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Décisions

Cass. 2e civ., 23 mars 2023, n° 21-19.347

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Durin-Karsenty

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, SCP Célice, Texidor, Périer

Dijon, du 10 juin 2021

10 juin 2021


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 juin 2021), la société Vignobles des Mouchottes, exploitant un domaine viticole, a été condamnée, par un jugement du 7 octobre 2019, à livrer à la société La Cave des Hautes Côtes, coopérative agricole à laquelle elle est associée, la totalité des récoltes de son exploitation et il lui a été interdit de vendre, céder ou disposer de quelque manière que ce soit des produits de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrées à la coopérative.

2. Entre novembre 2019 et mai 2020, la société La Cave des Hautes Côtes a mis en vain en demeure à plusieurs reprises la société Vignobles des Mouchottes de lui livrer les produits issus de sa récolte au titre des vendanges 2019, puis de justifier de l'identité de la personne à laquelle elle les avait livrés, de leur stockage, de leur traçabilité, de leur bon état de conservation et du respect de l'interdiction énoncée par le jugement, et de lui communiquer les justificatifs des actes d'achat-vente, cession, et disposition des produits non livrés ainsi que les tickets d'apport correspondant à ces récoltes.

3. La société La Cave des Hautes Côtes a également, en vain, mis en demeure la société Compagnie d'embouteillage et de vinification de lui communiquer tous les contrats, de quelque nature que ce soit, conclus avec la société Vignobles des Mouchottes ou avec son associée unique, la société La Chablisienne, cave coopérative de Chablis (la société La Chablisienne), concernant ces produits.

4. Exposant que la société La Chablisienne avait probablement été le premier acheteur des produits litigieux avant de les revendre à la société Compagnie d'embouteillage et de vinification, qu'elle disposait d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige dans le cadre d'une action paulienne tendant, sans préjudice d'une action en indemnisation, à faire déclarer inopposables à son égard les actes faits en fraude de ses droits par la société Vignobles des Mouchottes, la société La Chablisienne et la société Compagnie d'embouteillage et de vinification, la société La Cave des Hautes Côtes a saisi le juge des requêtes d'une demande de désignation, à fin d'investigations d'un huissier de justice.

5. La société Vignobles des Mouchottes, avec la société AJRS agissant en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde, ainsi que la société La Chablisienne, ont relevé appel de l'ordonnance du juge des référés ayant rejeté leur demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 16 juillet 2020.

Sur les premier et deuxième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. La société Vignobles des Mouchottes et la société AJRS, agissant en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé ayant dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 16 juillet 2020, alors « que les mesures d'instruction in futurum ne peuvent être ordonnées sur requête qu'à la condition que le demandeur justifie de la nécessité de déroger au principe de la contradiction ; que l'énonciation générale d'un risque de concertation entre les parties visées par la mesure sollicitée, ou de destruction des preuves, ne peut suffire à justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ; qu'en se bornant à retenir qu'au regard des soupçons d'entente entre la société Vignobles des Mouchottes et la société La Chablisienne, l'effet de surprise, nécessaire lorsque sont sollicitées des mesures du type de celles qui ont été ordonnées pour prévenir toute concertation entre les protagonistes, voire une disparition des documents, fondait la société La Cave des Hautes Côtes à ne pas appeler les parties adverses, le référé-rétractation permettant de rétablir le contradictoire, la cour d'appel, qui a statué par des motifs généraux impropres à établir la nécessité d'une dérogation au principe de la contradiction, a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 15 et 493 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 145, 493 et 455 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que le juge qui rejette la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête autorisant une mesure in futurum doit caractériser les circonstances ayant fondé le requérant à ne pas appeler la partie adverse.

9. Pour confirmer l'ordonnance de référé ayant dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 16 juillet 2020, l'arrêt retient, sur le bien-fondé du recours à une procédure non contradictoire, que l'effet de surprise, nécessaire lorsque sont sollicitées des mesures du type de celles qui ont été ordonnées pour prévenir toute concertation entre les protagonistes, sinon même une disparition des documents, fondait la société La Cave des Hautes Côtes à ne pas appeler la partie adverse, le référé-rétractation permettant de réintroduire le contradictoire.

10. En statuant ainsi, par des motifs dont la généralité ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.