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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 5 juin 2014, n° 14/07378

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Maison de Saint Mandé (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, Mme Delbes

T. com. Créteil, du 18 févr. 2014, n° 20…

18 février 2014

Madame Nicole T., âgée de 80 ans, a travaillé durant plus de quarante ans pour la Clinique Jeanne d'Arc aux côtés de son mari, puis seule à compter du décès de ce dernier le 6 février 1993.

Ne souhaitant exercer l'activité de gérance de la clinique Jeanne d'Arc, cette activité était cédée, Madame T. conservant la présidence de la société par actions simplifiée Maison de Saint Mandé (MSM), créée le 27 juin 2007, servant de holding et ayant pour activité principale la gestion de biens immobiliers à Saint Mandé.

Les actions étaient réparties dernièrement entre :

> Monsieur Vincent S.- B. (300 actions plus la nue-propriété de 4.450 actions)

> Madame Nicole T. (usufruit de 4.450 actions).

Par deux actes en date des 9 juin 2010 et 2 mai 2011 établis par son notaire habituel, Me Claude J. et avec l'assistance de son Conseil, Nicole T. avait en effet fait donation de la nue-propriété des titres qu'elle détenait dans la société à Monsieur B., jeune pianiste de talent issu d'un milieu modeste, qu'elle avait rencontré à l'occasion d'un concert de jeunes artistes organisé par une de ses connaissances en 2004 et auquel elle avait proposé de l'aider à poursuivre sa carrière.

Elle avait ainsi :

> offert de l'héberger gracieusement à son domicile de Saint-Mandé lorsqu'il était en déplacement à Paris, Monsieur B. étant domicilié à Pessac en Gironde,

> participé à hauteur de 18 000€ à ses frais de scolarité à la Julliard School de New York,

> mis à sa disposition, à compter de 2006, une carte American Express rattachée à son propre compte bancaire et enregistrée au nom de celui-ci afin qu'il puisse régler ses dépenses courantes,

> accueilli l'intéressé dès son retour en France en 2007 chez elle gratuitement et mis à sa disposition la totalité de l'étage de son pavillon de Saint Mandé, y faisant faire des travaux coûteux pour l'aménager.

Le total des sommes remises à Monsieur B. par Madame T. s'élevait ainsi à un montant de 445.103,25 euros, outre :

* le financement intégral par MSM de la construction d'un studio d'enregistrement à son bénéfice et celui de la société Vincent S. B. Music (V. Music) puis la prise en charge des pertes (300 000€),

* le versement d'un salaire de Directeur administratif de la société à compter du 9 juillet 2007, soit 4.000 euros brut par mois auquel s'ajoutait un 13ème mois,

* le transfert de 300 actions de la SAS MSM puis la donation susvisée.

La SAS MSM était propriétaire de plusieurs biens immobiliers à Saint Mandé, et tirait, depuis sa création, son principal revenu de la location d'un bien sis au [...], loué depuis 1991 à une clinique psychiatrique, la Clinique Jeanne d'Arc exploitée par la société Korian.

Le 27 septembre 2011, Nicole T. convoquait une assemblée générale ordinaire au terme de laquelle le mandat de Directeur Général tenu par Vincent B. était révoqué et deux mois plus tard, celui-ci était licencié du poste de Directeur administratif salarié qu'il occupait.

Vincent B. expliquait que :

< Nicole T. s'est « violemment » opposée à un projet de restructuration immobilière, portant sur des biens propriété de la société : dans le courant de l'année 2010, la SAS MSM ayant appris que le preneur souhaitait quitter les locaux, les associés avaient envisagé ensemble différentes opérations de restructuration immobilière leur permettant de pallier la perte de revenus en découlant et mandaté le cabinet P. Asset Management (PAM) au travers d'un contrat de programmation immobilière et d'assistance à maîtrise d'ouvrage déléguée, le 24 septembre 2010.

< PAM envisageait une opération globale de valorisation du patrimoine immobilier de la société mais, dans le cadre de l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes du 30 juin 2011, la Présidente de la société avait envisagé le projet initial d'opération immobilière sous un nouvel axe puisqu'il ne s'agissait plus de mettre en œuvre une opération de valorisation de l'ensemble du patrimoine immobilier mais de se borner à vendre le bien immobilier principal de la société alors qu'il jugeait peu opportun de favoriser la cession de l'un des principaux actifs de la Société à la seule fin de percevoir des liquidités.

Vincent S.- B. exposait ainsi :

* avoir reçu une convocation à l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes annuels de la société du 28 juin 2012, qui n'était accompagnée que du seul texte des résolutions proposées dont l'une résolution relative à la restructuration immobilière,

* avoir par une lettre du 19 juin 2012, demandé que lui soient communiqués l'ensemble des documents sociaux nécessaires à son vote,

* avoir découvert une sélection de potentiels cessionnaires organisée par PAM, ainsi qu' une promesse de vente avec la société Diagonale en cours de signature,

* avoir choisi de voter par la négative à l'ensemble des résolutions de cette assemblée,

* avoir reçu le 30 juillet 2012, des documents afférents à une consultation écrite des associés dans les conditions de participation et de majorité d'une assemblée générale extraordinaire, comportant une autorisation expresse au profit de la présidente de signer la promesse de vente prévue au bénéfice de la société Diagonale et de procéder, le cas échéant, à une inscription hypothécaire, ainsi qu'un rapport de la société PAM présentant l'opération de sélection du cessionnaire de la parcelle concernée,

* avoir voté une nouvelle fois par la négative aux deux résolutions proposées à l'assemblée, le prix de vente négocié avec la société Diagonale s'élevant à la somme de 7.500.000 euros pour un minimum de 1.921 m2 SCHON administrative de logement libre, soit un prix d'environ 4.000 euros au mètre carré alors que le prix moyen du m2 habitable à Saint Mandé était d'environ 7.500 euros et pouvant culminer à plus de 10.000 euros,

* avoir été contraint de :

< mandater un huissier de justice afin de délivrer une sommation interpellative à Madame T., l'enjoignant de confirmer que, suite à son vote négatif dans le cadre l'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2012, il n'avait pas été donné suite au projet de cession envisagée avec la société Diagonale et que la promesse de vente n'avait en conséquence pas été régularisée,

< réitérer la demande par un courrier recommandé avec accusé de réception adressé par son conseil le 7 novembre 2012 à Nicole T.,

< enjoindre à Nicole T., dans un courrier du 6 novembre 2012, de lui communiquer les procès-verbaux des deux dernières assemblées générales de la société,

< enjoindre le 11 juin 2013 à la Présidente de procéder au dépôt des comptes sociaux de l'exercice 2011 sous quinzaine,

< demander le même jour la communication de l'ensemble des documents devant être adressés à Vincent B. dans le cadre de la tenue de l'assemblée générale ordinaire devant statuer sur l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

* avoir reçu le 13 juin 2013, une convocation à ladite assemblée générale ordinaire annuelle, dont la date avait été fixée au 27 juin 2013 accompagnée du seul texte des résolutions proposées.

* avoir reçu le 21 juin 2013 les documents sollicités,

* avoir reçu le 18 juillet 2013 une nouvelle convocation à une assemblée générale extraordinaire devant se tenir le 30 juillet 2013, et ayant pour objet la modification des statuts de la Société, les modifications statutaires projetées portant principalement sur deux points :

< la suppression de la limite d'âge de 85 ans au-delà de laquelle le Président était considéré comme démissionnaire ;

< la modification des pouvoirs du Président, afin d' intégrer l'autorisation «d'effectuer seul tout acte de disposition, notamment immobilière».

Sur refus de la présidente de faire droit à sa demande de report de la tenue de l'AGE, par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de commerce de Créteil du 23 juillet 2013, Vincent B. a requis et obtenu la désignation de Me Philippe-André M., Huissier-Audiencier, avec notamment pour mission d'assister et de dresser procès-verbal de l'Assemblée Générale Extraordinaire de la Société du 30 juillet 2013.

L'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2013 se tenait en la présence des associés, du conseil de Nicole T., de l'expert-comptable et du commissaire aux comptes de la société, ainsi que de l'huissier-audiencier accompagné d'une sténotypiste. Monsieur Vincent B. votait contre les trois résolutions qui lui étaient soumises, lesquelles étaient adoptées, en violation, disait-il, de ses droits d'associé (4.450 parts en nue-propriété et 300 parts sociales en pleine propriété).

Par courrier du 22 août 2013, la présidente de la société lui communiquait « soudainement» l'intégralité des procès-verbaux sollicités où il découvrait que Nicole T. s'était prévalue de l'existence supposée d'un mandat de vote de son associé lui permettant de voter en ses lieu et place lors des AGE et sollicitait l'autorisation d'assigner à bref délai la société devant le Tribunal de commerce de Créteil afin d'empêcher que la Présidente ne cède l'actif principal de la société.

Mme T. expliquait qu'à compter de l'été 2011, elle avait eu des doutes, puis des soupçons puis des preuves quant au caractère déloyal et malhonnête de Monsieur B., après notamment la découverte de faits potentiellement qualifiables d'abus de faiblesse et d'abus de biens sociaux :

< importantes dépenses effectuées par Monsieur B. à partir du compte personnel de Madame T., au moyen de la carte American Express dont il avait la jouissance.

< encaissement à titre personnel des chèques qui auraient dû revenir à MSM au titre de l'activité du studio d'enregistrement.

< paiement de nombreux voyages à l'étranger sans justification par la société.

Elle avait alors :

- demandé à Monsieur B. de quitter son domicile,

- annulé la procuration qu'il avait sur les comptes bancaires,

- révoqué celui-ci de ses fonctions de Directeur général de MSM le 27 septembre 2011, révocation non contestée,

- convoqué à un entretien préalable à son licenciement par un courrier RAR du 24 novembre 2011 puis licencié pour faute grave compte tenu de son abandon de poste le 8 décembre 2011.

Et par une décision du 23 avril 2013, le Conseil des Prud'hommes de Créteil déboutait Monsieur B., au motif qu'il était établi que l'absence prolongée de Monsieur B. et la désorganisation de la société qui s'en était suivie constituait bien un abandon de poste constitutif d'une faute grave mais Monsieur B. interjetait appel de cette décision.

S'estimant victime d'abus de faiblesse (article 223-15-2 du Code pénal) ainsi que d'abus de confiance aggravé (article 314-1 du Code pénal ), du fait de l'habile accaparement de ses fonds par Monsieur B., Madame T. a déposé une plainte avec constitution de partie civile, devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux le 28 mai 2013.

Et en vertu de l'article 953 du Code civil , Madame T. a donc saisi le Tribunal de grande instance de Bordeaux le 25 novembre 2013 afin de solliciter la révocation des actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 en raison de l'inexécution par Monsieur B. des conditions sous lesquelles ces donations ont été faites.

Par jugement du 18 février 2014 , le Tribunal de commerce de Créteil a d'une part, rejeté l'exception d'incompétence et les demandes de sursis à statuer formulées par la SAS MAISON DE SAINT MANDE et Nicole T., et d'autre part, rejeté la demande de rectification des procès-verbaux des assemblées générales extraordinaires de la Société du 30 août 2012 et du 30 juillet 2013.

Ce jugement a été signifié le 6 mars 2014 à Monsieur S.- B. qui en a fait appel le 3 avril 2014.

Monsieur S.- B. demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 18 février 2014 par le Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société MAISON DE SAINT MANDE et Madame NICOLE T. au bénéfice du Tribunal de Grande Instance de Créteil et en ce qu'il s'est déclaré compétent sur les demandes formulées à l'encontre de Madame Nicole T. ;

- Confirmer le jugement rendu le 18 février 2014 par le Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a rejeté les demandes de sursis à statuer formulées par la société MAISON DE SAINT MANDE et Madame NICOLE T. ;

- Dire et juger qu'il n'existe aucune clause statutaire dérogeant au droit de vote de Monsieur Vincent S.-B. ;

- Dire et juger que Monsieur Vincent S.-B. est seul titulaire du droit de vote aux assemblées générales extraordinaires de la société MAISON DE SAINT MANDE ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 18 février 2014,

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant ;

Subsidiairement,

- Ordonner la rectification des procès-verbaux afférents à la consultation écrite du 30 août 2012 et à l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013 et des statuts de la société Maison de Saint Mandé mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

A défaut pour votre Cour de retenir ce premier moyen,

- Constater que les actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 n'ont jamais été notifiés à la société dans les conditions prévues à l'article 14 des statuts ;

- Dire et juger qu'il n'existe aucune clause extra statutaire dérogeant au droit de vote de Monsieur Vincent S.-B. ;

- Dire et juger que Monsieur Vincent S.-B. est seul titulaire du droit de vote aux assemblées générales extraordinaires de la société Maison de Saint Mandé ;

Par conséquent,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 18 février 2014,

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant ;

Subsidiairement,

- Ordonner la rectification des procès-verbaux afférents à la consultation écrite du 30 août 2012 et à l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013 et des statuts de la société Maison de Saint Mandé mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

A défaut pour votre Cour de retenir ce second moyen,

- Dire et juger que Madame Nicole T. n'est pas associée de la société Maison de Saint Mandé ;

- Dire et juger que Monsieur Vincent S.-B. est seul titulaire du droit de vote aux assemblées générales extraordinaires de la société Maison de Saint Mandé ;

Par conséquent,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 18 février 2014,

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant ;

Subsidiairement,

- Ordonner la rectification des procès-verbaux afférents à la consultation écrite du 30 août 2012 et à l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013 et des statuts de la société Maison de Saint Mandé mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

A défaut pour votre Cour de retenir ce troisième moyen,

- Dire et juger révocable le mandat de vote supposément consenti à Madame Nicole T. par Monsieur S.-B. ;

- Dire et juger que le vote exprimé de manière univoque et expresse par Monsieur S.-B. lors de la consultation écrite du 30 août 2012 et de l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013 a révoqué le mandat de vote supposément consenti à Madame Nicole T. ;

Par conséquent,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 18 février 2014,

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant ;

Subsidiairement,

- Ordonner la rectification des procès-verbaux afférents à la consultation écrite du 30 août 2012 et à l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013 et des statuts de la société Maison de Saint Mandé mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 €uros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

A défaut pour votre Cour de retenir ce quatrième moyen,

- Dire et juger que Madame Nicole T. a commis un abus de jouissance ;

- Dire et juger que Madame Nicole T. a agi dans son seul intérêt, au détriment de celui de Monsieur Vincent S.-B. ;

- Dire et juger que Madame Nicole T. a commis un abus de droit ;

Par conséquent,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 18 février 2014,

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et de l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant ;

Subsidiairement,

- Ordonner la rectification des procès-verbaux y afférents et des statuts de la société Maison de Saint Mandé mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

En toute hypothèse,

- Condamner Madame Nicole T., ès qualités d'usufruitière, à payer à Monsieur Vincent S.-B. la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts au titre de l'abus de droit commis dans l'exercice du supposé mandant de vote qu'il lui aurait été confié ;

- Ordonner la communication de tout acte de disposition effectué par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la Société, depuis la consultation écrite des associés du 30 juillet 2012, en ce compris toute lettre d'intention, toute promesse de cession et tout acte de disposition, de quelque nature que ce soit, effectué par cette dernière, ès qualités, sur toute ou partie des actifs de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification ;

- Condamner Madame Nicole T. à payer à Monsieur Vincent S.-B. la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;

- Condamner Madame Nicole T. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur l'exception d'incompétence

L'appelant sollicite confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence ainsi que les demandes de sursis à statuer présentées par Nicole T. dès lors qu'il résulte des termes mêmes de l'assignation que Nicole T. a été assignée en qualité d'usufruitière et de Présidente de la SAS MAISON DE SAINT MANDE.

Sur les demandes de sursis à statuer

L'appelant rappelle que l'article 4 du Code de Procédure Pénale dispose en son troisième alinéa que « la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du Jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

Et il soutient que :

- il n'était « certainement pas » de l'intérêt d'une bonne administration de la justice, au sens de l'article 378 du Code de Procédure Civile, d'ordonner le sursis à statuer, eu égard au contexte d'ensemble de l'affaire.

Sur l'absence de dérogation au droit de vote de l'appelant

Ce dernier considère que :

1 - le jugement frappé d'appel repose sur un postulat erroné selon lequel les actes de donation, contenant mandat donné à Nicole T., avaient ipso facto intégré le pacte social, ce qui viole les dispositions de l'article 1835 du Code Civil , selon lesquelles : « Les statuts de la société doivent être établis par écrit.. et déterminent ' la durée de la société et les modalités de son fonctionnement».

Les statuts de la Société n'ayant pas été modifiés afin de les mettre en adéquation avec les donations, il appartenait à la juridiction saisie d'appliquer stricto sensu les stipulations du pacte social qui prévoyait, avant même d'ailleurs l'établissement des actes de donation, une architecture des plus classiques quant à la ventilation des pouvoirs entre usufruitier et nu propriétaire, ce dernier se voyant conférer le droit de vote dans les assemblées extraordinaires.

2- Le jugement frappé d'appel repose aussi sur une interprétation « dénaturante » de l'article 14 des statuts de la Société qui prévoit que, nonobstant le fait que les usufruitiers représentent valablement les nu-propriétaires, il reste que « le droit de vote » appartient, dans tous les cas, à l'usufruitier pour les délibérations concernant les Assemblées Générales Ordinaires et au nu-propriétaire pour celles relatives aux Assemblées Extraordinaires et qu'il n'est fait exception à cette règle que lorsque « les intéressés », c'est-à-dire l'usufruitier et le nu-propriétaire, conviennent ensemble d'une autre répartition du droit de vote, auquel cas la convention entérinant cette modification doit être notifiée à la Société ; mais dans tous les cas, le propriétaire conserve le droit de participer aux décisions collectives.

3 ' Nicole T. et la société MAISON DE SAINT MANDE ont développé, en première instance, une argumentation controuvée consistant à soutenir, en substance, que l'article 14 des statuts de la société MAISON DE SAINT-MANDE, poserait en principe que, dans tous les cas, les nu propriétaires sont représentés par les usufruitiers.

S'il est de principe que les usufruitiers représentent valablement les nus propriétaires, le droit de vote appartient toujours à l'usufruitier pour les décisions collectives ordinaires et au nu propriétaire pour les décisions collectives extraordinaires. Et aucune autre interprétation n'est possible.

4 - l'article 14 des statuts imposait, pour que l'on puisse tenir compte des actes de donation, qu'ils soient notifiés à la Société ou que par une convention particulière modifiant la ventilation des droits de vote, il en soit fait notification à ladite Société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ce qui n'a jamais été le cas.

Par conséquent, il demande à la Cour de dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant.

Subsidiairement, il demande à la Cour d'ordonner la rectification des procès-verbaux y afférents et des statuts mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé.

Sur l'absence de dérogation extra statutaire au droit de vote de Vincent B.

Si par extraordinaire, au regard des moyens de droit susvisés, la Cour venait à ne pas écarter l'application des dispositions de l'article 14 des statuts de la Société relatives à la possibilité de dérogation extra statutaire du droit de vote du nu-propriétaire, elle ne pourrait que considérer que les stipulations des actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 ne permettent aucunement de déroger au droit de vote de Vincent B. lors des assemblées générales extraordinaires de la Société.

En premier lieu, les actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 n'ont pas été valablement notifiés à la Société dans les conditions prévues à l'article 14 des statuts, lequel prévoit que « la convention est notifiée par lettre recommandée à la Société, qui sera tenue d'appliquer cette convention pour toute consultation collective qui aurait lieu après l'expiration d'un délai d'un mois suivant l'envoi de cette lettre ».

Et si par extraordinaire la Cour devait considérer que les actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 ont été dûment notifiés à la société conformément à l'article 14 des statuts, lesdits actes prévoient notamment que : « En ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décision collectives, le DONATEUR et le DONATAIRE nomment en qualité de mandataire commun : le DONATEUR.' Mais le mandat du donateur ne lui permettait que de représenter le donataire lors de la discussion précédant le vote, mais pas pour le vote lui-même.

Par conséquent, il demande à la Cour de dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant.

Subsidiairement, il demande à la Cour d'ordonner la rectification des procès-verbaux y afférents et des statuts mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Monsieur Vincent S.-B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé.

Sur le défaut de qualité d'associé de Madame T.

Si par extraordinaire, la Cour confirme l'existence de telles clauses extra statutaires qui viendraient prétendument déroger au droit de vote de Vincent B. lors de la tenue des assemblées générales extraordinaires de la Société, il sera démontré que Nicole T. n'a pas la qualité d'associé à l'égard de la société et ne pouvait ainsi recevoir de mandat de vote.

En effet, il résulte des actes de donation du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011 qu' « en ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décision collectives, le DONATEUR et le DONATAIRE nomment en qualité de mandataire commun : le DONATEUR. »

Et la doctrine retient que seul le nu-propriétaire doit être qualifié d'associé, la Cour de cassation refusant la qualification d'associé à l'usufruitier qui ne détient pas une partie de la propriété des droits sociaux, mais jouit d'une chose « dont un autre à la propriété ».

Par conséquent, il est demandé à la Cour de dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant.

Subsidiairement, il est demandé à la Cour d'ordonner la rectification des procès-verbaux y afférents et des statuts mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Vincent B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification.

Sur la révocation du mandat de vote

Si par extraordinaire la Cour devait reconnaître à Nicole T. la qualité d'associé à l'égard de la Société, il sera démontré que le mandat de vote qui lui a supposément été confié, a été révoqué par Vincent B..

L'article 2004 du Code civil dispose notamment que « le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble » et au cas d'espèce, il est rappelé que, le 30 juillet 2012, Vincent B. recevait des documents afférents à une consultation écrite des associés dans les conditions de participation et de majorité d'une assemblée générale extraordinaire mais a révoqué le mandat de vote de manière univoque en transmettant son vote dans le cadre d'une consultation des associés dans les conditions de participation et de majorité d'une assemblée générale extraordinaire, démontrant ainsi son souhait exprès d'exercer son droit de vote.

De même, il est rappelé que, présent lors de l'assemblée générale extraordinaire de la Société du 30 juillet 2013, Vincent B. a voté contre les trois résolutions qui lui étaient soumises.

Par conséquent, il est demandé à la Cour de dire et juger nulles et de nul effet la consultation écrite du 30 août 2012 et l'Assemblée Générale Extraordinaire de la société Maison de Saint Mandé du 30 juillet 2013, avec toutes les conséquences de droit en découlant.

Subsidiairement, il est demandé à la Cour d'ordonner la rectification des procès-verbaux y afférents et des statuts mis à jour le 30 juillet 2013, conformément au vote exprimé par Vincent B. lors de ces délibérations et leur régularisation par Madame Nicole T., ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification.

Sur l'abus de droit de Madame T.

Si par extraordinaire, la Cour devait considérer le mandat de vote donné à Nicole T. comme non révoqué par Vincent B., la Cour prononcera la nullité des délibérations susvisées au visa de l'abus de droit de vote commis par Nicole T..

Or, l'usufruitier porte atteinte à la substance du droit de propriété du nu-propriétaire en méconnaissant le principe de répartition posé par l'article 578 du Code civil . En effet, « transférer l'intégralité des droits de vote du nu-propriétaire à l'usufruitier serait de nature à dénaturer les attributs du droit de ce dernier qui serait alors en mesure de pouvoir notamment changer la forme de la société, modifier son capital, bref qui serait en mesure d'en altérer la substance. »

Par conséquent, le nu-propriétaire, titulaire d'un droit réel propre doit pouvoir en exercer les attributs sans que ceux-ci soient exercés par représentation de l'usufruitier.

Au cas d'espèce, il est patent que Nicole T. a porté atteinte à la substance du droit de propriété de Vincent B. en :

- votant en son nom, pour son compte et contre son gré, lors de la consultation écrite du 30 août 2012 et lors de l'assemblée générale extraordinaire de la Société du 30 juillet 2013 ;

- en approuvant une résolution laquelle modifie les statuts de la Société en ce qu'elle attribue à la Présidente de la société le pouvoir d'accomplir seule « tout acte de disposition, notamment immobilière », lequel relève par essence du droit d'associé du nu-propriétaire.

Par conséquent, il est demandé à la Cour de constater que Nicole T. a commis un abus de jouissance.

Au surplus, il est conforme à l'intérêt de la Société de ne pas céder son actif principal afin de pérenniser sa situation financière et par voie de conséquence, d'assurer la poursuite de son activité. Cette cession de l'actif principal de la Société conduit nécessairement à la dissolution puis à la liquidation amiable de la société car Nicole T., ès qualités de Présidente de la Société et usufruitière de 4.450 de ses parts sociales, pourra appréhender l'intégralité du produit de cession de l'actif cédé en procédant :

- au remboursement de son compte courant d'associé d'un montant de 4.731.861,54 euros ;

- à l'apurement du solde du passif de la Société ; et le cas échéant,

- à la distribution de dividendes à hauteur du solde du produit de cession.

Et l'abus de droit commis par Nicole T., ès qualités d'usufruitière, cause un préjudice certain, direct et personnel à Vincent B. lequel s'est vu priver de la substance même de ses droits d'associé nu-propriétaire. Il est donc demandé à la Cour de la condamner à payer à Monsieur Vincent S.-B. la somme de 30.000 Euros de dommages et intérêts.

Plus encore, compte tenu de l'ensemble des violations du droit à l'information et du droit de vote de Monsieur Vincent S.-B. ci-avant exposées, il est également demandé à la Cour de la condamner, ès qualités de Présidente de la société Maison de Saint Mandé, à payer à Monsieur Vincent S.-B. la somme de 30.000 €uros de dommages et intérêts.

Par ailleurs et contrairement aux termes du jugement rendu le 18 février 2014, les actes de disposition immobilière ne sont pas visés par l'article 19 des statuts dont chaque associé a le droit d'obtenir communication en application de l'article L. 227-11 du Code de commerce.

Or, la présidente de la société a refusé de répondre au courrier de Vincent B. en date du 6 novembre 2013 aux termes duquel il la mettait en demeure de cesser immédiatement toute action visant à la réalisation de tout acte de disposition de quelque nature que ce soit, sur tout ou partie des actifs de la Société. A cet égard, le Juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance de Créteil a expressément reconnu le principe de sa créance, ès qualités d'associé nu-propriétaire, à l'égard de la société au titre de la valeur des parcelles susmentionnées et l'existence de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, en l'autorisant à prendre une inscription hypothécaire judiciaire provisoire sur lesdites parcelles, et ce, pour sûreté et conservation de sa créance évaluée provisoirement, en principal, intérêts et frais, à la somme de 15.000.000 €. Toutefois, compte tenu du montant exorbitant de la taxe foncière dont il devait s'acquitter pour procéder à ladite inscription (plus de 100.000 Euros), Vincent B. dit n'avoir pu préserver ses droits. (Pièce n°44 et n°45: Requête et Ordonnance du 4 mars 2014)

Dans ces circonstances, Vincent B. expose avoir été contraint d'assigner en référé la Société aux fins de lui interdire de procéder à tout acte de disposition, notamment immobilière, de quelque nature que ce soit, sur tout ou partie des actifs de la société Maison de Saint Mandé et en particulier, s'agissant des parcelles cadastrées section H numéro 179, 181, 185, 187 et 188 à 195 à Saint Mandé (94160), et ce, dans l'attente d'une décision de justice définitive relative à la présente procédure.

Compte tenu de l'ensemble des faits ci-avant exposés, il demande à la Cour d'ordonner la communication de tout acte de disposition effectué par Madame Nicole T., ès qualités de présidente de la Société, depuis la consultation écrite des associés du 30 juillet 2012, en ce compris toute lettre d'intention, toute promesse de cession et tout acte de disposition, de quelque nature que ce soit, effectué par cette dernière, ès qualités, sur tout ou partie des actifs de la société Maison de Saint Mandé, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-exécution de la décision à intervenir à compter de sa signification.

Sur le péril invoqué

Monsieur Vincent B. considère ses droits de nu-propriétaire en péril pour la simple raison que l'existence de la Société MAISON DE SAINT MANDE est, elle-même, en péril compte tenu de la combinaison de deux éléments :

- d'une part, en ce que, consécutivement à la modification des statuts, Nicole T. peut, désormais, en sa seule qualité de présidente de la société, procéder à tout acte de disposition, notamment en matière immobilière,

- d'autre part, en ce qu'il est constant que Nicole T. poursuit un unique objectif, en souhaitant que la société vende son principal actif : obtenir le remboursement de son compte courant d'associé qui s'élève, à ce jour, à la somme de 4 731 861 €.

Enfin, comme il serait particulièrement inéquitable que l'appelant supporte les frais qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits, il demande à la Cour de condamner Nicole T. à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame Nicole T. et la SAS Maison de Saint Mandé demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Vincent S.- B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Monsieur Vincent S.-B. au paiement de la somme de 50.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les intimées soutiennent que :

- Monsieur B. a accepté la donation qui lui a été faite par Madame T. de la nue-propriété des parts sociales de MSM par actes en date du 9 juin 2010 et du 2 mai 2011. Ces donations prévoyaient des conditions dans l'intérêt du donateur, Madame T., cette dernière étant désignée mandataire d'intérêt commun, lui permettant de voter notamment en assemblées générales extraordinaires de MSM.

- Madame T., qui a travaillé au développement de MSM durant près de 40 ans, a en effet accepté de faire cette donation de son vivant au profit de Monsieur B., à la condition que les décisions ordinaires et extraordinaires soient prises par elle seule dans le cadre du mandat d'intérêt commun. Il s'agit d'un mécanisme très classique de transmission sécurisée de patrimoine.

Ce mandat a été librement convenu, au moyen d'actes notariés, par Madame T. et Monsieur B. afin de préserver la possibilité pour Madame T. de poursuivre la gestion de la société. Il doit être noté que le notaire rédacteur des actes de donation confirme ce mécanisme très classique (Pièce 8).

- compte tenu de la vétusté et surtout de la non conformité des locaux, il est impossible de louer en l'état à un nouvel opérateur. En outre, MSM n'a pas les moyens financiers sur fonds propres ni par emprunt ' la charge d'intérêt serait incontestable ' pour procéder à la rénovation des locaux à usage de clinique. Dès lors, une restructuration immobilière importante devait nécessairement être envisagée dès le début de la réflexion sur la restructuration de l'actif de MSM, et en accord avec Monsieur B. des cessions d'actifs à des tiers étaient envisagées.

- Monsieur B., depuis son éviction de la direction de MSM, s'oppose à toute évolution de patrimoine. Il fait le pari cynique qu'à la disparition de Madame T., il héritera de MSM en l'état. La procédure intentée devant votre Cour, visant à figer le patrimoine de la société, est l'expression de ce cynisme.

Sur la licéité du mandat d'intérêt commun donné à Madame T., usufruitière, lui conférant le droit de voter pour Monsieur B., nu-propriétaire

Si Monsieur B. soutient à titre principal que la consultation écrite du 30 août 2012 et la

délibération de l'assemblée générale extraordinaire de MSM du 30 juillet 2013 auraient été prises en violation des statuts de la société de sorte que ces délibérations seraient donc frappées de nullité, les intimés rappellent que Monsieur B. dispose au titre des diverses donations :

< de 300 actions, en pleine propriété, pour lesquelles il n'a donné aucun mandat de vote et à ce titre, il s'exprime à chaque assemblée générale, ordinaire ou extraordinaire et son vote est scrupuleusement comptabilisé ;

< de 4.450 actions, détenues en nue-propriété, pour lesquelles, par mandat d'intérêt commun, il a confié à l'usufruitier le droit de voter.

Ils soulignent que les dispositions de l'article 1844-4 du Code civil permettent, au sein des sociétés, un aménagement des droits de vote entre un usufruitier et un nu-propriétaire, l'alinéa 4 de cet article autorisant expressément la répartition du droit de vote entre usufruitier et nu-propriétaire : « Si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier.'

Quant aux statuts, ils peuvent déroger aux dispositions des deux alinéas qui précèdent. Et la jurisprudence est venue préciser à cet égard que le nu-propriétaire pouvait être privé de son droit de vote au profit de l'usufruitier, à condition que soit préservé son droit d'être présent aux assemblées d'associés en application de l'article 1844 alinéa 1 du Code de commerce.

Et conformément aux dispositions de cet article, les statuts de MSM, en leur article 14, prévoient expressément la possibilité et les modalités de l'aménagement du droit de vote.

En l'espèce, cela été le cas tant lors de la consultation écrite que de l'assemblée générale extraordinaire contestées. Monsieur B. a en effet bien été convoqué et a reçu les éléments nécessaires à son information. Il s'est prononcé en sa qualité d'associé (300 voix) et a fait valoir son point de vue en sa qualité de nu-propriétaire (4.450 voix). Il avait cependant donné mandat pour voter en cette qualité.

Le Tribunal de commerce de Créteil, dans son jugement du 18 février 2014 , en conclut ainsi que : « tant pour la consultation écrite du 30 août 2012 que pour l'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2013, M. Vincent S.-B. a été régulièrement consulté et a pu faire valoir son point de vue à la Présidente de la société MAISON DE SAINT MANDE ; qu'il en résulte que ses droits à participation aux décisions extraordinaires ont été préservés ».

En l'espèce, les statuts de MSM ont expressément prévu la possibilité d'aménager la répartition du droit de vote entre usufruitier et nu-propriétaire, notamment par convention extrastatutaire. Et contrairement à ce que prétend Monsieur B., il n'existe aucune interdiction d'aménager le droit de vote dans un acte extra statutaire, dès lors que les statuts le prévoient, ce qui est le cas en l'espèce, puisque cet aménagement est contenu dans les actes de donation.

Ainsi « les statuts peuvent stipuler une autre répartition que celle prévue par les textes, mais ils doivent prévoir que dans l'hypothèse où une convention aménage différemment le droit de vote serait conclue, c'est celle-ci qui serait opposable à la société ».

Sur la portée très claire du mandat de vote conféré par les Actes de donation au profit de Monsieur B.

L'article 14 des Statuts prévoit que la répartition de leur droit de vote aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires peut être aménagée conventionnellement.

Le transfert du droit de vote du nu-propriétaire par l'usufruitier est expressément prévu par les Actes de donation au profit de Monsieur B., connus de ce dernier et de MSM : « En ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décisions collectives, le donateur et le donataire nomment en qualité de mandataire commun le donateur » .

Cette disposition vise expressément la participation aux délibérations et aux décisions collectives, de sorte qu'elle dépasse le simple droit d'être présent aux assemblées générales pour viser le droit de vote.

En effet, la définition du terme « participation » renvoie au « fait de se prononcer aux élections, de voter ». De plus, cette clause opère une distinction entre « délibérations » au sens de discussions, concertations et « décisions » au sens de « fin de la délibération dans un acte volontaire de faire ou ne pas faire une chose ». 

Maître Claude J., notaire rédacteur des actes en question, rappelle la portée de ladite clause. Il confirme la distinction entre le droit de vote et le droit « d'assister aux assemblées générales extraordinaires dans lesquelles il pouvait intervenir avec voix consultative afin d'être informé et de faire valoir son point de vue » (Pièce n°8).

Ainsi que l'a précisé très justement Monsieur B. dans son assignation : « En résumé, il est possible de déroger au droit de vote du nu-propriétaire et non à son droit de participer aux assemblées » (Pièce n°13).

Le donateur usufruitier exprime donc le vote du donataire nu-propriétaire en tant que mandataire commun.

Ce mandat répond en effet aux circonstances de la donation des parts sociales de MSM par Madame T., de son vivant, à une personne qui n'est pas une relation familiale. Cette donation d'une valeur considérable n'aurait pas été consentie si Madame T. n'avait pu conserver la possibilité de voter lors des décisions collectives de MSM, en particulier lors des décisions en assemblées générales extraordinaires. Cela fait partie, avec le testament établi par Monsieur B. en faveur de Madame T., des mesures de protection prise par cette dernière afin de sécuriser la donation.

En d'autres termes, cette clause permet à Madame T., de son vivant, de contrôler l'évolution des biens ayant fait l'objet d'une donation. C'est une mesure classique de protection patrimoniale en cas de donation, mesure qui est en l'espèce l'une « des conditions essentielles de la donation » ainsi que le rappelle Maître J. (Pièce n°8), ce dont Monsieur B. était parfaitement informé.

L'interprétation de Monsieur B., selon laquelle « le mandat du donateur ne lui permettrait que de représenter le donataire lors de la discussion précédant le vote, mais pas pour le vote lui-même » est donc nécessairement contraire tant à l'esprit des Actes de donation qu'à la volonté des parties.

Il est donc demandé à la Cour de confirmer le Jugement du Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a reconnu la possibilité légale, statutaire et conventionnelle d'organiser le droit de vote entre un nu-propriétaire et un usufruitier et que ce transfert de droit de vote était contenu dans les statuts de MSM et les actes de donations.

Sur la connaissance par MSM des Actes de donation confiant mandat de vote à Madame T.

En désespoir de cause, Monsieur B. prétend que les Actes de donation n'auraient pas été valablement notifiés à MSM et ne seraient donc pas applicables par cette dernière.

Cependant, l'article 14 des statuts est ainsi rédigé : « Cependant, les intéressés peuvent convenir de toute autre répartition du droit de vote aux consultations collectives. La convention est notifiée par lettre recommandée à la Société, qui sera tenue d'appliquer cette convention pour toute consultation collective.»

La notification de la convention par lettre recommandée est donc une simple règle de preuve et non de validité, qui n'est pas prévue à peine de nullité. A titre de comparaison, l'assemblée générale d'une société n'est pas nulle du fait que les associés n'ont pas été convoqués par lettre recommandée dès lors que les associés concernés y sont présents.

En outre, il résulte de l'article L.235-1 du Code de commerce que le non-respect des stipulations contenues dans les statuts d'une société n'est pas sanctionné par la nullité.

En effet, la nullité des actes de société est restreinte aux cas de violation impérative du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats.

Or en l'espèce, la violation alléguée par Monsieur B. ne vise qu'une disposition de l'article 14 des Statuts, qui n'est issue d'aucune disposition impérative du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats.

Il est également rappelé à toutes fins utiles que l'ensemble des associés de MSM sont parties aux actes de donation, et étaient donc bien informés du mandat de vote de sorte qu'aucun grief ne saurait donc être retenu.

En tout état de cause, les Actes de donation ont bien été remis à MSM, qui en a parfaitement connaissance et immédiatement fait application.

Aucune cause de nullité des délibérations ne saurait donc être tirée d'un non-respect des modalités d'information de MSM du mandat confié à Madame T..

Sur l'indifférence de la qualité d'associé de Madame T. dans la mesure où le débat porte sur la relation entre un usufruitier et un nu-propriétaire

Monsieur B. tente de faire accroire que l'article 18-3 des Statuts, disposant que « les associés peuvent se faire représenter aux délibérations de l'assemblée par un autre associé », ferait obstacle à la représentation de Monsieur B. par Madame T., la jurisprudence ayant reconnu au nu-propriétaire la qualité d'associé mais pas à l'usufruitier.

Les intimés répondent que :

- l'article 18.3 des statuts n'est pas applicable au cas d'espèce qui concerne non pas la répartition des droits de vote entre associés mais l'organisation des droits de vote entre un usufruitier, Madame T., et un nu-propriétaire, Monsieur B., ce dernier n'ayant pas transmis son droit de vote à Madame T. pour les 300 actions dont il est propriétaire.

- le Tribunal de commerce de Créteil a reconnu la cohérence entre l'article 18 des statuts et les actes de donation dans sa décision du 18 février 2014 en affirmant que : « Si l'article 18 des statuts de la société MAISON DE SAINT MANDE fixe le processus des décisions collectives, permettant à un associé de se faire représenter par un autre associé, il n'exclut pas pour autant qu'un associé se fasse représenter par une personne ayant reçu mandat à cet effet » (soulignement ajouté).

Enfin, si l'appelant se fonde sur une consultation d'universitaire pour affirmer qu'en l'absence de qualité d'associé de Madame T., du fait de sa qualité d'usufruitier, Monsieur B. serait l'associé unique de MSM du fait de sa qualité de nu-propriétaire et serait par conséquent dans l'impossibilité de « déléguer ses pouvoirs » en vertu de l'article L.227-9 du Code de commerce, les intimées soutiennent que l'usufruitier peut être qualifié d'associé car MSM n'est pas une société unipersonnelle.

Sur la validité des délibérations

Il est rappelé que, dans les sociétés commerciales, en vertu de l'article L.235-1, alinéa 2, du Code de commerce, la nullité d'une délibération sociale « ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats ». Et il est de jurisprudence constante que la violation d'une disposition des statuts ne constitue pas la violation d'une disposition impérative du droit des sociétés ou du droit des contrats, excepté dans le cas où cette clause statutaire serait la reprise d'une règle impérative du droit des sociétés.

Les délibérations prises en violation des règles statutaires ne peuvent donc pas être annulées et ne donneront droit qu'à des dommages-intérêts.

En l'espèce, les dispositions de l'article 14 des Statuts ne sont pas des dispositions impératives de la loi, puisqu'il est expressément prévu que l'on puisse y déroger, tout comme l'article 18.

Si la Cour devait par extraordinaire considérer que lesdits Statuts ont été violés lors des délibérations, elle déboutera en conséquence Monsieur B. de sa demande de nullité.

Sur l'absence d'abus de droit

Madame T. n'a pas porté atteinte à la substance du droit de propriété du nu-propriétaire par une prétendue méconnaissance de l'article 578 du Code civil qui dispose que « L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.'

Comme constaté par le Tribunal de commerce de Créteil dans son jugement du 18 février 2014, Madame T. a simplement respecté la répartition des votes prévue par les Statuts et les Actes de donation.

Et Madame T. souhaitait la meilleure gestion possible pour MSM, ce qui veut dire notamment permettre à MSM de faire face à ses importantes charges, d'entretenir les biens immobiliers qu'elle détient et le cas échéant d'envisager toute opération d'éventuelle croissance. A ce titre, pour obtenir des liquidités, ne doit pas être écartée par principe la possibilité de recourir à des opérations de cession immobilière.

Cette société à ce jour ne dispose d'aucun fond propre et d'aucune trésorerie (pièce n°14).

Cette absence de trésorerie explique d'ailleurs les colossales avances en compte courant faites à MSM par Madame T..

Monsieur B., comme évoqué ci-dessus, s'oppose quant à lui à toute évolution de patrimoine en espérant figer MSM jusqu'à la disparition de Madame T..

Il plaira donc à la Cour de rejeter la demande de Monsieur B. relative au prétendu abus de jouissance qu'aurait commis Madame T.. En tout état de cause, en vertu de l'article L.235-1 du Code de commerce, cet « abus de jouissance » ne peut être sanctionné par la nullité des délibérations.

Sur l'absence d'un prétendu abus de majorité commis par Madame T.

Les intimés considèrent que les conditions posées par la jurisprudence ne sont pas réunies en l'espèce, à savoir : d'une part l'atteinte à l'intérêt général de la société et d'autre part la volonté de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité.

En l'espèce, Monsieur B. ne démontre ni que Madame T. poursuivrait un intérêt purement personnel, ni que la gestion serait de nature à compromettre gravement la situation financière de la société alors que dans son jugement du 18 février 2014, le Tribunal de commerce de Créteil a ainsi très clairement reconnu que l'abus de droit n'était pas démontré :

« Mais attendu que l'abus de droit ne peut être retenu que s'il est constaté que le vote a été contraire à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser un groupe au détriment d'un autre,

Qu'il n'est pas contesté que la société MAISON DE SAINT MANDE présentait un passif important principalement constitué du compte courant créditeur de Madame Nicole T. à hauteur de 4.371.681,64 euros,

Que les opérations de restructuration immobilières envisagées étaient destinées à apurer principalement ce passif, faire baisser les charges de la société et éviter à la société MAISON DE SAINT MANDE de se trouver en situation de cessation des paiements,

Qu'il n'est donc pas prouvé, que les décisions prises étaient contraires à l'intérêt social de la société MAISON DE SAINT MANDE,

Que l'abus de droit n'est pas démontré,

Attendu enfin qu'il ne peut être reproché à Mme Nicole T., donateur de son vivant de la nue-propriété de toutes ses actions à une personne qui n'est pas une relation familiale, d'avoir voulu d'une par garder la possibilité de gérer la société dont elle est la créatrice et l'animatrice depuis l'origine en conservant les droits de vote, et d'autre part souhaiter reprendre ses liquidités placées en compte courant au sein de la société»

Monsieur B. ne démontre pas plus que ce vote aurait favorisé les membres de la majorité.

La Cour rejettera ainsi la demande de Monsieur B. visant à constater que Madame T. aurait commis un abus de droit.

En tout état de cause, en vertu de l'article L.235-1 du Code de commerce, le prétendu abus de droit ne peut être sanctionné par la nullité des Délibérations.

Sur la prétendue révocation du mandat d'intérêt commun

Monsieur B. prétend que le fait qu'il ait exprimé un vote lors de la consultation écrite du 30 août 2012 et de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2013 vaudrait révocation du mandat inclus dans les actes de donation, mandat qui ne serait pas d'intérêt commun mais un mandat simple librement révocable par le seul mandant, sans aucune condition de forme.

Or, Monsieur B. a voté à toutes les assemblées générales en sa qualité de titulaire de 300 parts en pleine propriété et le fait qu'il vote en sa qualité de propriétaire en pleine propriété de 300 parts sociales ne saurait constituer une révocation du mandat donné à l'usufruitier d'autant plus que ce mandat est d'intérêt commun.

De plus, il est de « jurisprudence constante » que la révocation d'un mandat doit être explicite et traduire une volonté claire et non-équivoque du mandant. Ainsi, aux termes de l'article 2006 du Code civil, seule la désignation d'un nouveau mandataire pour la même affaire peut faire présumer la révocation du premier mandat, et ce seulement à compter du jour où cette désignation a été notifiée au premier mandataire.

En l'espèce, les votes en cause expriment certes l'opposition de Monsieur B. aux résolutions soumises, mais n'expriment pas de manière expresse et non équivoque son souhait de mettre fin au mandat confié à Madame T..

Et un mandat d'intérêt commun ne peut être révoqué que par le consentement mutuel des parties. La Cour de cassation a ainsi jugé que le mandat « confié au même mandataire par le prêteur et l'emprunteur, dans un intérêt commun et accessoirement à un contrat avec lequel il faisait corps, ledit mandat ne pouvait être révoqué que du consentement des deux mandants parties contractantes ».

Le mandat en cause a été expressément qualifié par les parties aux actes de donation, Monsieur B. et Madame T., de mandat d'intérêt commun : « En ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décisions collectives, le DONATEUR et le DONATAIRE nomment en qualité de mandataire commun : le DONATEUR ».

Comme justement reconnu par le Tribunal de commerce de Créteil dans son jugement du 18 février 2014, Madame Nicole T. « donateur de son vivant de la nue-propriété de toutes ses actions à une personne qui n'est pas une relation familiale [a] voulu d'une part garder la possibilité de gérer la société dont elle est la créatrice et l'animatrice depuis l'origine en conservant les droits de vote » (Jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 18 février 2014, p.11).

Un intérêt commun est donc bien poursuivi par ce mandat, soit l'administration de MSM. Et ce mandat constitue expressément une charge essentielle de la donation opérée par Madame T..

Sur les prétendues violations du droit à l'information de Monsieur B.

Les intimés soulignent que Monsieur B. n'est plus, depuis longtemps, le directeur général de la société, son droit à l'information est donc celui d'un simple associé.

Ce droit à l'information est régi par l'article 19 des Statuts qui prévoit :

« Chaque associé a le droit, à toute époque, de prendre connaissance ou copie au siège social des statuts à jour de la Société ainsi que des documents ci-après concernant les trois derniers exercices sociaux :

- Liste des associés avec le nombre d'actions dont chacun d'eux est titulaire et, le cas échéant, le nombre de droits de vote attachés à des actions ;

- Les comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et l'annexe ;

- L'inventaire ;

- Les rapports et documents soumis aux associés à l'occasion des décisions collectives ;

- Les procès-verbaux des décisions collectives comportant en annexe, le cas échéant, les pouvoirs des associés représentés.

Et tout associé a également le droit d'obtenir communication des convention portant sur les opérations courantes et conclues à des conditions normales communiquées au commissaires aux comptes en application de l'article L.227-11 du Code de Commerce. »

Monsieur B. a eu communication de la totalité des documents mentionnés dans cet article, dans les temps lui permettant éventuellement de contester des décisions , prises, ce qu'il ne manque pas de faire devant la Cour d'appel ; il n'allègue donc d'aucun grief.

Sur la stratégie judiciaire employée par Monsieur B. et l'absence de tout péril et de tout préjudice personnel de ce dernier

Monsieur B., associé d'une société par actions, en cette seule qualité, ne dispose d'aucune créance sur la société, d'aucune sorte, encore moins une créance sur les actifs immobiliers de la société ni sur un hypothétique et futur boni de liquidation.

Monsieur B. soutient que la cession de tout ou partie des actifs est contraire à l'intérêt social, que le patrimoine immobilier risquerait d'être bradé à vil prix et que cela lui causerait préjudice. Or, un associé ne peut exercer une action en réparation que d'un préjudice personnel distinct de celui causé à la personne morale. Ainsi, l'éventuel amoindrissement du patrimoine social ne peut constituer le préjudice subi personnellement par l'associé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser les dépens et frais irrépétibles à la charge de Madame T. et de MSM, lesquelles supportent les conséquences du cynisme de Monsieur B.. La Cour condamnera donc Monsieur B. à payer à MSM et à Madame T. la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

La cour rappelle en premier lieu que :

1 - A l'issue de la donation, la répartition des parts est la suivante :

< Monsieur B.: o 300 actions en pleine propriété et 4.450 actions en nue-propriété ;

< Madame T. : o 4.450 actions en usufruit.

2 - Mme T. a mis en place dans le cadre des donations un double mécanisme de protection lui permettant de sécuriser le patrimoine, objet de la donation, et surtout la possibilité de continuer à gérer MSM en toute liberté ;

< un testament établi par Monsieur B. par lequel toutes les actions, détenues en pleine ou nue-propriété, revenaient à Madame T. en cas de décès prématuré de Monsieur B. (pièce n°9) ;

< un mandat d'intérêt commun donné par Monsieur B., en qualité de nu-propriétaire, à Madame T., en qualité d'usufruitier, afin que cette dernière puisse voter et ainsi prendre toutes décisions (de gestion courante et de disposition) au sein de MSM.

3 - Le 17 septembre 2010, la société MSM à l'époque représentée par son président et par son directeur général, soit Monsieur B., a conclu avec la société P. Asset Management un contrat de programmation immobilière et de maîtrise d'ouvrage délégué (pièce n°10).

Dans ce contrat était exprimé que MSM « souhaiterait mettre en valeur son patrimoine dont il entend conserver la propriété pour l'essentiel dans le cadre d'une opération de démolition, reconstruction et / ou restructuration des existants ».

La mission confiée était une étude des possibles au regard des contraintes, notamment financières. Devait à ce titre notamment être analysé : le « régime juridique envisagé afin d'assurer l'équilibre économique de l'opération d'ensemble : vente d'assiettes financières de droits à construire à des tiers en vue de la réalisation notamment de programmes sociaux conformément à la volonté exprimé par la mairie » (pièce n°10).

Il ressort de ce qui précède que, dès le début de la réflexion sur la restructuration de l'actif de MSM, étaient envisagées, en accord avec Monsieur B., des cessions d'actifs à des tiers.

En outre, par avenant au contrat de programmation immobilière et d'assistance à maîtrise d'ouvrage, en date du 09 mai 2011, signé par Madame T. et Monsieur B., la réflexion s'était précisée, sans être définitive pour autant :

' [...] : cessions des droits à construire existant sur la [...] selon un schéma maximisant la SHON constructible ;

' [...] : ce patrimoine est à construire et destiné à être conservé par MSM.

Le principe de cessions immobilières était donc connu et accepté de tous à l'époque, afin principalement de financer la construction d'une nouvelle clinique [...], de faire face aux dépenses courantes de MSM et de la désendetter à l'égard des créanciers.

Et lors de l'assemblée générale ordinaire en date du 30 juin 2011, Monsieur B. a voté la résolution n°3 intitulée « Approbation du principe de la restructuration immobilière de la société », dont la rédaction est la suivante : « les associés ayant pris connaissance du rapport du président déclarent être parfaitement informés, pour les avoir suivies au quotidien, des réflexions portant sur la restructuration immobilière de la Société et adoptent les objectifs et les préconisations faites dans le rapport du Président » (pièce n°12).

4 - L'article 14 des statuts, dispose que : « Sauf convention contraire notifiée à la Société, les usufruitiers représentent valablement les nus propriétaires ; toutefois, le droit de vote appartient à l'usufruitier pour les délibérations concernant les décisions collectives ordinaires et au nu-propriétaire pour les délibérations concernant les décisions collectives extraordinaires. Cependant, les intéressés peuvent convenir de toute autre répartition du droit de vote aux consultations collectives. La convention est notifiée par lettre recommandée à la société, qui sera tenue d'appliquer cette convention pour toute consultation collective. Toutefois, dans tous les cas, le nu-propriétaire a le droit de participer aux consultations collectives.»

Il est donc expressément prévu par les Statuts que les nus propriétaires sont représentés par les usufruitiers et que la répartition de leur droit de vote aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires peut être aménagée conventionnellement.

5 - le mandat est prévu par les statuts de la SAS MSM et par les actes de donation par lesquels Monsieur B. a reçu les 4450 parts sociales en nue-propriété.

1 - sur la compétence

La cour observe que Mme T. a été assignée en qualité d'usufruitière et de présidente de la SAS MSM et confirmera donc le jugement sur ce point.

2 - sur les sursis à statuer

La cour retient effectivement que l'article 4 du code de procédure pénale n'impose pas le sursis à statuer sur une plainte pénale en cours, d'autant que celle-ci est relative à des abus de biens sociaux n'intéressant pas la cause et des abus de faiblesse dont il est possible de considérer que les décisions prises par la « victime » dans le cadre de la présente procédure démontre qu'elle disposait de l'ensemble de ses facultés pour réagir aux comportements allégués de son « agresseur ».

Quant à la révocation des actes de donation, il s'agit d'une action qui paraît à la cour contraire à la stratégie choisie par Mme T. dans le cadre de la présente instance puisqu'elle invoque et la donation et le mandat d'intérêt commun qui lui est attaché pour défendre son point de vue.

3 - Sur la portée des actes de donation et le statut d'associé de Mme T.

Par actes de donation établis devant Notaire, les 9 juin 2010 et 2 mai 2011, Madame Nicole T. a donné à Monsieur Vincent S. B. la propriété de 300 actions et la nue-propriété conditionnelle de 4 450 actions de la Société MAISON DE SAINT MANDE, se réservant l'usufruit.

L'article 578 du code civil énonce que l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre est propriétaire, comme le propriétaire lui-même mais à la charge d'en conserver la substance. Et le droit d'user de la chose et donc d'en percevoir les fruits emporte le droit de voter les décisions , droit inhérent à la qualité d'associé. Et si l'article 578 précité interdit de modifier la destination de la chose, il n'est pas démontré que Madame T. l'a fait dès lors que :

- il lui est seulement imputé de vouloir le faire,

- tout ce qui n'est pas « fruits » retirés des titres sociaux appartient au nu-propriétaire, donc le boni de liquidation.

Enfin, la cour ne peut que relever que Monsieur B. qui n'a fait aucun apport dans la société, ni en capital, ni en industrie, ni même en travail, ne met en cause que le statut d'associé de Mme T. alors que la perte de ce statut implique la perte du mandat social de présidente de la SAS .

4 - Sur le mandat de Mme T. et le droit de vote de Monsieur B.

La cour observe que l'article 1835 du code civil invoqué par l'appelant est relatif aux statuts des sociétés mais concerne les apports, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social et le capital ainsi que la durée de la société et les modalités de son fonctionnement et ne parle pas des droits de vote.

Quant à l'article 1836 le suivant, il concerne les conditions de modification des statuts et donc de ces questions.

Autrement dit, les statuts sont libres de décider que le droit de vote sera dévolu à l'usufruitier en cas de démembrement de parts sociales, sauf à réserver le droit pour le nu-propriétaire d'être convoqué à l'assemblée générale et de s'y exprimer, ce qui est le cas puisque Monsieur B. s'est exprimé au titre des actions détenues en pleine propriété.

En l'occurrence, un mandat d'intérêt commun a bien été donné par Monsieur B., en qualité de nu-propriétaire, à Madame T., en qualité d'usufruitière, afin que cette dernière puisse voter et ainsi prendre toutes décisions (de gestion courante et de disposition) au sein de MSM.

Il y a en effet 'un intérêt commun lorsque le mandataire, comme le mandant, ont un intérêt personnel à mener à bonne fin la mission dont il est investi, parce qu'il s'agit de l'administration d'un bien sur lequel, mandataire et mandant ont l'un et l'autre des droits directs et qui, en ce sens, est leur chose commune'.

Le premier juge a donc dit avec raison qu'en ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décisions collectives, le donateur et le donataire convenaient de nommer en qualité de mandataire commun le donateur.

Et le mandat était prévu par les statuts de la SAS MSM en son article 14. Certes, la notification du mandat dans les formes prévues à la société n'est pas rapportée mais le non respect de cette formalité contractuelle ne saurait entraîner la nullité du mandat d'intérêt commun signé par les mêmes parties qui était la contrepartie de l'avantage exclusif accordé par le donateur au donataire et assurait sa protection contre l'éventuel abus de majorité de ce dernier.

Et si l'article 18 des statuts de la Société MAISON DE SAINT MANDE fixe le processus des décisions collectives permettant à un associé de se faire représenter par un autre associé, il n'exclut pas pour autant qu'un associé se fasse représenter par une personne ayant reçu mandat à cet effet (jugement attaqué), ce qui sous-entend la participation au vote.

Il en résulte que Madame Nicole T. est bien titulaire du droit de vote en lieu et place de Monsieur Vincent S. B. en ce qui concerne les décisions ordinaires et extraordinaires et que les procès-verbaux de la consultation écrite du 30 août 2012 et de l'Assemblée Générale extraordinaire de la MAISON DE SAINT MANDE du 30 juillet 2013, sont réguliers.

La cour considère enfin que le donataire ne peut invoquer la révocation du mandat dès lors que :

- la jurisprudence atténue la règle de libre révocabilité du mandat lorsque celui-ci est d'intérêt commun, c'est-à-dire lorsqu'il est consenti aussi bien dans l'intérêt du mandant que du mandataire et que la révocation n'est pas fondée sur une cause légitime mais une différence de point de vue sur l'intérêt social,

- elle est indirecte en ce qu'elle résulterait des actes accomplis par le mandant.

5 - sur les dommages et intérêts réclamés par Monsieur B. à Mme T.

La cour considère qu'il n'est nullement démontré au regard des éléments exposés que Mme T. a porté atteinte à la substance du droit de propriété de Monsieur B., ce qui vide la demande d'intérêt.

La demande démontre à l'inverse que Monsieur B. assimile son intérêt avec celui de la société MSM alors même que :

- Mme T. démontre l'urgence à restructurer son actif et que Monsieur B. en a accepté clairement le principe,

- Monsieur B. qui n'a rien apporté à la société mais en a profité, agit pour tenter de bénéficier de l'actif social en favorisant une querelle d'associés paralysant le fonctionnement de l'entité.

6 - sur les frais irrépétibles et les dépens

Il sera fait droit aux seules demandes des intimées et les dépens seront mis à la charge de l'appelant.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce de CRETEIL en date du 18 février 2014 en toutes ses dispositions,

Condamne Monsieur Vincent S.-B. au paiement de la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à Madame Nicole T. d'une part et à la SAS Maison de Saint Mandé d'autre part,

Condamne Monsieur Vincent S.-B. aux entiers dépens.