CA Angers, ch. com., 23 novembre 2010, n° 10/01645
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Bravin
Défendeur :
AP Technic (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vallée
Conseillers :
Mme Rauline, Mme Schutz
Avocats :
Me Geremy, Me Prieto
Suite à une ordonnance de référé du 13 novembre 2008 rendue par le président du tribunal de commerce de Saumur, constatant l'existence de contestations sérieuses, Monsieur Philippe Bravin a, par acte du 12 janvier 2009, assigné la SAS AP Technic devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins d'annulation de l'ensemble des résolutions de l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2008 et de condamnation de la SAS AP Technic à une indemnité de procédure.
Par jugement du 2 juin 2010, le tribunal de commerce d'Angers s'est déclaré incompétent au profit du tribunal arbitral.
Le 14 juin 2010, Monsieur Bravin a formé contredit auprès du greffe du tribunal de commerce d'Angers.
LA COUR
Vu les conclusions de contredit du 14 juin 2010 aux termes desquelles Monsieur Bravin demande à la cour de recevoir son contredit et, le disant bien fondé, au visa des articles 6, 1884, 2060 et 2061 du code civil et 80 et suivants du code de procédure civile, dire et juger que le tribunal de commerce d'Angers est compétent pour connaître de l'entier litige l'opposant à la société AP Technic ;
Vu les conclusions du 6 octobre 2010 aux termes desquelles la société AP Technic demande à la cour, avec une indemnité de procédure, au visa des articles 2060 du code civil, 1458 du code de procédure civile, de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire au fond devant le tribunal arbitral ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l'appui de son contredit, Monsieur Bravin fait valoir qu'il est recevable, le tribunal de commerce n'ayant pas statué sur le fond du litige ; que l'article 2060 du code civil prévoit notamment qu'on ne peut compromettre dans les matières qui intéressent l'ordre public, rejoignant l'article 6 du même code qui précise qu'on ne peut déroger à l'ordre public par des conventions particulières ; qu'aux termes de l'article 1844 du code civil les statuts ne peuvent déroger au droit de participation aux décisions collectives et au droit de vote qui sont des matières qui intéressent l'ordre public ; qu'aux termes des articles 2060 et 2061 du code civil, la clause compromissoire introduite dans les statuts de la société AP Technic est inapplicable au litige en cours.
En défense au contredit, la société AP Technic soutient au contraire que Monsieur Bravin fait une application erronée de l'article 2060 du code civil qui ne signifie nullement que l'arbitrage serait inapplicable quand un litige touche une question d'ordre public qu'il appartient à l'arbitre de trancher dans la limite de la clause compromissoire.
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Les statuts de la SAS AP Technic comportent une clause aux termes de laquelle 'toutes contestations qui pourront s'élever pendant le cours de la société ou de sa liquidation, soit entre actionnaires, soit entre la société et les actionnaires eux-mêmes, concernant l'interprétation ou l'exécution des présents statuts, ou généralement au sujet des affaires sociales, seront soumises à l'arbitrage'.
Monsieur Bravin demande l'annulation des résolutions de l'assemblée générale du 30 juin 2008 au motif qu'il a constaté un certain nombre d'irrégularités portant sur le non respect de l'ordre du jour, le non respect de son vote et le non respect du devoir d'information de l'assemblée générale.
Il n'est pas discuté qu'aux termes de l'article 1844 du code civil le droit de vote de l'associé qui a le droit de participer aux décisions collectives et de voter est d'ordre public et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions.
L'article 2060 du code civil interdit notamment de compromettre sur les matières qui intéressent l'ordre public. Cependant cette règle ne proscrit pas pour autant le recours à l'arbitrage, la jurisprudence ayant admis de longue date que l'existence d'une réglementation d'ordre public applicable au rapport contractuel soumis à l'arbitre n'étant pas en elle-même suffisante pour entraîner la nullité du compromis et pour interdire l'arbitrage à l'espèce.
La règle de l'article 2060 du code de procédure civile signifie que la convention n'est nulle que lorsque l'ordre public a été violé mais non par ça seulement que le litige touche à des questions d'ordre public. La jurisprudence
repose sur l'idée que l'interdiction de compromettre dans les matières d'ordre public ne signifie pas que tout litige relatif à une convention ou une opération
soumise à certains égards à une réglementation présentant un caractère d'ordre public se trouverait de ce fait soustrait à l'arbitrage.
Il s'ensuit qu'un arbitre peut avoir à connaître dans le cadre d'un litige de l'existence d'une réglementation d'ordre public, qu'il ne peut aller à son encontre mais qu'il se doit au contraire de l'appliquer en tirant les conséquences civiles d'un comportement qu'il juge ainsi illicite.
En conséquence de ce qui précède le contredit doit être déclaré mal fondé et la décision du tribunal de commerce sera confirmée.
Aucun critère d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Bravin doit les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Reçoit le contredit mais le déclare non fondé,
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Bravin aux dépens.