Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-24.776
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 5 septembre 2016), que Mme Y... a été engagée le 10 mai 2010 par le Centre hospitalier du Pays d'Eygurande en qualité de pharmacienne ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 12 mai 2014 ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième et septième branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave et de la débouter de ses demandes tendant à ce que le Centre hospitalier psychiatrique du Pays d'Eygurande soit condamné à lui payer différentes sommes au titre de la rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, qui s'est contentée de faire état d'un « comportement d'emprise » et « d'ignorance », de « dévalorisation » et de « pressions », et des « manoeuvres de déstabilisation appuyant sur des fragilités » sans jamais préciser la nature, ni la date, ni le contenu des faits concrets dont se serait rendue coupable Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; que le comportement fautif retenu ne doit pas être seulement possible mais démontré ; qu'en se contentant de retenir que les faits allégués par les deux plaignantes dans des écrits longs et cohérents était confortés « sans que rien ne permette de les mettre réellement à néant », par deux attestations, et « s'inscrivent au moins partiellement dans le courant » des attestations favorables produites par Mme Y..., la décrivant comme une personne exigeante, que les attestations favorables décrivent un comportement « qui n'est pas incompatible avec un comportement harceleur en petit comité », la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de prouver que les allégations de l'employeur étaient infondées et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ qu'en retenant que les doléances des salariées se plaignant d'être harcelées suffisaient à dire établi le harcèlement, sans autre élément objectif, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ;
4°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le comportement inapproprié adopté par un salarié à l'égard de ses subordonnés ne rend pas impossible son maintien dans l'entreprise lorsque l'intéressé, qui n'a pas conscience du caractère inapproprié de son comportement et de la manière dont celui-ci est ressenti par ses subordonnés, n'a pas été invité par l'employeur à modifier son comportement ; qu'en retenant que le comportement prétendument harcelant de Mme Y... à l'égard de Mme Z... et de Mme A... rendait impossible son maintien en fonctions quand il résultait des éléments qui lui étaient soumis que la salariée, qui ignorait les griefs des préparatrices à son encontre, n'avait pas été invitée à modifier son comportement, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ qu'il appartient au juge de rechercher au-delà des énonciations de la lettre de licenciement la véritable cause du licenciement ; qu'il était soutenu que la véritable cause du licenciement de Mme Y... n'était pas son comportement à l'égard de Mme Z... et de Mme A... mais la nécessité de supprimer un poste de pharmacienne pour satisfaire aux contraintes budgétaires du Centre hospitalier ; qu'en se bornant à retenir que le comportement imputé à Mme Y... constituait une faute grave ne permettant pas son maintien en fonction sans rechercher si, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la salariée, la nécessité de supprimer un poste de pharmacienne n'était pas la véritable cause du licenciement de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté, sans méconnaître les règles de preuve, que les faits de harcèlement moral reprochés à la salariée étaient établis ; qu'elle a pu en déduire, écartant par-là même toute autre cause de licenciement, que ces faits rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier psychiatrique du Pays d'Eygurande soit condamné à lui payer une certaine somme à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des conditions vexatoires de son licenciement, alors, selon le moyen, que l'employeur doit indemniser le salarié qu'il a licencié dans des conditions vexatoires quand bien même le licenciement serait justifié ; que, pour solliciter le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, Mme Y... faisait valoir que son licenciement était intervenu dans des conditions vexatoires ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par Mme Y..., à dire que son licenciement était justifié sans rechercher si celui-ci était intervenu dans des conditions vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui « déboute la salariée de toutes ses demandes », n'a pas statué sur le chef de demande relatif aux dommages-intérêts pour préjudice moral en raison des circonstances vexatoires du licenciement, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen pris en ses quatrième et sixième branches, annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.