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Décisions

CA Orléans, 26 juin 2008, n° 07/01712

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

M. Garnier, M. Monge

Avoués :

SCP Laval-Lueger, SCP Desplanques - Devauchelle

Avocats :

SCP Cottereau-Meunier-Bardon, Me Thiry

T. com. Tours, du 4 mai 2007

4 mai 2007

Par acte sous seing privé du 25 mai 2001, la CRCAM de la Touraine et du Poitou a conclu avec le GIE Sport 37 une convention de crédit global d'exploitation à durée indéterminée d'un montant de 200.000 F (30.489 Euros), assortie du cautionnement solidaire des époux P.. Le GIE ayant été mis en liquidation amiable le 31 décembre 2001, avec Monsieur P. comme liquidateur amiable, et s'étant avéré défaillant, l'établissement de crédit a assigné les cautions devant le Tribunal de commerce de TOURS, par acte du 21 mars 2005, en exécution de leur engagement.

Par jugement avant dire droit du 31 mars 2006, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de TOURS concernant Madame P., puis, par jugement du 4 mai 2007, s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande subsidiaire de la banque à l'encontre de Monsieur P. en sa qualité de liquidateur amiable du GIE Sport 37 et a condamné ce dernier, en cette qualité, à payer à la CRCAM de la Touraine et du Poitou la somme de 13.351,33 Euros avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 29 février 2004.

Monsieur P. a relevé appel. Parallèlement, s'agissant du litige entre le créancier et Madame P., le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de TOURS, par ordonnance du 10 janvier 2008, a rejeté l'exception d'incompétence présentée par Madame P., mais a accueilli l'exception de connexité soulevée par la CRCAM de la Touraine et du Poitou et a renvoyé l'affaire devant la présente Cour.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 5 mai 2008, Monsieur P. tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable du GIE Sport 37, et Madame P., font valoir qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il est entré en voie de condamnation de Monsieur P. en qualité de liquidateur amiable, alors que l'intéressé n'avait pas régulièrement été attrait en cette qualité et qu'il n'est pas intervenu volontairement es-qualités. En ce qui concerne le cautionnement, ils considèrent que le GIE ayant fait l'objet d'une liquidation amiable le 31 décembre 2001 était dépourvu de toute personnalité morale depuis cette date hormis pour les besoins de la liquidation de sorte que le contrat principal conclu entre la banque et la société emprunteuse avait pris fin à l'ouverture de la liquidation amiable et que l'engagement de caution ne pouvait s'appliquer à une somme de 12.000 Euros prêtée le 12 janvier 2004. Subsidiairement, ils estiment que la banque a commis une faute en transmettant une somme d'argent à une personne morale en liquidation amiable pour des besoins autres que ceux de la liquidation et sollicitent, en conséquence, l'allocation d'une indemnité équivalente à la somme réclamée.

Par ses dernières écritures du 19 mai 2008, la CRCAM de la Touraine et du Poitou relève que le cautionnement donné le 25 janvier 2001 n'est pas nul puisqu'il se rattache à la convention de crédit du même jour et que le crédit à court terme de 12.000 Euros réalisé le 12 janvier 2004 ne constitue qu'une modalité d'exécution du crédit global d'exploitation cautionné. Elle indique que les différents crédits à court terme consentis à compter du 31 décembre 2001 ont permis de solder les crédits accordés antérieurement dans le cadre du crédit global d'exploitation et qu'à supposer qu'elle ait eu connaissance le 27 février 2002 de la liquidation amiable du GIE par la lecture de la mention portée au registre du commerce et qu'elle ait dénoncé ses concours, les cautions auraient été redevables d'une somme de 24.240 Euros à cette date, alors qu'elle ne demande présentement que la condamnation solidaire des époux P. à lui payer la somme de 13.351,53 Euros avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 29 février 2004. Subsidiairement, elle considère qu'elle a bien recherché la responsabilité de Monsieur P. pour les fautes commises à titre personnel dans le cadre de ses fonctions de liquidateur amiable, et qu'elle n'avait pas à l'assigner à cette fin dès lors qu'il était déjà partie au procès. Elle soutient que Monsieur P. a délibérément violé ses obligations de liquidateur, en s'abstenant de l'avertir de la liquidation amiable et en omettant de procéder à la liquidation du passif, sans d'ailleurs se soucier de la clôture des opérations. Elle sollicite, par conséquent, la condamnation de Monsieur P. à ce titre en paiement de la somme réclamée.

A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 26 juin 2008 .

SUR QUOI

Sur la qualité de défendeur de Monsieur P.

Attendu que la CRCAM a assigné Monsieur P. en sa qualité de caution du GIE Sport 37, puis, par des conclusions ultérieures subsidiaires a recherché la responsabilité de ce dernier comme liquidateur amiable de l'entreprise ; qu'en condamnant l'intéressé en qualité de liquidateur amiable, le tribunal; qui n'avait pas été saisi, par voie d'assignation, à son égard en cette dernière qualité et alors que M P. n'était pas; davantage, intervenu volontairement en tant que liquidateur amiable, a méconnu les dispositions de l'article 68, alinéa 2 du Code de procédure civile, selon lesquelles les demandes incidentes présentées contre des tiers à l'instance, position qu'occupait M. P. en qualité de liquidateur amiable, se fût-il agi de la même personne physique, doivent l'être dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur la portée du cautionnement

Attendu que la convention de crédit global d'exploitation conclue le 25 mai 2001 pour une durée indéterminée prévoit comme « sous-plafonds » dans la « fiche de conditions particulières », un crédit à court terme de 200.000 F garanti par le cautionnement solidaire de Monsieur et Madame P. ;

Que l'ouverture de crédit à court terme, qui constitue une promesse de prêt, donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client ; que l'examen des relevés de compte communiqués par la banque laisse apparaître que ce concours a été utilisé au moyen de prêts périodiquement renouvelés avec la mention sur l'extrait de compte « réal. prêt » et « rbt prêt », comprenant capital et intérêts pour la période courue ; que contrairement à ce que soutiennent les époux P., le prêt n° 816 du 12 janvier 2004 ne constitue nullement un nouveau crédit sans aucune relation avec la convention précitée du 25 mai 2001, mais simplement le renouvellement du crédit à court terme consenti à l'origine, lors de l'échéance de la précédente utilisation, peu important l'appellation de « prêt » donnée à cette opération ;

Qu'en définitive, l'inscription au crédit du compte courant de l'emprunteur du montant du « prêt » en vertu de l'ouverture de crédit à court terme n'a d'autre effet que de mettre à la disposition de celui-ci par des renouvellements successifs les concours accordés, sans entraîner l'extinction des cautionnements souscrits par les époux P. ;

Attendu, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L. 251-21 du Code de commerce , la dissolution du groupement d'intérêt économique entraîne sa liquidation et que la personnalité du groupement subsiste pour les besoins de la liquidation ; que si un compte courant ouvert au nom d'une société dans les livres d'une banque est clôturé à la dissolution de cette société, le fonctionnement du compte peut néanmoins être prorogé pour les besoins de la liquidation ;

Que, dans ces conditions, les époux P. seront solidairement condamnés à payer à la CRCAM de la Touraine et du Poitou la somme de 13.351,33 Euros avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 29 février 2004 ;

Sur la responsabilité invoquée de la banque

Attendu, comme il vient d'être dit, que le « prêt » de 12.000 Euros n'est que la matérialisation du crédit de trésorerie initialement accordé le 25 mai 2001 ; que la liquidation amiable de la société imposait l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant être garanties par une provision ; qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre des dettes restantes, il appartenait au liquidateur de différer la clôture de la liquidation, alors que la radiation d'office a été prononcée par le greffe du tribunal de commerce , et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture de la procédure collective à l'égard du GIE Sport 37 ;

Qu'à défaut d'avoir procédé à ces formalités, Monsieur P. ainsi que son épouse qui ne prétend pas que son sort fût différent de celui de son époux, sont mal fondés à mettre en œuvre la responsabilité de la banque pour avoir « transmis une somme d'argent à une personne morale en cours de liquidation amiable pour des besoins manifestement autres que ceux relatifs à la liquidation », alors que l'appelant était le mieux placé pour savoir quelle avait été la destination des fonds ; que la demande en dommages et intérêts formée par les époux P. sera donc rejetée ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que les époux P. supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel et verseront, en outre, une indemnité de 2.000 Euros à la CRCAM de la Touraine et du Poitou par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur P. en sa qualité de liquidateur amiable du GIE Sport 37 ;

Et statuant à nouveau ;

Condamne solidairement les époux P., en leur qualité de cautions du GIE Sport 37 à payer à la CRCAM de la Touraine et du Poitou la somme de 13.351,33 Euros avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 29 février 2004 ;

Rejette la demande en dommages et intérêts présentée par les époux P. ;

Condamne solidairement les époux P. aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la CRCAM de la Touraine et du Poitou la somme de 2.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.