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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 19 septembre 2007, n° 06/15422

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Victores (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

Mme Percheron, M. Blanquart

Avoués :

Me Pamart, SCP Varin-Petit

Avocats :

Me Genon Catalot, Me Hugonnet

TGI Paris, du 12 juill. 2006, n° 06/5552…

12 juillet 2006

Par acte du 12 juin 2006, Madame X, actionnaire de la SCI VICTORES dont son frère Y est le gérant, a fait assigner cette société et son gérant pour avoir communication de documents sociaux sous astreinte.

Par ordonnance réputée contradictoire du 12 juillet 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris :

- a enjoint à la SCI VICTORES et à son gérant, Monsieur Y de communiquer à Madame X, :

- l'acte de cession de l'immeuble situé <adresse 1> à Paris 9e,

- les actes d'acquisition des deux locaux situés <adresses 2 et 3> à Paris 9e,

- les justificatifs de l'emploi des fonds, produit de la cession du local situé <adresse 1> à Paris 9e,

- les justificatifs des notifications des révisions annuelles des loyers dus par la société EUROPE DIFFUSION,

- les justificatifs des demandes d'avis de paiement de l'impôt foncier adressées à la société EUROPE DIFFUSION et les justificatifs du paiement pour les exercices 2003 et 2004,

- les justificatifs de la localisation régulière du siège social de la SCI VICTORES,

et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de cette ordonnance et passé ce délai sous astreinte de 60 € par jour de retard,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- a condamné in solidum la société VICTORES et Monsieur Y à verser à Madame X, la somme de 800 € au titre de l'article 700 du NCPC,

- les a condamnés in solidum au paiement des dépens.

Le 22 août 2006, Monsieur Y et la SCI VICTORES ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 8 janvier 2007, auxquelles il convient de se référer, Monsieur Y et la SCI VICTORES font valoir que cette société a communiqué à Madame X, 13 pièces répondant aux exigences de l'ordonnance entreprise ; que l'obligation de délivrer à un associé quelque document social que ce soit incombe à la SCI et non à son gérant ; que c'est en violation des dispositions combinées des articles 1855 du Code civil et 48 du décret du 3 juillet 1978 que le premier juge a fait droit à la demande de Madame X, qui n'avait que le droit de consulter les documents litigieux et devait demander une telle consultation ; que la demande d'explication de l'intimée portant sur l'affectation de la somme de 109.617 € , produit de la cession de l'immeuble du 89 rue du Faubourg Poissonnière est une demande nouvelle au sens de l'article 564 du NCPC, consiste en une contestation de la sincérité des comptes de la SCI et ne relève pas de la compétence du juge des référés ; que les loyers commerciaux dont la société EUROPE DIFFUSION est redevable n'ont pas été révisés ; que la SCI VICTORES s'est acquittée de l'impôt foncier qui lui a été facturé ; qu'elle a versé les pièces justificatives du paiement de la taxe foncière des années 2003 et 2004 ; qu'aucune demande d'avis de paiement de l'impôt foncier n'a été notifiée à la société EUROPE DIFFUSION par la SCI VICTORES ; que cette dernière ne saurait produire des pièces qui n'existent pas.

Ils demandent à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

- de dire Madame X, irrecevable en ses demandes dirigées contre Monsieur Y,

- de prononcer la mise hors de cause de ce dernier,

- de dire Madame X, irrecevable pour ses demandes nouvelles en cause d'appel et, en tout état de cause, mal fondée en toutes ses demandes dirigée contre la SCI VICTORES,

- de la débouter de ses demandes,

- de condamner Madame X, à verser à Monsieur Y et à la SCI VICTORES, à chacun d'eux, une indemnité de 1.000 € en application de l'article 700 du NCPC,

- de la condamner au dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître PAMART, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 décembre 2006, auxquelles il convient de se référer, Madame X, fait valoir que le gérant est directement responsable de l'obligation d'informer l'associé ; qu'aucune invitation à consulter les documents sur place ne lui a été adressée ; que si les justificatifs des ventes et acquisitions des trois locaux en cause ont été produits, les autres injonctions n'ont pas été satisfaites ; que la somme de 109.617 € figurant au poste compte courant d'associés' comme relative au financement de l acquisition des biens immobiliers ne correspond pas aux opérations visées ; que la réalisation de travaux par la société EUROPE DIFFUSION n'est pas de nature à induire la neutralisation des révisions annuelles stipulées aux baux qui la concernent ; que l'expert comptable commun aux deux structures a admis que l'application des révisions avait été omise et en a fourni le calcul ; qu'elle maintient sa demande, sur ce point ; que, s'agissant de l'impôt foncier, elle a dû, pour l'exercice 2004, payer cet impôt sur des revenus passés comptablement en compte courant d'associée dans la SARL et non recouvrés à ce jour ; que, pour l'exercice 2005, elle est redevable de cet impôt alors que la SCI n'a recouvré aucun impôt sur la SARL pour toute l'année ; qu'elle maintient sa demande, de ce chef ; que, formant appel incident, elle demande que soit portée à 300 € par jour de retard l'astreinte assortissant l'obligation de communiquer à compter du 15ème jour suivant la signification du présent arrêt et 3.000 € au total, au titre de l'article 700 du NCPC.

Elle demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a enjoint à Monsieur Y es qualités et à la SCI VICTORES d'avoir à communiquer les documents visés à l'acte introductif d'instance à l'exception des actes d'acquisition des locaux situés 89 à 91 rue du Faubourg Poissonnière à Paris 9ème, communiqués le 4 octobre 2006 et en ce qu'elle a réservé à la juridiction des référés la liquidation de l'astreinte,

Incidemment,

- de l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- de dire que les documents sociaux requis devront être communiqués dans le délai de quinzaine suivant la signification du présent arrêt,

- de dire qu'à défaut, une astreinte de 300 € par jour de retard courra pendant une période d'un mois au delà de laquelle il sera à nouveau statué,

- de condamner in solidum Monsieur Y et la SCI VICTORES à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du NCPC,

- de les condamner aux dépens, dont distraction au profit de la SCP PETIT LESENECHAL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Par arrêt du 31 janvier 2007, la Cour a désigné Madame M. en qualité de médiateur pour permettre aux parties de trouver une solution au conflit qui les oppose.

Par arrêt du 9 mai 2007, la mission du médiateur a été prorogée jusqu'au 8 juin 2007.

Par arrêt du 13 juin 2007, cette mission a été prorogée jusqu'au 26 juin 2007.

A cette date, l'affaire ayant été rappelée à l'audience, il a été constaté que la médiation n'avait pas abouti.

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 145 du NCPC, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Que, selon les dispositions de l'article 1855 du Code civil, les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il doit être répondu par écrit dans le délai d'un mois ;

Que, selon l'article 48 du décret du 3 juillet 1978 relatif à l'application de ce texte, l'associé non gérant a le droit de prendre par lui-même, au siège social, connaissance de tous les livres et documents sociaux, des contrats, factures, correspondance, procès-verbaux et plus généralement de tout document établi par la société ou reçu par elle ; que le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie ;

Que Madame X, associée non gérante de la SCI VICTORES a demandé à Monsieur Y et à la SCI VICTORES, par courrier du 5 mai 2006, communication de divers documents sociaux, sans qu'il ait été donné suite à cette demande ;

Que Monsieur Y convient du fait qu'il n'a pas déféré à cette demande, l'estimant abusive ; qu'en réponse à la dite demande, il n'a, donc, fait à l'intimée aucune proposition de consultation, de prise de copie ou de transmission des documents litigieux ;

Que le siège social de la SCI VICTORES étant, selon les termes de l'acte d'appel et des conclusions des appelants, en cours de transfert et ne pouvant plus se trouver <adresse 1>, dans les locaux d'un immeuble que cette société a cédé, Monsieur Y n'est pas fondé à opposer à Madame X, la nécessité d'une consultation dont les dispositions précitées prévoient qu'elle intervienne au siège de la dite société ;

Qu'en cas de non-respect des dispositions précitées, le gérant d'une SCI engage sa responsabilité civile ;

Que Madame X, était, donc, fondée à saisir le juge des référés pour qu'il fasse injonction à la SCI VICTORES, comme à son gérant, es qualités, de lui communiquer, sous astreinte, les documents litigieux, justifiant d'un motif légitime pour ce faire ;

Que c'est, donc, pertinemment que le premier juge a fait droit à sa demande ;

Considérant que la Cour statue en fonction des éléments portés à sa connaissance au moment où elle se prononce ;

Que Madame X, confirme que lui ont été communiqués, en exécution de l'ordonnance entreprise, copie des actes de vente et acquisition des trois immeubles visés à sa demande ; que sa demande, sur ce point, est devenue sans objet ;

Que les appelants faisant valoir que le produit de la vente des biens immobiliers <adresse 1> à Paris a servi, à due concurrence, à rembourser les associés qui avaient fait l'avance des fonds nécessaires à l'acquisition des dits lots, sans prétendre qu'il n'existerait pas de justificatifs de ces remboursements, ils doivent être en mesure de présenter les documents comptables justifiant de la réalisation de ces opérations par la SCI VICTORES;

Que, faisant valoir, sur ce point, que la mention d'une somme de 109.617 € , figurant sur les documents communiqués, est étrangère à la demande de l'intimée, les appelants confirment ainsi que la communication des documents ayant trait à l'affectation du produit de la vente susvisée reste à faire ; qu'il y lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, sur ce point ;

Considérant que les appelants ne contestent pas que le bail conclu entre la société EUROPE DIFFUSION et la SCI VICTORES prévoit une révision annuelle du loyer ;

Qu'en réponse à la demande de communication de documents faite à ce sujet, ils indiquent expressément que cette révision n'a pas été appliquée à la société preneuse, sans prétendre qu'un avenant au bail aurait été conclu en ce sens ;

Qu'en réponse à la demande de communication de pièces relatives au paiement de l'impôt foncier, par la société EUROPE DIFFUSION, les appelants indiquent expressément que la SCI VICTORES n'a pas réclamé paiement de cet impôt à sa preneuse ;

Qu'en réponse à sa demande de communication relative aux formalités de transfert du siège social de la SCI VICTORES, il a été communiqué à Madame X, un document social mentionnant que ce transfert nécessitait la communication, par elle, d'un acte de mariage récent, les appelants ne prétendant pas que la SCI VICTORES aurait, actuellement, un siège social ;

Que les choix de gestion des appelants les ayant amené à n'établir aucun document correspondant aux actes susvisés, dont Madame X, estime qu'ils auraient dû être accomplis, il n'y a lieu d'ordonner communication de pièces inexistantes ;

Que la demande de mesure d'instruction formée devant le premier juge ne peut, devant la Cour, se transformer en une demande d'injonction de faire, tendant à contraindre les appelants à adopter des modes de gestion différents ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise dans la limite des communications possibles restant à accomplir ;

Considérant qu'eu égard aux communications déjà intervenues et à celle restant à intervenir, il n'y a lieu de reconsidérer le montant de l'astreinte mise à la charge des appelants par le premier juge ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X, les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, sur ce point, s'agissant des frais irrépétibles exposés en première instance et de condamner les appelants, ensemble, à verser à Madame X, la somme de 2.000 € , au titre de l'article 700 du NCPC, s'agissant des frais irrépétibles exposés en appel ;

Que les appelants, qui succombent, devront supporter la charge des dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes de Madame X,

Constate que la demande de communication des actes de cession et d'acquisition formée par cette dernière est devenue sans objet,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné communication de documents sociaux relatifs :

- aux révisions annuelles des loyers contractuellement prévues,

- au paiement de l'impôt foncier par la société EUROPE DIFFUSION,

- à la localisation régulière du siège social de la SCI VICTORES,

La confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur Y et la SCI VICTORES à payer à Madame X, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du NCPC,

Condamne in solidum Monsieur Y et la SCI VICTORES aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP PETIT LESENECHAL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.