CA Versailles, 14e ch., 21 février 2007, n° 06/03392
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Générale de Sante Cliniques (SA), Clinique Hartmann (SA)
Défendeur :
M. Bornert
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frank
Conseillers :
Mme Louys, Mme Andrich
Avocats :
Me Frenot, Me Moulin, Me Trillat
FAITS ET PROCEDURE,
Alors que le docteur BONNERT, chirurgien orthopédiste, exerçait depuis 1998 selon contrat verbal d'exercice libéral à la clinique HARTMANN à NEUILLY SUR SEINE, à raison de deux demi-journées par semaine, puis, à compter de 2003 d'une demi-journée, la société Clinique HARTMANN, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 avril 2005, l'a informé de sa décision de mettre fin au contrat le 12 avril 2006.
Des négociations ont été entamées à la demande du docteur BONNERT, qui a désigné le docteur ESNAULT, et la clinique HARTMANN a demandé au docteur JUDET d'y participer.
Le docteur ESNAULT représentant du docteur BONNERT et le docteur JUDET ont établi, le 19 janvier 2006, un compte rendu de réunion de conciliation faisant état de la demande du premier à savoir que le groupe 'GÉNÉRALE DE SANTÉ' fasse une proposition d'activité dans un autre établissement du groupe, et de l'accord du second avec cette proposition précisant qu'il ne souhaitait pas que la clinique JOUVENET accueille de docteur BONNERT. Ce compte rendu a été transmis à la société Clinique HARTMANN, le 14 mars 2006.
Par lettre du 31 mars 2006, la société Clinique HARTMANN a refusé cette suggestion en raison de l'indépendance et de l'autonomie de gestion dont dispose chacun des établissements détenus par le groupe GÉNÉRALE DE SANTÉ.
Le docteur BONNERT a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre la société Clinique HARTMANN, aux fins qu'il lui soit enjoint ainsi qu'à la GÉNÉRALE DE SANTÉ de formuler une offre concrète de reclassement dans une des cliniques, conformément au procès-verbal de conciliation ; qu'il soit enjoint à la clinique HARTMANN de poursuivre l'exécution du contrat pendant au moins six mois et que la clinique doit condamnée à lui verser 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ordonnance de référé rendue le 2 mai 2006, le tribunal de grande instance de Nanterre a dit que le préavis de douze mois donné au docteur BONNERT devait être prorogé de quatre mois pour expirer le 12 août 2006 et dit que pendant ces quatre mois, il pourrait continuer à opérer dans les locaux de la clinique HARTMANN.
Selon cette ordonnance de référé 'LA GÉNÉRALE DE SANTÉ' est intervenue volontairement à l'instance pour dire qu'elle est actionnaire de la clinique et n'a aucun lien contractuel avec le docteur BONNERT ; que les demandes qui sont dirigées contre elle sont irrecevables et subsidiairement ,conclure au débouté des demandes et à l'octroi d'une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société Clinique HARTMANN a fait appel de cette décision et conclut à son infirmation, ainsi qu'à la condamnation du docteur BONNERT au paiement d'une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle critique la décision en ce qu'elle a retenu que la décision de mettre fin au contrat introduisait une incertitude dans la situation du praticien et qu'il y avait urgence à lui accorder un délai supplémentaire, alors que la rupture ne peut être qualifiée de brutale, que la durée du préavis est conforme aux recommandations du comité de liaison et d'action de l'hospitalisation privée, soit une année pour une ancienneté comprise entre cinq et dix ans ; qu'elle avait le droit de rompre le contrat et a toujours été claire sur le caractère irréversible de sa décision d'y mettre un terme et sur son absence de pouvoir de confier un nouveau poste au sein du groupe 'GÉNÉRALE DE SANTÉ', qu'elle ne peut contraindre à contracter avec un praticien, comme lui même ne peut le faire, soutenant à cet égard qu'elle seule a mis fin au contrat et que la confusion avec 'GÉNÉRALE DE SANTÉ' résulte d'une erreur de plume dans le procès-verbal de conciliation.
Elle fait valoir que le délai de préavis était suffisamment long pour permettre au docteur BONNERT, qui ne justifie d'aucune démarche en ce sens et n'est pas privé de lieux d'exercice de sa spécialité puisqu'il conserve son cabinet de consultation et dispose de vacations opératoires à la clinique de GENTILLY, de retrouver un poste équivalent.
La société anonyme 'GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES' a également fait appel de la décision dont elle sollicite la rectification des erreurs matérielles contenues et le rétablissement de son intervention volontaire devant le juge des référés aux lieu et place de 'GÉNÉRALE DE SANTÉ'groupe qui n'a aucune existence juridique, ainsi que son infirmation en ce qu'elle a retenu des éléments factuels inexacts en considérant que la GÉNÉRALE DE SANTÉ aurait eu des relations contractuelles avec le docteur BONNERT et qu'elle aurait participé à la rupture de la collaboration entre la clinique HARTMANN et ce dernier, et la condamnation du docteur BONNERT au paiement d'une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle prend des participations dans les cliniques, comme la clinique HARTMANN, dont elle est actionnaire principale, sans que cela se traduise par une participation aux décisions ordinaires d'administration de la clinique, société juridiquement indépendante pourvue de ses propres représentants légaux et sans qu'elle ait des relations contractuelles avec les praticiens.
Elle soutient que le fait que le conciliateur, désigné par la société Clinique HARTMANN et celui désigné par le docteur BONNERT aient indiqué dans le procès-verbal que la 'GÉNÉRALE DE SANTÉ' avait mis un terme à la collaboration avec le docteur BONNERT, résulte d'une erreur de plume manifeste, et en tous cas, d'une inexactitude flagrante, et qu'en outre, ce document ne l'engageant pas, le premier juge ne pouvait considérer que la société GÉNÉRALE DE SANTÉ -CLINIQUES avait des relations contractuelles avec le docteur BONNERT.
Elle dénie avoir une position monopolistique sur les cliniques exploitées dans la région parisienne et relève dans ses dernières conclusions que la Clinique HARTMANN et son actionnaire principal n'ont aucune obligation de reclassement du docteur BONNERT qui ne peut considérer que le procès-verbal de conciliation l'autoriserait à solliciter sous astreinte une offre de reclassement de la Clinique HARTMANN.
Monsieur BONNERT sollicite la confirmation de l'ordonnance de référé en ce qu'elle a, constaté l'intervention volontaire de la 'GÉNÉRALE DE SANTÉ', prorogé de quatre mois le délai de préavis, mais sollicite son infirmation, demandant que la Clinique HARTMANN et le groupe 'GÉNÉRALE DE SANTÉ' se conforment aux termes du procès-verbal de conciliation prévoyant la formulation d'une offre de reclassement.
Il conclut à ce que:
- il lui soit donné acte de se qu'il se réserve le droit d'agir aux fins d'obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de la position dominante du groupe 'GÉNÉRALE DE SANTÉ' lui interdisant de retrouver des vacations dans une clinique équivalente,
- la décision soit confirmée sur le donné acte de l'intervention volontaire de la GÉNÉRALE DE SANTÉ, sur la prorogation pendant quatre mois du préavis et de la continuation pendant le délai des opérations au sein de la Clinique HARTMANN ;
- la décision soit partiellement réformée et qu'en conséquence :
- il soit enjoint au groupe GÉNÉRALE DE SANTÉ et à la Clinique HARTMANN de formuler une proposition d'activité dans une autre clinique sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
- la Clinique HARTMANN et la GÉNÉRALE DE SANTÉ soient condamnées à lui verser 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il fait valoir que si la conciliation énonce sous la signature du représentant de la Clinique HARTMANN le principe d'un 'reclassement', aucune concrétisation de ce principe n'est élaborée ; qu'il se heurte dans sa recherche d'une nouvelle collaboration libérale au sein d'une clinique à la position dominante du propriétaire de la Clinique HARTMANN, le groupe GÉNÉRALE DE SANTÉ, qui détient la majorité des cliniques parisiennes, situation hégémonique lui interdisant de retrouver une clinique de même niveau technique, dirigée à l'attention des mêmes patients, afin de poursuivre son activité de chirurgien orthopédiste.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la demande de rectification des erreurs matérielles :
Considérant que par acte du 29 mars 2006 , le docteur BONNERT a assigné tant la société Clinique HARTMANN que 'LA GÉNÉRALE DE SANTÉ' sans autre précision que l'adresse du siège social [...] et qu'il résulte des conclusions déposées devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre à l'audience du 11 avril 2006 que la société 'GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES' est intervenue volontairement à l'instance ;
Que cette société justifie par production d'un extrait Kbis, de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et ainsi de son existence légale et de sa forme juridique ;
Qu'il y a lieu de rétablir la réalité des parties à l'instance et de dire qu'il y a lieu de substituer à l'ordonnance de référé attaquée, à la lecture de 'GÉNÉRALE DE SANTÉ', la société 'GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES' ;
Sur l'appel incident du docteur BONNERT :
Considérant que le docteur BONNERT ne peut établir l'intervention de la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES dans les relations contractuelles qui le liaient à la société Clinique HARTMANN que par les termes du compte-rendu établi le 19 janvier 2006 par les docteurs JUDET et ESNAULT ;
Que si ce compte-rendu peut laisser apparaître un doute sur l'indépendance et l'autonomie de la société Clinique HARTMANN à l'égard de son principal actionnaire dès lors que, même le docteur JUDET, mandaté par la société Clinique HARTMANN, se déclare lui-même représentant de 'GÉNÉRALE DE SANTÉ', l'existence d'une obligation de la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES à l'égard du docteur BONNERT, quelle que soit par ailleurs la position de la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES sur le 'marché des cliniques parisiennes' suppose que soit tranchée la contestation sérieuse opposée par cette dernière, relative à l'existence de personnalités morales distinctes, d'une part, la société Clinique HARTMANN qui n'a pas disparu du fait de l'entrée dans son actionnariat d'une autre société et d'autre part, la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES qui détient la majorité des actions de la société Clinique HARTMANN ;
Considérant en outre, que le docteur BONNERT n'établit pas que la rupture du contrat d'exercice libéral de l'activité de chirurgien orthopédique au sein de la société Clinique HARTMANN, emportait pour cette dernière une obligation de reclassement ou ne pouvait intervenir qu'en l'absence de possibilité de reclassement, supposant que le contrat soit éventuellement re-qualifié en contrat du travail ;
Que la proposition, même souscrite avec l'accord du représentant de la société Clinique HARTMANN à la procédure de conciliation amiable engagée entre les parties préalablement à la saisine du juge des référés, ne présente pas l'évidence d'une force coercitive permettant, au provisoire d'ordonner sa réalisation (alors qu'autre part que les obligation de faire se résolvent en dommages et intérêts) ;
Que l'ordonnance de référé sera confirmée sur ce point ;
Sur les demandes des sociétés Clinique HARTMANN et GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES :
Considérant que la procédure de conciliation menée entre les co-contractants a été achevée le 19 janvier 2006 ;
Que ce n'est que le 31 mars 2006, soit postérieurement à l'assignation délivrée et douze jours avant l'expiration du délai du préavis que la société Clinique HARTMANN a fait connaître qu'elle rejetait les conclusions faites dans le cadre de cette conciliation amiable ;
Que si les conventions s'exécutent de bonne foi, elles prennent également fin de bonne foi et que l'urgence peut justement ressortir du retard ;
Que le premier juge a exactement relevé que le docteur BONNERT avait été laissé dans l'incertitude et que l'attitude de son co-contractant permettait, de lui octroyer un délai supplémentaire de préavis ;
Que l'ordonnance de référé sera également confirmée sur ce point ;
Considérant par ailleurs, que l'ordonnance de référé n'ayant tiré aucune conséquence juridique de la manifestation de son étonnement devant l'extranéité aux relations contractuelles et au compte rendu de conciliation alléguée par la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES ;
Qu'il n'y a pas lieu d'entrer en voie de réformation, dès lors qu'il est retenu que les demandes formulées par le docteur BONNERT à l'encontre de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES se heurtent à des contestations sérieuses qu'il appartiendra éventuellement au juge du fond de trancher ;
Sur les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ;
Considérant par ailleurs que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions de réformation de l'ordonnance de référé, supportera la charge des dépens qu'elle a exposés devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rectifie l'ordonnance de référé rendue entre les parties par le tribunal de grande instance de Nanterre le 2 mai 2006 et dit qu'au lieu de lire : 'GÉNÉRALE DE SANTÉ', il y a lieu de lire : ' société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES' ,
En tant que de besoin, donne acte à la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES de son intervention devant le tribunal de grande instance dans l'instance opposant Monsieur BONNERT à la société Clinique HARTMANN ;
Pour le surplus, confirme l'ordonnance de référé ;
Y ajoutant ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de reclassement dans un autre établissement dirigées par le docteur BONNERT tant à l'encontre de la société Clinique HARTMANN qu'à l'encontre de la société GÉNÉRALE DE SANTÉ-CLINIQUES ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés devant la cour d'appel.