CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 octobre 2013, n° 11/01688
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Generali IARD (SA)
Défendeur :
Fercam France (Sté), Fercam Transportisrl Spedizione Trasporti Nazionali Ed Internatzionali (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Luc, Mme Nicoletis
Avocats :
Me Grappotte-Benetreau, Me Rostan d'Ancezune, Me Honig, Me Fisselier, Me Mopin
Vu le jugement du 8 décembre 2010 du Tribunal de commerce de Bobigny, assorti de l'exécution provisoire, dans lequel celui-ci a pris acte du changement de dénomination de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES en société GENERALI IARD, donné acte aux sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM ITALIE que leurs conclusions ne valent pas renonciation aux exceptions d'irrecevabilité de l'action du demandeur qui ont été tranchées par le jugement du 26 septembre 2003, dit la société GENERALI IARD irrecevable en son action contre les sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM ITALIE, dit les appels en garantie de la société NOVATRANS par les sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM ITALIE et de la société MAGAZZINI par la société NOVATRANS irrecevables, condamné la société GENERALI IARD à payer aux sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM ITALIE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné solidairement les sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM ITALIE à payer la somme de 16.000 € à la société NOVATRANS ITALIA SPA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et enfin condamné la société NOVATRANS ITALIA SPA à payer la somme de 8.000€ à la société MAGAZZINI GENERALI DOGANALI VERCELLI au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 28 janvier 2011 par la société GENERALI IARD et ses conclusions du 3 décembre 2012 dans lesquelles elle demande à la Cour de rejeter les exceptions de procédure soulevées par les sociétés FERCAM, de la juger recevable en son action et en son appel, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite et irrecevable son action à l'encontre de FERCAM FRANCE et de FERCAM ITALIE, constater qu'en sa qualité de voiturier, la société FERCAM ITALIE est responsable d'une grave négligence caractérisant la faute lourde engageant sa responsabilité sans limitation de responsabilité, que FERCAM FRANCE est solidairement tenue en sa qualité de commissionnaire, constater que le préjudice qui a donné lieu à reconnaissance de responsabilité à 100% par les sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA (Italie), en application de la CMR, s'élève à l'équivalent en euros de 1.857.956,79 F, soit à la somme de 283.243,69 €, condamner conjointement et solidairement, ensemble ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA (Italie) à payer à la société GENERALI IARD la somme de 283.243,69 €, outre les intérêts capitalisables au taux prévu par la CMR de 5% à compter du 14 mars 1995, celle de 15.000 € pour résistance abusive et enfin celle de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 1er juillet 2013 des sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA, dans lesquelles elles demandent à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement avant dire droit du 26 septembre 2003 et statuant à nouveau, de dire nulles et non avenues les assignations introductives de la présente instance délivrées aux concluantes pour irrégularité de fond non susceptible d'être couverte, subsidiairement de forme mais causant grief, que la société GENERALI ASSURANCES IARD et/ou GENERALI FRANCE ASSURANCES ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de leur subrogation, les dire irrecevables en leur action, confirmer le jugement au fond du 15 décembre 2010 en qu'il a déclaré irrecevable car prescrite l'action des demanderesses, GENERALI ASSURANCES IARD et/ou GENERALI FRANCE ASSURANCES, très subsidiairement, sur le fond, déclarer cette action non fondée, en tout état de cause, condamner les demanderesses GENERALI ASSURANCES IARD et/ou GENERALI FRANCE ASSURANCES ou toute autre succombant à payer à chacune des deux sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA (Italie) la somme de 25.000 euros chacune pour frais irrépétibles, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
En mars 1995, la société des Câbleries de Lens a vendu 24 palettes de fil machine en cuivre à des sociétés italiennes et a chargé de l'expédition sa filiale, la société Lensoise du Cuivre, qui en a confié le transport à la société FERCAM FRANCE. Celle-ci a fait appel à sa maison mère FERCAM TRASPORTI SRL, devenue aujourd'hui FERCAM SPA (ci-après dénommée FERCAM ITALIE) pour effectuer l'acheminement de Lens à la gare de Noisy-le-sec puis de la gare de Vercelli à la destination finale et à la société NOVATRANS pour effectuer le ferroutage de Noisy-le-sec à Vercelli.
Le 9 mars 1995, la société FERCAM ITALIE a chargé les 24 palettes sur 4 semi-remorques qui ont été embarquées, le même jour, à la gare de Noisy-le-sec. Les quatre semi-remorques sont arrivées à Vercelli le 10 mars dans la matinée où elles ont été débarquées et stationnées sur son aire de parking par la société MAGAZZINI GENERALI DOGANALI VERCELLI (ci-après MAGAZZINI).
Le 13 mars 1995, la société Fercam Italie s'est présentée pour enlever les quatre semi-remorques, lesquelles avaient disparu et ont été retrouvées vides à 200 kms de Vercelli. La compagnie La Concorde a indemnisé son assurée, la société des Câbleries de Lens, le 30 mai 1995. Elle a relancé à de nombreuses reprises les sociétés Fercam France et Fercam Italie. Ces relances se sont avérées vaines.
Par actes du 10 mai 2000, la compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES (devenue depuis GENERALI ASSURANCES IARD, puis GENERALI IARD et désignée ci-après GENERALI), venant aux droits de la compagnie La Concorde, a assigné la société FERCAM FRANCE, le commissionnaire de transport et la société FERCAM ITALIE, le voiturier.
Les sociétés FERCAM ont appelé la société NOVATRANS ITALIA SPA en intervention forcée, par acte du 13 avril 2001, la jonction ayant été prononcée le 29 juin 2001. La société NOVATRANS a appelé la société MAGAZZINI en intervention forcée par acte du 25 juillet 2001, la jonction ayant été prononcée le 25 janvier 2002.
Par jugement du 26 septembre 2003, le Tribunal de commerce de Bobigny a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation et fins de non recevoir pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société GENERALI, soulevées par les sociétés FERCAM FRANCE, FERCAM ITALIE, NOVATRANS et MAGAZZINI.
Par jugement sur la compétence du 26 novembre 2004, le Tribunal de commerce de Bobigny s'est déclaré incompétent. Par arrêt du 7 septembre 2005, la Cour d'appel de Paris a fait droit au contredit formé par la société FERCAM et a renvoyé les parties devant ce même Tribunal. C'est dans ces circonstances que le greffe du Tribunal a convoqué les sociétés GENERALI, FERCAM FRANCE, FERCAM ITALIE, NOVATRANS ET MAGAZZINI à comparaître à l'audience du 14 octobre 2005.
Par jugement du 9 octobre 2007, le Tribunal a ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel du 7 septembre 2005 et a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Milan. La Cour de cassation a rejeté les pourvois par un arrêt du 17 octobre 2007. L'affaire a été réaudiencée à la suite d'une demande de la société GENERALI adressée au Tribunal le 27 février 2009.
Dans le jugement présentement déféré, le Tribunal a déclaré prescrites toutes les actions, principales ou en garantie. Il a donc débouté la société GENERALI IARD de toutes ses demandes.
Sur l'appel incident des sociétés Fercam France et Fercam Spa contre le jugement avant-dire-droit du 26 septembre 2003.
Sur la nullité prétendue des assignations
Considérant que la société FERCAM FRANCE et la société FERCAM SPA soutiennent que les assignations des 10 et 12 mai 2000 formées par la société GENERALI FRANCE ASSURANCE à leur encontre sont nulles, étant entachées d'une irrégularité de fond, le numéro de RCS mentionné étant celui du GIE GENERALI TRANSPORT, dissous en 1999 et radié du RCS le 2 novembre 1999 et la « compagnie Generali France Assurances », mentionnée sur l'acte introductif d'instance comme étant inscrite au RCS de Paris sous le numéro C 338 204 027, demanderesse, n'ayant aucune existence et étant donc dépourvue de tout droit d'agir ; que l'intervention volontaire de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES ne saurait couvrir cette irrégularité de fond ; que, subsidiairement, à supposer qu'il s'agisse d'une nullité de forme, celle-ci leur ferait grief, en l'absence des éléments énoncés à l'article 648 du Code de procédure civile permettant d'identifier la demanderesse ainsi que le changement des qualités invoquées par celle-ci (mandataire et assureur) ;
Considérant que la société GENERALI IARD expose que l'erreur commise dans l'assignation au titre du numéro d'inscription de Generali au registre du commerce constitue une erreur matérielle, couverte au sens de l'article 115 du Code de procédure civile, que les assignations délivrées par exploits des 10 et 12 mai 2000 sont valides au sens des articles 114, 115 et 117 du Code de procédure civile, lesquels subordonnent le prononcé de la nullité d'un acte pour vice de forme à la preuve de l'existence d'un grief causé à celui qui l'invoque ;
Considérant que le nom mentionné « Compagnie Generali France Assurances » ne renvoie à aucune société connue au RCS ; que le numéro RCS renvoie à une société radiée, le GIE GENERALI TRANSPORT ; qu'ainsi, les mentions d'identification de l'acte ne permettait pas aux défenderesses d'identifier la société en cause ;
Mais considérant que cette erreur, reconnue par la société appelante, constitue un vice de forme qui ne fait pas grief aux sociétés intimées, le véritable RCS de la société GENERALI FRANCE assurances ayant été communiqué a posteriori, dans ses conclusions déposées devant le tribunal de commerce ;
Sur l'irrecevabilité de la société Generali France Assurances à agir
Considérant que les intimées prétendent également que les demandes de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES sont irrecevables pour défaut de capacité et d'intérêt à agir, qu'elle agisse en nom propre ou en tant qu'ayant droit du GIE GENERALI TRANSPORTS ; qu'elle ne justifie pas venir aux droits du GIE dissous ni avoir indemnisé la société ayant personnellement subi le dommage ;
Considérant que la société appelante prétend au contraire que son action est recevable sur le fondement des articles 31, 122 du Code de procédure civile, 2224, 2227 et 2248 du Code civil et L. 133-6 du Code de commerce dans la mesure où elle justifie venir aux droits du groupe Concorde et qu'elle a qualité et intérêt à agir dans le cadre de cette procédure ;
Considérant que la police d'assurance souscrite par la société des Cableries de Lens, n° 69202-019, a été conclue avec le GIE Groupe Concorde, ainsi qu'en atteste son timbre apposé à la fin d'un avenant de convention de 1995 ; qu'il résulte des pièces du dossier que c'est le GIE qui a procédé au règlement des marchandises perdues, à la suite du vol litigieux, à la société Câblerie de Lens et qui a, à la suite, bénéficié d'une quittance subrogative de cette société, au nom du GIE Groupe Concorde Branche transport ; que ce GIE, dont la dénomination est devenue GIE Generali Transports en 1997 a été dissous le 31 octobre 1999 ; que par une décision signée le 2 novembre 1999 par la société GENERALI FRANCE ASSURANCES, prise en la personne de M. LE GENTIL, décision dite « relative à la dissolution-liquidation du GIE Generali Transports », celui-ci déclare devenir propriétaire de tous les biens composant l'actif du GIE, prendre en charge les éléments de son passif et se trouver à ses droits et obligations ;
Considérant que la société GENERALI FRANCE ASSURANCES fonde son action sur cette déclaration, qui lui permettrait de venir aux droits du GIE dissous ;
Mais considérant que le GIE a été dissous le 31 octobre 1999 à la suite de l'absorption d'un de ses membres, la Compagnie continentale d'assurance, par l'autre, la société GENERALI FRANCE ASSURANCES ; que par la décision du 2 novembre 1999 susvisée, signée par la société GENERALI FRANCE ASSURANCES, sur un courrier à en-tête du GIE, il est précisé que le GIE est dissous de plein droit, selon les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 sur les GIE (codifié à l'article L. 251-19 du Code de commerce ) qui dispose : « Le groupement d'intérêt économique est dissous [*causes de dissolution*] : 1° Par l'arrivée du terme ; 2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ; 3° Par la décision de ses membres dans les conditions prévues à l'article 8 ; 4° Par décision judiciaire, pour de justes motifs [*dissolution judiciaire*] ; 5° Par le décès d'une personne physique ou par la dissolution d'une personne morale, membre du groupement, sauf stipulation contraire du contrat » ; qu'il est précisé dans cette décision que c'est à la suite de la dissolution de la Compagnie continentale d'assurance, absorbée par la société GENERALI FRANCE ASSURANCES, que le 5° de l'article précité a été mis en application ; que, précisément, l'article 21 des statuts du GIE du 8 décembre 1997, versés aux débats, avait exclu cette cause de dissolution : « Le groupement est dissous à la survenance d'une des causes prévues aux alinéas 2 à 4 de l'article 13 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 » ; que le groupement devait être en réalité dissous par la réunion de tous les droits entre les mains d'un seul membre, mais la dissolution ne prend effet, dans ce cas, qu'au jour du jugement qui la constate ; qu'en l'espèce, en l'absence de jugement constatant la dissolution, la décision relative à la dissolution-liquidation du GIE GENERALI TRANSPORTS et dans laquelle M. LE GENTIL, ès qualités de président de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES, déclare devenir propriétaire de tous les biens composant l'actif du GIE, prendre en charge les éléments du passif du GIE et se trouver aux droits et obligations du GIE, n'est pas opposable aux tiers et, notamment aux sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA ; que l'action de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES est donc irrecevable ;
Considérant, de manière surabondante, que la société GENERALI FRANCE ASSURANCES dit venir aux droits de la société CÂBLERIE DE LENS, son assurée ; que la société GENERALI FRANCE ASSURANCES ne peut détenir plus de droits que celle-la ; qu'il importe donc à la société GENERALI FRANCE ASSURANCES de démontrer que cette société a subi un préjudice résultant du transport, car l'expéditeur des marchandises, mentionné sur les lettres de voiture, est la société Lensoise du Cuivre ; qu'aucune facture n'est versée aux débats, de nature à démontrer que le préjudice a été effectivement subi par la société Câblerie de Lens, la seule facture produite étant une facture récapitulative de la société Lensoise du Cuivre, d'un montant total de 340 520,80 euros, destinée à la société FERCAM ; que si la société appelante produit un acte, effectué par la société Lensoise du Cuivre au profit des sociétés Câbleries de Lens et Concorde Assurances le 29 mai 1995, et contenant la mention « nous, sousignés Société Lensoise du Cuivre (..) déclarons céder tous nos droits relatifs à un envoi de 24 palettes de fil de cuivre destinés à Cavsi (') et Invex, comme par lettres de voiture Fercam datées 009 03 1995 n° BZ8470 ' BZ BZ 8887 ' BZ9490 ' BZ 9847 », cette prétendue cession de droits est inopposable aux intimées, les droits en cause étant impossibles à déterminer, en l'absence aux débats des factures échangées entre la société mère et sa filiale, qui viendraient attester l'existence d'une vente des marchandises litigieuses entre les deux sociétés ;
Considérant en définitive que la société GENERALI FRANCE ASSURANCES ne démontre ni venir aux droits d'une personne morale ayant subi le préjudice subi au cours du transport litigieux, ni venir aux droits de l'assureur, le GIE La Concorde ; que son action est donc irrecevable à ce double titre ;
Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement avant-dire-droit du 26 septembre 2003, ainsi que celui du 8 décembre 2010, sauf en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
- INFIRME le jugement avant-dire-droit du 26 septembre 2003, ainsi que celui du 8 décembre 2010, sauf en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile,
- ET, STATUANT À NOUVEAU,
- DÉCLARE irrecevable l'action de la société GENERALI IARD (venant aux droits de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES) contre les sociétés Fercam France et FERCAM SPA,
- DÉBOUTE en conséquence la société GENERALI IARD de l'ensemble de ses demandes,
- CONDAMNE la société GENERALI IARD aux dépens de l'instance qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- LA CONDAMNE à payer à chacune des sociétés FERCAM FRANCE et FERCAM SPA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.