte, le remboursement des prêts incombe donc aux trois associés fondateurs, mais chacun conjointement pour un tiers, dès lors que la société créée de fait, qui reprenait l'objet de la SCI, ne présentait pas un caractère commercial.
2° Sur les sommes restant dues
Il sera constaté que l'appelante se borne à réclamer le paiement du solde du prêt du 26 mai 1989, le prêt du 29 avril 1990 étant quant à lui considéré par l'appelante comme remboursé, notamment du fait du paiement effectué par M. I en sa qualité de caution.
Curieusement, alors que le remboursement de ce paiement a été ordonné eu égard à la caducité des cautionnements, la banque ne sollicite à aucun moment de Mme L, en sa qualité d'héritière de l'un des fondateurs tenus au remboursement, le paiement des sommes restant dues en conséquence de ce remboursement.
Mme L, ès qualités, sera donc condamnée à payer à l'appelante la quote part d'un tiers revenant à la charge de son père en application des principes précédemment énoncés, soit une somme de 38 216,87 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 14,25 % à compter du 1er juin 2009.
- Sur les demandes formées à l'encontre du notaire
1° Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme L pour faute de Me C en sa qualité de tiers saisi
C'est à juste titre que les premiers juges ont écarté cette demande, sans s'attarder à la caractérisation de la faute invoquée, après avoir constaté que la somme réclamée par Mme L au notaire consistait dans le remboursement, à hauteur de la part ayant profité à Mme G, de la somme versée par son père en sa qualité de caution, et que l'intéressée avait d'ores et déjà été indemnisée de ce préjudice par la condamnation de la banque à lui restituer l'intégralité de la somme versée par M. I en sa qualité de caution.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2° Sur les demandes formées par Mme L et le Crédit Agricole pour faute de Me C dans l'absence de vérification de l'état hypothécaire
Mme L, à l'appui de sa demande en garantie formée contre le notaire, et la banque, à l'appui de sa demande de condamnation de celui ci à prendre en charge solidairement les sommes restant dues au titre du prêt, font valoir que Me C a commis une faute, à l'occasion de l'acte de cession du bien immobilier qu'il a instrumenté les 17 et 18 mai 2006, en ne procédant pas à la vérification de l'état hypothécaire de l'immeuble vendu.
Il est constant qu'alors qu'une inscription hypothécaire grevait le bien vendu au profit du Crédit Agricole, en exécution du contrat de prêt du 26 mai 1989, le notaire s'en est remis aux stipulations des parties en versant le prix de vente au liquidateur judiciaire de M. G, et en délaissant à celui ci le soin de régler le sort des inscriptions.
Il sera rappelé que, par application des règles régissant les sociétés en participation, rendues applicables aux société de fait par l'article 1873 du code civil, l'immeuble qui avait été acquis pour le compte de la SCI la Rivière était soumis au régime de l'indivision, ce que Me C a correctement pris en compte, ainsi qu'il ressort des stipulations de l'acte de vente.
Or, le créancier de l'indivision qui a tous les indivisaires comme co débiteurs, ce qui est précisément le cas en l'espèce pour le Crédit Agricole, peut saisir les biens indivis sans avoir à provoquer préalablement le partage.
Il relevait dans ces conditions des obligations du notaire de vérifier lui même l'état des inscriptions hypothécaires du bien dont il assurait la cession, ce qui lui aurait permis de constater que celui ci était grevé d'une inscription hypothécaire au profit du Crédit Agricole, qu'il était tenu de désintéresser en priorité sur le prix de vente. Au regard du montant de celui ci, soit 350 000 euros, la créance de la banque aurait été intégralement apurée, de sorte qu'elle n'aurait pas été contrainte d'agir ensuite pour obtenir le règlement du solde, tout comme Mme L n'aurait pas été exposée à la condamnation au paiement de la quote part incombant à son père dans ce solde.
C'est vainement que Me C argumente sur la procédure de distribution et de purge qui a été ultérieurement menée dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. H
Il y a en conséquence lieu de condamner Me C à payer au Crédit Agricole la somme de 114 650,61 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 14,25 % à compter du 1er juin 2009, cette condamnation étant prononcée in solidum avec Mme L à hauteur de 38 216,87 euros, Me C étant par ailleurs condamné à garantir Mme L des sommes mises à sa charge.
La demande de garantie formée à titre subsidiaire par le notaire à l'encontre de Mme L ne pourra qu'être rejetée, la faute de Me C résultant d'un manquement qui lui est personnel.
- Sur la capitalisation des intérêts
Il sera fait droit à cette demande, les intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
- Sur les autres dispositions
Le jugement déféré sera infirmé s'agissant des frais irrépétibles, mais confirmé s'agissant des dépens.
Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées, s'agissant tant de la première instance que de l'appel.
Mme L et Me C seront condamnées aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
Rejette le moyen d'irrecevabilité développé par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à l'encontre des demandes formées par Mme Y L ;
Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Dijon en ce qu'il a :
* déclaré Mme Y L recevable en ses demandes ;
* débouté Mme Y L de sa demande en annulation du prêt du 26 mai 1989 ;
* constaté la caducité des actes de cautionnement régularisés par feu M. I auteur de Mme Y L ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à restituer à Mme Y L en sa qualité d'héritière de M. I la somme de 155 208,63 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 ;
* rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme Y L à l'encontre de Me Jean Louis Lamour pour manquement commis en sa qualité de tiers saisi ;
* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne aux entiers dépens de la procédure, qui pourront être recouvré conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la Selas Legi Conseils Bourgogne ;
Infirme le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau, et ajoutant :
Déboute Mme Y L de sa demande en annulation du prêt du 29 avril 1990 ;
Déboute Mme Y L de ses demandes de remboursement au titre des intérêts des prêts ;
Condamne Mme Y L, en sa qualité d'héritière de M. I, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 38 216,87 euros au titre du remboursement du prêt du 26 mai 1989, avec intérêts au taux de 14,25 % à compter du 1er juin 2009 ;
Condamne Me Jean Louis Lamour à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 114 650,61 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux conventionnel de 14,25 % à compter du 1er juin 2009 ;
Dit que Me Jean Louis Lamour sera tenu de cette condamnation, in solidum avec Mme Y L, à hauteur de 38 216,87 euros ;
Condamne Me Jean Louis Lamour à garantir Mme L de toute condamnation prononcée à l'encontre de celle ci, et au profit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Rejette la demande de garantie formée par Me C à l'encontre de Mme Y L ;
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Y L et Me Jean Louis Lamour aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.