CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 12 janvier 2010, n° 08/23291
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sokatel (SARL)
Défendeur :
SMJ (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Degrandi
Conseillers :
Mme Moracchini, Mme Delbes
Avoués :
SCP Lamarche-Bequet- Regnier-Aubert - Regnier - Moisan, SCP Fisselier - Chiloux - Boulay
Avocats :
Me Charollois, Me Pargyot
Au mois d'octobre 2003, le groupement d'intérêts économiques Global E-Vision (ci-après le GIE), comprenant trois partenaires, les sociétés Crayon Noir E-Médias (50 %), Sokatel Multimedia (25 %) et Sokatel (25 %), et administré par M. Philippe S., a signé, avec le département des Hauts-de-Seine, un marché pour la mise en place d'un système de vidéo-surveillance des abords des établissements scolaires.
Pour l'exécution de ce marché, le GIE a conclu, en décembre 2003, avec la société Clamic, une convention de sous-traitance pour la fourniture de solutions logicielles, pour une somme de 1 316 937 euros hors taxe.
Au mois de novembre 2004, le département des Hauts-de-Seine a résilié le marché principal et conclu, le 7 juillet 2005, avec le GIE un protocole transactionnel aux termes duquel celui-ci a obtenu une indemnité de résiliation de 249 043,49 euros.
Sa demande d'indemnisation directe présentée au département des Hauts-de-Seine ayant été rejetée par le tribunal administratif de Versailles, la société Clamic a fait assigner le GIE devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le versement d'une indemnité de résiliation.
Par jugement du 31 mai 2007, le tribunal de commerce de Paris a condamné le GIE à payer à la société Clamic la somme de 57 119 euros au titre de la part lui revenant dans l'indemnité perçue par le GIE, outre la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 26 juillet 2007, le GIE a déposé une déclaration de cessation des paiements et, par jugement du 13 septembre 2007, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard.
Par jugement du 24 septembre 2007, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Crayon Noir E-Medias, dont M. S. était également le gérant.
N'obtenant pas le paiement de sa créance par le GIE, en liquidation judiciaire, la société Clamic a fait assigner les sociétés Sokatel Multimedia et Sokatel devant le tribunal de commerce de Paris, qui, par jugement du 23 septembre 2008, a condamné in solidum les intéressées à payer à la société Clamic les sommes mises à la charge du GIE aux termes du jugement du 31 mai 2007.
Parallèlement, la société Sokatel a fait assigner M. S., ancien gérant du GIE et de la société Crayon Noir E-Medias, en responsabilité devant le tribunal de commerce de Paris.
Celui-ci, par jugement du 4 novembre 2008, a dit la société Sokatel recevable mais non fondée en ses demandes, l'en a déboutée et l'a condamnée à payer à M. S. la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 décembre 2008, la société Sokatel a interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 1er avril 2009, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sokatel et désigné Me Gilles B. en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl SMJ en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 16 septembre 2009, M. S. a fait assigner Me B. et la Selarl SMJ, ès qualités, en intervention forcée.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 30 septembre 2009, la société Sokatel, Me B. et la Selarl SMJ, ès qualités, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de dire qu'en application de l'article L 251-11 du code de commerce , M. S. a commis une faute de gestion de nature à engager sa responsabilité personnelle à l'égard de la société Sokatel, de le condamner au paiement de la somme de 70 000 euros, à titre de dommages et intérêts, et de celle de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 octobre 2009, M. S. demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner la société Sokatel à lui payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR
Considérant qu'aux termes de l'article L 251-11 du code de commerce , le ou les administrateurs du groupement sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers le groupement ou envers les tiers, des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux groupements, de la violation des statuts du groupement ainsi que de leurs fautes de gestion ;
Considérant que les appelants doivent démontrer que M. S. a commis une faute d'une gravité exceptionnelle et détachable de ses fonctions d'administrateur du GIE Global E-Vision et que cette faute a causé un préjudice personnel et distinct à la société Sokatel, membre du groupement ;
Considérant que les appelants font grief à M. S. d'avoir omis de porter au bilan de l'exercice 2006 du GIE la provision pour risque de 50 000 euros votée lors de l'assemblée générale statuant sur les comptes de 2005, d'avoir utilisé l'indemnité de résiliation versée au GIE par le département dans des conditions contraires à l'intérêt social et de leur avoir menti sur la solvabilité du GIE ;
Considérant que la constitution d'une provision pour risque de 50 000 euros, en prévision du paiement de la quote-part de l'indemnité de résiliation versée par le département des Hauts-de-Seine revenant à la société Clamic, a été décidée lors de l'assemblée générale du GIE appelée à statuer sur les comptes de l'exercice 2005 ; qu'il est constant que cette provision n'a pas été portée au bilan de l'exercice 2006 ;
Considérant que l'assemblée générale des membres du GIE, parmi lesquels la société Sokatel, qui s'est tenue le 17 juillet 2007, a approuvé les comptes de l'exercice 2006 ; que la société Sokatel ne démontre pas avoir relevé, lors de ce vote, intervenu postérieurement au prononcé du jugement du 31 mai 2007 ayant condamné le GIE à payer à la société Clamic la somme principale de 57 119 euros, l'omission, dans les comptes 2006, de la provision litigieuse et émis la moindre réserve à cet égard ; qu'elle n'établit pas, non plus, que les membres du GIE, appelés à statuer sur les comptes 2006, n'auraient pas été en possession des éléments comptables de nature à éclairer leur décision et auraient pu être, alors, trompés sur la solvabilité du groupement alors que les comptes de l'exercice 2006 faisaient apparaître un résultat d'exploitation réduit à 365 euros et un bénéfice de 1 404 euros ; que les appelants ne démontrent pas que M. S. aurait, enfin, comme ils le soutiennent, lui-même assuré les membres du groupement qu'il allait interjeter appel de la décision rendue en faveur de la société Clamic ;
Considérant que les appelants font encore valoir que, dès réception de l'indemnité de résiliation versée par le département, M. S. a procédé à des paiements au bénéficie de deux sociétés dont il était le gérant (Crayon Noir E-Medias et Reiner Communication) au détriment de la société Sokatel ;
Considérant que l'examen du livre journal de l'exercice 2005 du GIE révèle qu'à la suite du paiement de l'indemnité de résiliation opéré par le département, les sommes de 29 481,40 euros et de 30 318,60 euros ont été reversées, respectivement, aux sociétés Sokatel et Sokatel Multimédia les 1er août et 31 décembre 2005 ;
Considérant que la répartition de l'indemnité de résiliation et les paiements aujourd'hui contestés, effectués en 2005 au profit des sociétés Crayon Noir E-Medias et Reiner Communication en règlement de factures des 9 juillet et 31 décembre 2003 et du 11 juillet 2005, n'ont donné lieu à aucune contestation de la part des membres du GIE qui ont approuvé les comptes de l'exercice 2005 ;
Considérant que la société Sokatel ayant approuvé, sans réserves et alors qu'elle disposait de tous les éléments utiles pour prendre une décision éclairée, les comptes des exercices 2005 et 2006, au cours desquels sont intervenues les opérations aujourd'hui contestées, les appelants ne sont pas fondés à rechercher, du chef de celles-ci, la responsabilité de M. S. ; qu'elles doivent être déboutées de toutes leurs demandes;
Qu'il convient de confirmer, par suite, le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Sokatel, Me B. et la Selarl SMJ, ès qualités, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.