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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 octobre 2018, n° 16/08482

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

IMATION EUROPE BV (Sté)

Défendeur :

SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVEE AUDIOVISUELLE ET SONORE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. PEYRON

Conseiller :

M. THOMAS

TGI Paris, du 8 avr. 2016

8 avril 2016

La Cour rappelle qu'IMATION EUROPE BV, société de droit néerlandais spécialisée dans les produits de stockage optique, qui vient aux droits de la société française IMATION FRANCE commercialisant des CD et DVD en France, est à ce titre assujettie au paiement de la rémunération pour copie privée auprès de COPIE FRANCE, société civile créée par les ayants-droit de cette rémunération, et qui exerce pour leur compte sa perception puis sa répartition entre eux ;

Qu'à compter du mois de février 2011, motif pris de l'arrêt PADAWAN de la CJUE du 21 octobre 2010, selon elle mettant en cause la validité du système français de la rémunération pour copie privée, elle a suspendu le versement des montants appelés par COPIE FRANCE, tout en continuant à effectuer des déclarations 'pour information' ;

Qu'elle entend depuis effectuer elle-même une compensation entre, d'une part, les montants de rémunération pour copie privée 'appelés' par la société COPIE FRANCE en raison des ventes qu'elle effectue au titre de son 'canal consommateur' - c'est à dire concernant des produits vendus qui ont pour clientèle finale les particuliers - pour lesquels elle admet que la rémunération pour copie privée n'est pas discutée et, d'autre part, les montants qu'elle prétend avoir indûment versés à la société COPIE FRANCE au titre de son 'canal commercial', c'est à dire des ventes destinées à une clientèle professionnelle constituée par des personnes morales, pour lequel il n'y a pas d'usage aux fins de copie privée, et ce depuis le 23 décembre 2002 (date butoir de transposition de la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001) ;

Que le 20 décembre 2012, elle a fait assigner la société COPIE FRANCE, d'une part, en paiement de la somme de 13 500 255 € à titre de dommages et intérêts, en raison de son absence d'initiative pour avoir traité les distorsions sur le marché et assuré une action efficace sur l'information du public français ; d'autre part, en répétition de la somme de 40 279 837 € selon elle indûment versée depuis le 22 décembre 2002 au titre de la rémunération pour copie privée ;

Que la société COPIE FRANCE s'est elle même portée demanderesse reconventionnelle en paiement des sommes dues depuis le mois de février 2011 au titre de la rémunération pour copie privée ;

Que c'est dans ces circonstances que la société IMATION EUROPE BV a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 8 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

REJETÉ les demandes de la société IMATION EUROPE BV au titre de la responsabilité civile ;
DIT n'y avoir lieu à saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de questions préjudicielles ;
REJETÉ en conséquence la demande tendant à surseoir à statuer jusqu'à la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne ;
REJETÉ les demandes de la société IMATION EUROPE BV au titre de la répétition de l'indu ;
CONDAMNÉ la société IMATION EUROPE BV à payer à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE SONORE au titre de la rémunération pour copie privée :
 
o la somme de 3.527.586,81 euros, fondée sur les décisions n°1, n°4 et n°11 de la commission de la copie privée, pour la période comprise entre février 2011 et novembre 2011 ;
o la somme de 643.925,44 euros fondée sur les décisions n°1 et 4 de la Commission pour copie privée au titre des cassettes audio, cassettes VHS vidéo, mini discs et disquettes MFD mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 juin 2015 ;
o la somme de 3.615.697,19 euros fondée sur les dispositions de l'article 6-I de la loi du 20 décembre 2011 au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 23 décembre 2011 au 31 décembre 2012 ;
o la somme de 6.323.191,14 euros fondée sur la décision n°15 de la Commission de la copie privée au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015 ;

soit la somme globale de 14.110.400,58 euros assortie à compter du prononcé du jugement des intérêts au taux légal ;

REJETÉ le surplus des demandes ;
CONDAMNÉ la société IMATION EUROPE BV aux dépens ;
CONDAMNÉ la société IMATION EUROPE BV à payer une somme de 50.000 euros à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE SONORE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu a l'exécution provisoire de la présente décision ;

Que dans ses dernières conclusions (n°7) en date du 18 juin 2018 la société IMATION EUROPE BV demande à la Cour de :

INFIRMER en la totalité de ses dispositions le jugement rendu le 8 avril 2016 par la 3ème chambre, 3ème section du Tribunal de Grande Instance de Paris ;

Et, statuant à nouveau :

DÉCLARER la société Imation Europe (venant aux droits d'Imation France) recevable et bien

fondée en son action,

Au principal,

1/ Sur les demandes fondées sur la responsabilité civile,

CONSTATER les différents manquements de la société Copie France (notamment en ce qu'elle

succède aux droits et obligations de SORECOP) :

à sa responsabilité de droit commun, qui consiste à exécuter l'objet social de perception homogène pour lequel elles ont été créées,
à sa responsabilité 'particulière' découlant du monopole confié et qui l'invitait à s'abstenir par son comportement d'éliminer, de restreindre ou de fausser la concurrence, Cette responsabilité particulière lui rend notamment imputable l'absence d'initiative pour traiter les distorsions sur le marché ou d'avoir assuré une action efficace sur l'information du public français.

CONDAMNER la société Copie France à payer à la société Imation Europe la somme de 13.500.255,00 euros, sauf à parfaire, au titre des préjudices commerciaux, financiers et d'image subis,

A défaut, si la Cour estimait le quantum difficile à établir, DESIGNER UN EXPERT dans le cadre d'un arrêt avant dire droit, aux frais avancés de Copie France, pour estimer le montants des dommages-intérêts dus par la société Copie France au titre des préjudices commerciaux, financiers et d'image subis par Imation Europe,

ET

2/ Sur les demandes en répétition de l'indûment perçu,

In limine litis pour le cas où La Cour l'estimerait nécessaire,

SAISIR la Cour de justice de l'Union Européenne des questions préjudicielles suivantes :

1°. « Un Etat membre peut-il prévoir une obligation de paiement de l'indemnisation de copie privée au sens de l'article 5-2 b) de la directive n°2001/29, pour un achat réalisé par une personne appartenant au canal commercial direct ' »

2°. « Un système qui n'exonère pas le « canal commercial direct » et qui conditionne le droit au remboursement d'un acquéreur personne morale professionnel à la réunion préalable de 5 éléments documentaires, - dont un acte de règlement intérieur non imposé par la loi et un document comptable tardivement entré en vigueur - et qui, de surcroît, n'impose aucun délai de restitution à l'organisme percepteur de l'avance, est-il compatible avec la directive et son système de remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile l'exercice dudit droit au remboursement qu'il proclame ' ».

3°. « Un système qui ne prévoit pas distinctement le droit au remboursement d'un acquéreur personne physique n'effectuant pas d'usage de copie privée est-il compatible avec le droit au remboursement proclamé dans la directive ' ».

4°. « Le droit de l'Union autorise-t-il une juridiction nationale à limiter la portée d'un constat de violation du droit de l'Union aux seules situations acquises à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa notification, et ce alors même que la violation est constatée sur le fondement d'une interprétation donnée par la Cour de justice elle-même dans un arrêt dont elle n'a pas limité la portée '

Notamment, le juge national peut-il faire usage d'un tel pouvoir alors qu'il n'a pas démontré de manière circonstanciée l'absence de doute raisonnable quant au respect des critères dégagés par la Cour de justice dans l'arrêt Inter-Environnement Wallonie (C-41/11) ' »

5°. « Est-il conforme aux limites propres au principe d'autonomie procédurale des États membres, et en particulier au principe d'effectivité du droit européen, qu'un justiciable soit empêché d'invoquer la contrariété d'un texte de droit national avec le droit de l'Union par voie d'exception, cet empêchement étant supposé découler d'une décision d'un autre ordre de juridiction qui, bien qu'il ait reconnu sans ambiguïté l'illégalité de la décision, a néanmoins décidé, à titre tout à fait exceptionnel et sans fondement textuel, de limiter la portée de sa décision d'un point de vue temporel et personnel ' ».

6°.« L'article 5-2 (b) de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 peut-il être invoqué par une personne privée contre un organisme de gestion de droits d'auteur redevances de copie privée, alors que (i) le principe de la redevance a été prévu par le législateur, (ii) ledit organisme dispose d'un monopole pour percevoir la redevance et la répartir ; (iii) il perçoit et répartit cette redevance entre les ayants droit selon des clés de répartition fixées par la loi; (iv) il est soumis au contrôle et à la surveillance du ministre de la culture, du Parlement et d'une commission permanente entièrement composée de représentants de l'Etat, (v) le non-paiement des redevances à l'organisme en cause est pénalement sanctionné, et (vi) les agents assermentés de cet organisme ont le pouvoir de dresser des constats permettant d'établir la matérialité d'une infraction tenant au non-paiement de la redevance ' ».

EN CONSÉQUENCE, surseoir à statuer jusqu'à la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne,

Si la Cour ne l'estime pas nécessaire,

CONSTATER le caractère indu des paiements exigés de la société Imation pour ses ventes de supports vierges à des personnes morales depuis le 22 décembre 2002 ;

CONDAMNER la société Copie France à rembourser la somme de 40.279.837,00 € indûment versée par Imation Europe (venant aux droits d'Imation France) et autoriser Imation Europe à récupérer auprès de Copie France, mandataire des bénéficiaires, sur les montants à répartir.

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société Copie France à verser la somme de 140.000 euros à la société Imation Europe au titre de l'article 700 du CPC,

CONDAMNER la société Copie France en tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP

R.-B.-M., en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Que dans ses dernières conclusions (n°6) en date du 26 juin 2018 , la société COPIE FRANCE demande à la Cour de :

Recevoir la société COPIE FRANCE en ses prétentions et l'y déclarer bien fondée,
Confirmer le Jugement rendu le 8 avril 2016 par la 3ème Chambre ' 3ème Section du Tribunal de Grande Instance de Paris ,

En conséquence :

1/ Sur les demandes fondées sur la responsabilité civile :

Déclarer la société IMATION EUROPE BV irrecevable et mal fondée en ses prétentions,
En conséquence, débouter la société IMATION EUROPE BV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

2 / Sur la répétition de l'indu :

Déclarer la société IMATION EUROPE BV irrecevable et mal fondée en son action en répétition de l'indu,
Débouter la société IMATION EUROPE BV de sa demande de remboursement et plus généralement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

3/ Sur la demande reconventionnelle de la société COPIE FRANCE :

Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 3.527.586,81 € HT, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal, correspondant à la rémunération pour copie privée éludée à son préjudice pour sa période d'activité allant du mois février 2011 au mois de novembre 2011,
Donner acte à la société COPIE FRANCE qu'elle réserve l'ensemble de ses droits au titre des rémunérations pour copie privée dues par la société IMATION EUROPE BV pour la période allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 sur le fondement de la décision n°13 annulée par le Conseil d'Etat selon arrêt du 25 juin 2014,
Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 11.368.777,06 € HT, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal, correspondant à la rémunération pour copie privée éludée à son préjudice pour sa période d'activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,
Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 150.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société IMATION EUROPE BV aux entiers dépens.

Que l'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2018 ;

SUR CE

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

I - Sur les demandes en répétition de l'indu

Considérant que la société IMATION EUROPE BV, qui soutient avoir, depuis le 23 décembre 2002, versé indûment une somme de 40 279 837 € au titre de la rémunération pour copie privée, en demande la restitution à la société COPIE FRANCE, outre, s'il était nécessaire, la saisine de la Cour de Justice de l'Union Européenne de questions préjudicielles ; que pour l'en débouter, le tribunal, après avoir procédé à un rappel des faits et à un exposé des prétentions des parties, auxquels il est expressément référé, a notamment considéré :

- Sur les demandes de répétition de l'indu au titre des décisions n°1, 2, 5 et 15 de la Commission de la copie privée (non annulées par le Conseil d'État) :

qu'à l'appui de sa demande en répétition de l'indu la société IMATION demande d'écarter l'application des normes de droit interne que sont les décisions de la Commission de la copie privée sur la base desquelles elle a réglé ou aurait dû régler des sommes appelées par COPIE FRANCE au titre de la copie privée, au motif qu'elles seraient contraires à la directive 2001/29/CE ; qu'en faisant application directe des principes édictés par la directive en son article 5 2 b) ou à tout le moins en constatant l'absence de base légale des demandes en paiement, elle demande que les paiements soient déclarés indus ;
que cependant, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne est constante sur le fait qu'une directive ne peut être invoquée dans une instance à l'encontre d'une norme de transposition insatisfaisante ou en l'absence de transposition que dans un litige dans lequel un particulier l'invoque pour faire valoir ses droits à l'encontre de l'Etat, dans un effet couramment appelé vertical par la doctrine ; que dans l'arrêt FOSTER du 12 juillet 1990, la Cour de Justice a étendu cette possibilité à un litige concernant 'un organisme, qui quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers' ; qu'en revanche, la directive ne créant pas directement d'obligations dans le chef des particuliers, qu'ils soient personnes physiques ou morales, elle ne peut être invoquée, dans un effet dit 'horizontal', dans le cadre d'une instance opposant des particuliers entre eux ;
que par ailleurs le principe de primauté du droit communautaire, régulièrement rappelé par la Cour de Justice, s'il commande au juge de faire une interprétation des textes nationaux applicables conformes à la directive, ne permet pas au juge dans un litige entre particuliers d'écarter la norme nationale au motif qu'elle serait contraire à la directive ;
qu'il résulte de ces éléments que la société IMATION EUROPE ne pourrait invoquer l'incompatibilité des décisions n° 1, 2, 5 et 15 avec la directive 2001/29/CE que si COPIE FRANCE présentait les caractéristiques d'un organisme étatique énoncées dans l'arrêt FOSTER du 12 juillet 1990 de la Cour de Justice, étant précisé que les données de la question sont différentes pour les décisions 7 et 11 qui ont fait l'objet d'une annulation par le Conseil d'Etat ;
que toutefois, la société COPIE FRANCE est une société civile dont l'objet principal est de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu'elle est ainsi en charge d'intérêts certes collectifs mais qui demeurent particuliers sans être d'intérêt général ou correspondre à une mission de service public ; qu'elle est constituée par les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes qui représentent les intérêts des ayants-droit ; que l'existence d'un cadre légal de la rémunération pour copie privée, avec notamment l'existence d'une sanction pénale en cas de non paiement, comme il en existe pour de nombreuses activités économiques ou sociales, ne suffit pas à conférer à COPIE FRANCE qui constitue un acteur de ce régime dont la situation de monopole résulte de la décision des ayants-droit et non de la loi ou d'une décision de l'Etat, un statut assimilable à un organisme étatique ou para-étatique ; que par ailleurs la loi prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des

artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, sont des sociétés civiles soumises en conséquence à ce régime de droit commun ; que si elles font l'objet d'obligations particulières vis à vis de l'Etat pour garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement, elles ne sont pas placées pour autant sous la tutelle de celui-ci ; que l'Etat ne fait pas partie des associés et n'est pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions ; qu'enfin s'il peut agir contre COPIE FRANCE s'il estime que des illégalités sont commises, ce n'est que par le recours à des actions en justice ; que la part de 25% des rémunérations qui est affectée à 'des actions d'aide à la création à la diffusion du

spectacle vivant et à des actions de formation des artistes' s'analyse comme une modalité des compensation de l'exception de copie privée au bénéfice des ayants droits, de sorte que si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d'intérêt général menées par l'Etat, elle présente une nature différente et ne s'assimile pas à celles-ci ; qu'au demeurant l'utilisation de ces sommes relève des décisions de COPIE FRANCE et non de l'Etat ; qu'enfin les agents assermentés prévus par l'article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle, établissent certes des constats pouvant prouver la matérialité de l'infraction de non paiement de la rémunération pour copie privée mais ne disposent d'aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir ; qu'au demeurant COPIE FRANCE ne dispose d'aucun pouvoir dérogatoire pour faire valoir ses droits et est soumise aux dispositions du droit commun pour saisir la justice que ce soit devant les juridictions pénales ou civiles ;

qu'ainsi au total, COPIE FRANCE n'exerce pas de mission ou de service d'intérêt général mais agit pour le compte d'intérêts privés regroupés collectivement ; que dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle est autonome de l'Etat et ne dispose pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun ; qu'en conséquence, l'existence d'un contrôle de l'Etat par la voie d'informations obligatoires ou la capacité du Ministre de la culture d'engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions, ne suffisent pas à caractériser une emprise de l'Etat telle qu'elle justifierait que COPIE FRANCE soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive européenne ;
qu'aussi, la société IMATION EUROPE n'étant pas en droit d'invoquer la directive 2001/29/CE dans le litige l'opposant à COPIE FRANCE, ses demandes de répétition de l'indu fondées sur l'incompatibilités des décisions n°1, 2, 5 et 15 de la Commission de la copie privée avec cette directive seront rejetées ;

- Sur les demandes de répétition de l'indu au titre des décisions n° 7 et 11 de la Commission de la copie privée (annulées par le Conseil d'État) :

que la société IMATION EUROPE soutient que l'annulation des décisions n° 7 et n°11 de la Commission de la copie privée par les deux arrêts du Conseil d'Etat respectivement du 11 juillet 2008 et du 17 juin 2014, lesquels ont certes annulé les décisions mais en différant les effets de l'annulation, et ont eu pour conséquence de valider leur contenu pour la période antérieure, implique que ces décisions ne leur sont pas opposables de sorte que les sommes à payer au titre de la rémunération de la copie privée par COPIE FRANCE fondées sur ces décisions ne sont pas dues lorsqu'elle portent sur la vente de supports à des sociétés commerciales qui ne revendent pas, et doivent lorsqu'elle les a payées lui être restituées sur le fondement de la répétition de l'indu ; qu'elle fait valoir que la mesure reportant l'effet de l'annulation à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification de la décision, destinée à permettre d'adopter de nouvelles décisions conformes à la directive se substituant à la décision annulée ne pourrait lui être opposée dans la mesure ou elle n'aurait pas d'effet erga omnes ;
que toutefois il est constant que les décisions du conseil d'Etat prononçant l'annulation d'un acte administratif ont une portée générale ; que les modalités des conséquences de l'annulation sont consubstantielles à la décision d'annulation et ne sauraient par conséquent être séparées pour leur appliquer un régime distinct leur conférant une portée moindre ; qu'ayant autorité de la chose jugée, ces décisions s'imposent au tribunal qui n'a pas le pouvoir, comme la société IMATION EUROPE le prétend, d'apprécier la conformité de ces décisions au droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de Justice pour le cas échéant écarter leur application ; qu'il n'apparaît pas en effet que le principe de primauté du droit de l'Union doive prévaloir sur le principe d'autorité de la chose jugée lequel est indispensable à la sécurité juridique et à la confiance des justiciables en celle-ci ; qu'en conséquence les arrêts précités s'appliquent à la société IMATION-EUROPE y compris en ce qui concerne les effets différés des annulations ;
que par ailleurs si les arrêts précités prévoient le report des effets de l'annulation sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'arrêt contre des actes pris sur le fondement des décisions annulées, la société IMATION EUROPE ne peut se prévaloir de cette réserve puisqu'elle a fait assigner COPIE FRANCE le 20 décembre 2012, soit postérieurement aux arrêts précités ; que la circonstance qu'un syndicat professionnel dont elle est adhérente se soit joint au recours en annulation contre la décision n°11 ne lui permet pas plus d'échapper à l'effet différé de l'annulation dans la mesure où ce syndicat ne défend que les intérêts collectifs des adhérents et non les intérêts particuliers d'IMATION EUROPE ; que cette dernière n'est pas plus fondée à invoquer pour faire écarter l'application de ces arrêts, que ceux-ci aboutiraient, en violation du droit de l'Union européenne, à la priver d'un recours juridictionnel effectif pour faire appliquer ce droit, puisque la faculté d'exercer un recours lui était ouverte mais qu'elle l'a exercé tardivement ;
qu'il s'ensuit que les décisions n°7 et 11, pour les périodes comprises entre leur entrée en vigueur et jusqu'à la date à laquelle leur annulation porte effet en vertu des décisions du Conseil d'Etat ou la date à laquelle une décision ultérieure leur a été substituée, soit pour la décision n°7 jusqu'au 31 décembre 2008 (la décision n°11 se substituant à compter du 1er janvier 2009) et pour la décision n°11 jusqu'au 22 décembre 2011 (la loi du 21 décembre 2011 entrant en vigueur le 23 décembre 2011), sont applicables et opposables à la société IMATION EUROPE ; que dès lors, elle ne peut se prévaloir pour les périodes concernées de la nullité des décisions pour solliciter la répétition des sommes appelées par COPIE FRANCE en application de ces décisions ;
qu'aussi, sans qu'il apparaisse utile de saisir la Cour de Justice des questions préjudicielles sollicitées par la demanderesse, il y a lieu de rejeter l'intégralité des demandes au titre de la répétition de l'indu ;

Considérant que dans ses dernières conclusions, la société COPIE FRANCE demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ; que reprenant son argumentation de première instance, elle soutient en outre que la société IMATION, qui répercute le coût de ses redevances sur les utilisateurs privés, ne pourrait revendiquer la qualité de solvens, et, partant, ne serait pas fondée, faute d'appauvrissement, en son action en revendication de l'indu ;

Que dans ses dernières conclusions, la société IMATION EUROPE BV, qui reprend intégralement son argumentation de première instance, soutient qu'elle a intérêt à agir dès lors qu'en présence de paiement non dû du fait de l'absence de fondement légal des versements, il suffit de démontrer le flux passé indûment d'un patrimoine à l'autre ; que le dispositif français est manifestement contraire à l'interprétation que donne la Cour de Justice (qui doit être appliquée à tout rapport juridique même né antérieurement, rappelle la Cour) en ce qu'il ne prévoit pas d'exonération ex ante du canal commercial direct ; que depuis le 22 décembre 2002, toute exigence légale française de paiement de la copie privée, fût-ce à titre provisionnel, pour des ventes à des personnes morales relevant du « canal commercial direct » est illicite ; que la directive 2001/29/CE est pleinement invocable dans le présent litige ; qu'en vertu du principe de primauté, le juge est tenu d'écarter le droit national contraire ; que la directive 2001/29 a un effet direct dans le présent litige, en raison du statut particulier de Copie France (selon la jurisprudence Foster) ; que Copie France est indéniablement chargée d'accomplir un service d'intérêt public ; qu'elle dispose de prérogatives exorbitantes du droit commun ; qu'elle exerce sa mission sous le strict contrôle des autorités publiques ; que les arrêts du Conseil d'État ne sauraient avoir d'effet sur l'appréciation des demandes d'Imation concernant les décisions n°7 et 11 de la Commission de la copie privée ; qu'en vertu des principes du droit administratif français, la limitation des effets rétroactifs de l'annulation n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de la cour ; que l'effectivité du droit de l'Union impose à la Cour de mettre en 'uvre l'ensemble des moyens procéduraux dont elle dispose aux fins de garantir l'application effective de la directive ; que le Conseil d'État n'a aucun pouvoir de moduler les effets dans le temps d'une violation du droit européen, s'agissant d'un monopole de la Cour de justice ; que la position du Conseil d'État n'est en tout état de cause pas pertinente, car indépendamment d'un éventuel recours en annulation, le juge civil a toujours le pouvoir ' et est même tenu ' d'écarter des actes violant le droit de l'Union ; qu'il s'agit d'une voie de droit complémentaire et parfaitement classique ; que le principe d'autorité de la chose jugée n'est pas applicable en l'espèce ; qu'en toute hypothèse, même si un doute demeurait sur son champ d'application, ce principe ne saurait être interprété dans un sens allant contre l'effectivité du droit de l'Union ; que la position du Conseil d'État ne peut limiter les droits d'Imation car elle fait obstacle au principe d'effectivité du droit de l'Union et ne respecte pas les conditions strictes posées par la Cour de justice dans l'arrêt Inter-Environnement Wallonie ; qu'en cas de doute, il y aurait lieu d'interroger la Cour de justice sur la licéité du régime français ;

Mais considérant, alors que les moyens soutenus sont les mêmes que ceux qui l'ont été en première instance, que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a débouté la société IMATION EUROPE BV de ses demandes et dit n'y avoir lieu de saisir la Cour de Justice de questions préjudicielles ;

Que sans qu'il soit dès lors nécessaire d'examiner le moyen de défense complémentaire de COPIE FRANCE tiré de l'absence d'appauvrissement d'IMATION, le jugement sera confirmé de ce chef ;

II - Sur la responsabilité délictuelle de COPIE FRANCE

Considérant que la société IMATION EUROPE BV, qui soutient que la société COPIE FRANCE a commis une faute délictuelle en raison de son absence d'initiative pour avoir traité les distorsions sur le marché et avoir assuré une action efficace sur l'information du public français, réclame à ce titre le paiement de la somme de 13 500 255 € à titre de dommages et intérêts ;

Que pour l'en débouter, le tribunal a notamment considéré :

que le code de la propriété intellectuelle qui prévoit dans son article L. 311-6 que la rémunération pour copie privée est perçue par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II , énonce ainsi le principe d'une perception collective mais sans investir spécifiquement COPIE FRANCE, qui n'est du reste pas mentionnée, de cette mission ;
que le fait qu'une seule société de perception et de répartition des droits soit finalement, après la fusion-absorption de la société SORECOP, investie par les sociétés de perception et de répartition des droits des différentes catégories d'ayants-droit, auteurs, artistes-interprètes, et producteurs, n'implique pas que COPIE FRANCE se soit vue assigner pour mission la surveillance et la régulation du marché ;
que l'objet défini par l'article 5 des statuts de COPIE FRANCE ne comporte aucune mission de régulation du marché mais uniquement des actions en faveur des intérêts des ayants-droit au premier rang desquels la perception et la répartition des rémunérations pour copie privée ;
que de surcroît le fait qu'elle soit désormais la seule société de perception et de répartition de droits à opérer, ne permet pas de la caractériser comme une société en position dominante sur un marché et de lui appliquer les principes de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur l'abus de position dominante et les obligations de ne pas fausser le marché qui incombent à des sociétés dans cette situation, dans la mesure où COPIE FRANCE ne peut être considérée comme un intervenant sur le marché des supports d'enregistrements, puisqu'elle n'y prend pas part en qualité d'acteur de l'offre ou de la demande de produit ;
que l'insuffisance d'action pour percevoir la rémunération pour copie privée qui lui est reprochée, à la supposer établie, ne constituerait une faute qu'à l'égard de ses mandants, c'est à dire les ayants-droit, du fait de la perte de revenus qui leur serait causée ; qu'en revanche, n'ayant aucune obligation d'assurer l'équilibre des conditions entre les acteurs du marché, COPIE FRANCE ne peut se voir reprocher une faute commise à l'encontre de ceux-ci consistant à avoir déséquilibré ce marché et faussé le jeu de la concurrence ;
que de même il lui est reproché un défaut d'information du consommateur français sur le fait qu'en cas d'achat à l'étranger, il est redevable de la rémunération pour copie privée ; qu'en effet, la jurisprudence française a considéré jusqu'à l'arrêt STICHTING DE THUISKOPIE du 16 juin 2011 de la Cour de Justice de l'Union européenne que les sociétés situées à l'étranger ne pouvaient être assujetties à la rémunération pour copie privée mais que dans ce cas le consommateur final devait être informé qu'il était redevable de la rémunération pour copie privée en contrepartie de l'autorisation de la copie privée instaurée par exception au régime général de l'interdiction de reproduction des oeuvres sans l'autorisation des ayants-droit ; que toutefois, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la suffisance ou non de l'information délivrée sur ce sujet par COPIE FRANCE, il y a lieu de constater qu'à défaut de système de collecte efficace et contraignant de la rémunération pour copie privée auprès des particuliers concernés, il n'est nullement établi que l'information même correctement délivrée aurait permis de rétablir un équilibre du prix de revient des supports d'enregistrements entre d'une part ceux achetés en France auprès d'un vendeur assujetti à la rémunération pour copie privée et d'autre part ceux acquis auprès des vendeurs situés à l'étranger non assujettis ; qu'en effet, il n'est pas démontré que l'information du consommateur aurait suffi, soit à lui faire payer la redevance en annulant l'avantage prix, soit à le détourner des achats à l'étranger ; qu'en conséquence, il ne saurait lui être reproché d'avoir par une information insuffisante abouti à fausser la concurrence ;
qu'en conséquence, aucune faute de COPIE FRANCE n'est démontrée et les demandes indemnitaires au titre de la responsabilité civile sont alors rejetées ;

Considérant que la société IMATION EUROPE BV, qui demande l'infirmation du jugement, soutient que la société COPIE FRANCE, qui s'est vue confier un rôle pivot dans le mécanisme de la copie privée, engage sa responsabilité, d'abord de droit commun, du fait de l'inexécution de son objet social de perception, ensuite particulière, qui découle de l'octroi d'un monopole de fait en matière de perception sur le marché français ; qu'elle a faussé le jeu de la concurrence aussi bien par ses omissions que par ses actions ; qu'elle n'a engagé aucune action informative officielle avant 2012 ; qu'elle a eu une indifférence complète à toute initiative sur le flux des ventes faites par des sites étrangers de 2002 à 2012 ; qu'une action parcellaire n'a été lancée que depuis le mois d'août 2011 en réponse aux procédures en responsabilité engagées à son encontre ; qu'il en découle un préjudice de perte de marché d'autant plus évident qu'IMATION FRANCE a été contrainte de fermer ainsi qu'un préjudice d'image ;

Considérant que la société COPIE FRANCE demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il comporte ; qu'elle soutient en outre ne pas avoir commis de fautes, tant en ce qui concerne une action informative à destination des consommateurs français qu'à l'encontre des cybercommerçants installés à l'étranger ; qu'elle conteste la perte de clientèle et le préjudice d'image allégués par la société IMATION EUROPE BV ;

Considérant, ceci étant exposé, qu'il ressort des pièces produites et qu'il n'est pas contesté que la société COPIE FRANCE a, selon ses statuts, notamment pour mission de percevoir et de répartir la rémunération pour copie privée ; que depuis sa fusion avec la société SORECOP le 29 juin 2011, elle bénéficie d'une situation de monopole dans cette mission de perception ; que si, par nature, une omission de perception à l'égard des cybercommerçants installés à l'étranger peut constituer une faute contractuelle à l'égard des ayants-droit de cette rémunération, elle peut aussi occasionner un préjudice concurrentiel anormal à l'égard des commerçants qui acquittent régulièrement cette rémunération sur le territoire français, et donner éventuellement ouverture à réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Mais considérant que c'est à juste titre et sans être utilement contredite que la société COPIE FRANCE rappelle que le cadre juridique dans lequel s'inscrit cette question a évolué ; que notamment la cour d'appel de Paris , par un arrêt du 22 mars 2007, puis la cour de cassation, par un arrêt du 22 novembre 2008, ont considéré que dans l'hypothèse de l'acquisition d'un support assujetti à rémunération pour copie privée par un consommateur français auprès d'un cybercommerçant légitimement établi à l'étranger, seul le premier pouvait être considéré comme importateur au sens de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, et par conséquence tenu au versement de la rémunération au sens de ce texte, aucune action, en l'état de cette jurisprudence nationale, ne pouvant dès lors être légalement et utilement être engagée contre le second ; que cette situation juridique a été radicalement modifiée par l'arrêt OPUS SUPPLIES de la CJUE du 16 juin 2011 qui a dit pour droit que la seule circonstance que le vendeur professionnel d'équipements, d'appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeurait sans incidence sur l'obligation de résultat incombant à l'Etat membre de garantir aux auteurs de recevoir effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser, imposant ainsi à la juridiction nationale, en cas d'impossibilité d'assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d'interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d'un débiteur agissant en qualité de commerçant, en l'espèce le cybercommerçant installé, même légalement, à l'étranger ;

Considérant que bien que la société appelante le conteste, il résulte suffisamment des nombreuses pièces produites par la société COPIE FRANCE que celle-ci a, depuis cet arrêt OPUS SUPPLIES du 16 juin 2011, engagé de nombreuses actions auprès des cybercommerçants installés à l'étranger pour obtenir le versement par ceux-ci de la rémunération pour copie privée due à raison de ventes effectuées auprès de consommateurs situés en France ; qu'elle justifie ainsi leur avoir adressé des lettres de mise en demeure dès le mois d'août 2011, puis engagé des actions en référé, conduisant notamment à des ordonnances, notamment le 19 octobre 2012, puis des arrêts, notamment le 28 mai 2013 ; qu'en 2013, de nouvelles mises en demeure ont été adressées auprès d'une cinquantaine de cybercommerçants, puis en 2014, auprès de 12 autres, puis, en 2016, auprès de huit nouveaux venus ; qu'en 2014, six actions en référé ont été engagées ; qu'ainsi, et sans qu'il soit utile d'apprécier le résultat de ces actions, et notamment à l'égard de la société AMAZON dont la société IMATION EUROPE BV conteste inutilement l'efficacité, il est suffisamment établi que depuis le 16 juin 2011 la société COPIE FRANCE a accompli l'obligation de recouvrement à laquelle elle était tenue auprès des cybercommerçants installés à l'étranger ;

Considérant, sur la période antérieure à l'arrêt OPUS SUPPLIES du 16 juin 2011, qu'il ne peut d'abord être fait grief à la société COPIE FRANCE de ne pas avoir engagé d'action en recouvrement à l'encontre des cybercommerçants légitimement établis à l'étranger, lesquels n'étaient alors pas considérés dans le droit positif comme importateurs au sens de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il convient ensuite d'observer que la société intimée n'en justifie pas moins avoir alors engagé des actions contre des sites s'étant artificiellement localisés à l'étranger afin d'échapper au paiement de la rémunération pour copie privée, engageant neuf procédures conduisant à des jugement rendus dès 2008, dont un rendu par le tribunal de grande instance de Thionville le 12 octobre 2015, confirmé par la cour d'appel de Metz le 27 juin 2016, prononçant une condamnation d'un cybercommerçant au paiement d'une somme de 1 538 026,50 € ;

Considérant que sur cette première période, la société COPIE FRANCE produit des copies d'écran de son site internet, mentionnant une modification de la page à la date du jeudi 20 septembre 2007, comportant le passage ci-après ainsi rédigé :

La loi prévoit que sont redevables de la rémunération les fabricants et les acquéreurs intra et extra communautaire de supports vierges et appareils d'enregistrement.

Vous êtes un particulier qui achète des supports et appareils soumis à rémunération

1. sur un site Internet établi en France : vous n'êtes pas redevable de la rémunération qui est à la charge du site,

2. sur un site Internet Étranger : vous êtes redevable de la rémunération et vous devez nous taire parvenir un bulletin de déclaration afin que nous vous établissions une facture...

Considérant que la société appelante conteste la force probante de cette pièce, notamment quant à la date à laquelle elle a été établie ; que la cour considère cependant, compte tenu de l'ancienneté des faits, et de ce que la preuve d'une faute délictuelle incombe au demandeur à l'action, que la société COPIE FRANCE justifie ainsi avoir alors suffisamment accompli son obligation d'information auprès des consommateurs ;

Que le jugement sera confirmé aussi en ce qu'il a débouté la société appelante de ce chef de demande ;

III - Sur la demande reconventionnelle de COPIE FRANCE

Considérant que pour faire droit à cette demande, le premier juge a notamment considéré :

- que COPIE FRANCE réclame le paiement des sommes dues selon elle par la société IMATION EUROPE au titre de la rémunération pour copie privée, que cette dernière a volontairement refusé de payer entre février 2011 et février 2015 ;

- que pour la période comprise entre février 2011 et novembre 2011, elle réclame une somme de 3.527.586,81 euros H.T. reposant sur les décisions n°1, 4 et 11, de la Commission de la copie privée, étant précisé que les sommes fondées sur la décisions n°4 portent sur les cassettes audios, les cassettes vidéos et les disquettes trois pouces et demi pour un montant de 106.359,92 euros H.T. et que cette décision, comme les décisions n°1, n°2 et n°5 n' a jamais fait l'objet d'aucune annulation ou invalidation par le Conseil d'Etat ;

que pour la période entre décembre 2011 et février 2015, durant laquelle la société IMATION a persisté à ne verser aucune rémunération pour copie privée, COPIE FRANCE demande le versement d'une somme de 10.582.813,77 euros H.T. ventilée comme suit :
une somme de 643.925,44 euros H.T. fondée sur les décisions n°1 et 4 de la Commission pour copie privée au titre des cassettes audio, cassettes VHS vidéo, mini discs et disquettes MFD mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 juin 2015 ;
la somme de 3.615.697,19 € HT fondée sur les dispositions de l'article 6-I de la loi du 20 décembre 2011 au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 23 décembre 2011 au 31 décembre 2012 ;
la somme de 6.323.191,14 € HT fondée sur la décision n°15 de la Commission de la copie privée au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015 ;
que la société IMATION EUROPE dans ses dernières conclusions ne s'oppose pas explicitement à la demande reconventionnelle puisqu'aucun développement n'y est consacré alors même que cette demande figure dans les conclusions de la demanderesse depuis le 3 juin 2015 pour la période comprise entre février 2011 et février 2015, la demande ayant été actualisée par la suite pour la période allant jusqu'en juin 2015 ; que toutefois il résulte implicitement de sa demande au titre de la répétition de l'indu qu'elle s'oppose au moins partiellement à ces demandes pour ce qui concerne les redevances calculées sur les ventes effectuées à des personnes morales qui ne revendent pas et fondées sur les décisions dont elle conteste qu'elles lui soient applicables. ;
qu'au demeurant, pour les raisons indiquées précédemment, les décisions de la commission pour copie privée fondées sur les décisions n°1, 4 et 11 ainsi que les dispositions de l'article 6-I de la loi du 20 décembre 2011, lequel a prolongé les effets du contenu de la décision n°11 jusqu'au 31 décembre 2012 en prévoyant que : 'Jusqu'à l'entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle et au plus tard jusqu'au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que modifiées par les dispositions de l'article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de la présente loi,

qui sont prévues par la décision n°11 du 17 décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21 décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions n°12 du 20 septembre 201031, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et n°13 du 12 janvier 2011, publiée au journal officiel du 28 janvier 2011 », ne peuvent être écartées par la demanderesse et servent de fondement au calcul de la rémunération pour copie privée due ;

qu'en conséquence, et en l'absence de la moindre contestation sur le détail des montants en cause, il y a lieu de condamner la société IMATION EUROPE à payer les sommes ainsi réclamées par COPIE FRANCE, avec, conformément à l'article 1154 du code civil, intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Considérant que, dans leurs conclusions, les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il a statué en ce sens ; qu'alors que la société COPIE FRANCE actualise ses demandes au mois de novembre 2017, la société IMATION EUROPE BV ne conteste pas les sommes ainsi actualisées ;

Que ces dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas remises en cause seront confirmées sauf à les actualiser ainsi qu'il est dit au dispositif ;

Que le jugement sera aussi confirmé pour les motifs qu'il comporte en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à donner acte à la société COPIE FRANCE qu'elle réserve l'ensemble de ses droits au titre des rémunérations pour copie privée dues par la société IMATION EUROPE BV pour la période allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 sur le fondement de la décision n°13 annulée par le Conseil d'Etat selon arrêt du 25 juin 2014 ;

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société IMATION EUROPE BV succombant en son appel les dispositions du jugement statuant de ce chef seront aussi confirmées ;

Que la cour, ajoutant, la condamnera aux dépens d'appel et ainsi qu'il est dit au dispositif en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Actualisant sur les demandes reconventionnelles,

Condamne la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 3.527.586,81 € HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour sa période d'activité allant du mois février 2011 au mois de novembre 2011,

Condamne la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 11.368.777,06 € HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour sa période d'activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,

Ajoutant,

Condamne la société IMATION EUROPE BV aux dépens d'appel,

La condamne à payer la somme de 50 000 € à la société COPIE FRANCE au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.