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Décisions

CA Paris, 1re ch. B, 30 mai 2008, n° 06/07463

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Château les Crayères (SAS), Groupe d'Entreprise et de Participations Gardinier (SA)

Défendeur :

Directeur des Services Fiscaux de la Marne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bichard

Conseillers :

Mme Marion, M. Duval-Arnould

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Naboudet-Vogel - Hatet-Sauval

Avocat :

Me de Barthes de Montfort

TGI Paris, 2e ch. sect. 1, du 3 avr. 200…

3 avril 2006

Vu le jugement rendu le 3 avril 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté la société FINANCIERE CORTAMBERT-SOFIC et la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG de leur demande visant à obtenir la restitution des sommes, respectivement de 286 853 euros et de 287 euros, qu'elles estiment avoir payées à tort à la recette des impôts du 8ème arrondissement Europe Haussman de Paris, ensuite de l'acquisition qu'elles ont réalisée par acte sous seing privé du 27 juin 2001 auprès des sociétés COMPAGNIE GERVAIS DANONE et SAGEB, respectivement de 99 % des parts et d'une part du Groupement d'intérêt économique LES CRAYERES.

Vu l'appel interjeté par la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG, enregistrée le 21 avril 2006.

Vu les dernières conclusions déposées le :

- 8 février 2008 par la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG qui demandent à la cour de condamner l'administration fiscale à leur restituer les sommes réglées et leur payer une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi que les intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal en vigueur, sur le fondement de l'article L 208 du Livre des procédures fiscales.

- 11 février 2008 par le directeur des services fiscaux de la Marne qui demande à la cour de confirmer les décisions de rejet des réclamations contentieuses présentées par la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG, de maintenir les deux avis de mise en recouvrement en date du 12 février 2003 et de condamner chacune desdites sociétés à lui verser une indemnité de 1500 euros au titre du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 29 février 2008.

SUR CE LA COUR

La cour reprend l'énoncé des circonstances de la cause et de la procédure d'imposition suivie contre la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG rappelées dans le jugement qui lui est déféré.

Aux termes de l'article 726-1-2° du code général des impôts (dans sa rédaction applicable à la date du fait générateur de l'impôt litigieux), "Les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 4,80% pour la cession de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, à l'exception des cessions de parts ou titres du capital souscrits (...)".

La perception de ce droit proportionnel à l'occasion des cessions de droits sociaux est ainsi subordonnée à la condition qu'il existe une société légalement constituée, possédant une personnalité juridique distincte de celle des ses membres.

L'article L 251-1 du code de commerce énonce :

Deux ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent constituer entre elles un groupement d'intérêt économique pour une durée déterminée.

Le but du groupement est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité. Il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui même.

Son activité doit se rattacher à l'activité économique de ses membres et ne peut avoir qu'un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci'.

En conséquence un GIE n'étant pas juridiquement assimilable à une société, la cession des droits de ses membres échappe au droit de 4,80% et l'acte constatant la cession ne donne lieu qu'au paiement du droit fixe des actes innomés prévu à l'article 680 du code général des impôts.

En l'espèce l'administration fiscale considère, ce que contestent les sociétés appelantes, que constituait une société de fait au jour de la cession du 27 juin 2002, le GIE dénommé BOYER DES CRAYERES, constitué entre les sociétés SA CHAMPAGNE POMMERY & GRENO et la société SA CHAMPAGNE LANSON Père et Fils par contrat du 23 décembre 1982.

Cette convention énonce à titre préalable que :

CHAMPAGNE POMMERY & GRENO dèsirant valoriser son patrimoine immobilier et son image de marque, a décidé de créer, dans le cadre du château des CRAYERES, un hôtel-restaurant de très haut niveau.

CHAMPAGNE POMMERY & GRENO a demandé à CHAMPAGNE LANSON Père et Fils, société de son groupe, de s'associer à cette opération de prestige qui ne pourra qu'augmenter la notoriété de sa marque.

A la demande de (...).

Dans ce but, les soussignés ont décidé de constituer entre eux un GROUPEMENT d'INTÉRÊT ECONOMIQUE, dont ils établissent ci-après le contrat constitutif.

et mentionne son article 2 :

En vue de faciliter et de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité, le groupement a pour objet :

L'exploitation d'un hôtel bar restaurant dans le cadre du château des Crayères, 51100 Reims, et plus généralement, directement ou indirectement, l'exploitation de tous hôtels, bars, restaurants et ce, tant par la création, acquisition ou location de fonds de commerce que par prise de participations dans toutes entreprises, GIE ou sociétés françaises ou étrangères, créées ou à créer, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social.

Et généralement, toutes opérations mobilières ou immobilières susceptibles d'aider à la réalisation de l'objet ci-dessus.

Or par acte du 28 décembre 1990 les sociétés CHAMPAGNE POMMERY & GRENO et CHAMPAGNE LANSON Père et Fils ont cédé au groupe GERVAIS DANONE 75 % des parts du GIE qui, par acte du 9 juin 1999, a racheté la propriété du château Les Crayères pour la somme de 1 524 490, 17 euros.

Les sociétés appelantes exposent que la seule question qui doit être posée au regard de la qualification du groupement est non pas celle de la disparition de sa cause comme le prétend l'administration fiscale, mais celle, dont la réponse est affirmative, de l'existence à la date de la cession du 27 juin 2001,de son objet, toujours conforme à la définition donnée par l'article L 251-1 du code de commerce en dépit de l'acte du 9 juin 1999 en ce qu'il se situait dans le prolongement de l'activité des sociétés GERVAIS DANONE et SAGEB.

ET subsidiairement, tout en reconnaissant expressément qu'à la suite du rachat par le GIE de ses propres moyens d'exploitation, la cause juridique de celui-ci, telle qu'exprimée dans le contrat constitutif, savoir la valorisation de deux marques de champagne et celle du patrimoine immobilier des Crayères, a définitivement disparu, elles estiment que l'administration fiscale, en tant que tiers au contrat constitutif du GIE, ne peut invoquer l'absence de cause qui constitue une nullité relative, que la cause s'apprécie au jour de la formation du contrat et non durant son existence et qu'ainsi doit être écartée la théorie de la cause continue soutenue par l'administration fiscale, que même si la cause du GIE telle qu'exprimée originairement a pu évoluer cela n'implique pas pour autant que le groupement soit devenu sans cause ou que celle-ci ne corresponde plus à celle d'un GIE lorsque les parts de ce dernier, encore propriété du groupe Danone ont été cédées aux sociétés SOFIC et GEPAG, qu'enfin l'existence de moyens patrimoniaux et humains au sein du GIE alors même qu'il ne lui est pas interdit d'être lucratif, ne constituent pas un élément permettant de le qualifier comme société de fait ce qui nécessiterait de démontrer son caractère fictif.

Du contrat de constitution du GIE BOYER du 23 décembre 1982, comme en atteste expressément la mention insérée à titre préalable : "dans ce but les soussignés ont décidé de constituer entre eux un groupement d'intérêt économique dont ils établissent ci-après le contrat constitutif", il résulte que la valorisation du patrimoine immobilier et de l'image de marque de la société CHAMPAGNE POMMERY & GRENO ainsi que l'augmentation de la notoriété de la société CHAMPAGNE LANSON Père et Fils ont été le motif déterminant de la constitution du GIE BOYER dont l'objet consistait en l'exploitation dans le cadre du château des Crayères, d'un hôtel restaurant, établissement de luxe sous l'autorité d'un chef cuisinier de renom.

Or par l'acte de cession du 28 décembre 1990 le GIE a ainsi perdu une de ses causes constitutives, savoir celle relative à la valorisation et l'augmentation des deux marques de champagne à l'origine de sa création.

Toutefois la seconde tenant à la valorisation du patrimoine immobilier subsistant l'acquisition du GIE par le groupe Danone a ainsi bénéficié d'une taxation au droit fixe de 76 euros.

L'acte du 9 juin 1999 aux termes duquel le GIE a racheté à la société BSN la propriété du château des Crayères a eu pour conséquence directe la disparition de cette deuxième cause.

Ainsi et contrairement aux affirmations des sociétés appelantes les causes telles qu'exprimées dans le contrat constitutif du GIE n'ont pas évolué mais disparu complètement.

Il peut être considéré que le groupe Danone, groupe agro-alimentaire, ait eu un intérêt économique au maintien du GIE BOYER.

Mais du GIE dont l'activité ne peut présenter qu'un caractère auxiliaire par rapport à celle poursuivie par ses membres, la doctrine administrative ( 7 H 561, n°3, 1er septembre 1999) précise qu à l'inverse de la société, le but du groupement n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui même. Ce principe n'interdit pas à un groupement de réaliser des bénéfices, mais signifie que le profit résultant de l'action commune doit revenir non pas au GIE mais à ses membres'.

Et c'est à juste titre que le tribunal a rappelé que le GIE est essentiellement un groupement de moyens qui se juxtapose aux entreprises qui le composent.

Par conséquent bien qu'il ne soit pas interdit à un GIE de rechercher et de réaliser des profits, ceux-ci doivent cependant impérativement s'inscrire dans une action commune aux différents partenaires économiques participant à cette opération et ne bénéficier en définitive qu'à ses seuls membres.

Or à compter de l'acte du 9 juin 1999, le GIE BOYER est ainsi devenu une structure qui, disposant dès lors de l'intégralité des moyens d'existence et de production, tant patrimoniaux qu'humains, est sorti du stricte cadre d' élément de coopération destiné à la faciliter ou développer l'activité économique des sociétés porteuses de ses parts dans le prolongement de laquelle il doit impérativement se situer au regard des dispositions de l'article L 251-1 du code de commerce.

La cession litigieuse du 27 juin 2001 opérée en faveur de deux sociétés domiciliées à la même adresse, qui ont les mêmes dirigeants et dont l'objet est la prise de participation, gestion de toute valeur mobilière et plus généralement toute forme de placements et qui n'exerçait lors de l'acquisition aucune activité se rattachant directement à celle poursuivie par le GIE BOYER et susceptible d'être valorisée par la notoriété de l'établissement d'hôtel restaurant exploité, a ainsi définitivement consacré l'autonomie du dit groupement par rapport à ses membres, qui a ainsi dégénéré en une société de fait justifiant ainsi l'application les redressements opérés par l'administration fiscale.

Comme l'a relevé le tribunal et sans qu'il soit dès lors nécessaire de s'interroger sur le caractère fictif du GIE BOYER, l'acquisition de ses parts a correspondu à un placement financier avec l'achat d'une entreprise dotée de l'ensemble de ses moyens de production.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée.

L'équité commande d'accueillir selon les modalités fixées au dispositif de cette décision, la demande présentée par le directeur des services fiscaux de la Marne en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions.

Condamne la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG, chacune, à verser au directeur des services fiscaux de la Marne une indemnité de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la société FINANCIÈRE CORTAMBERT-SOFIC et la société SA GROUPE D'ENTREPRISES ET DE PARTICIPATION GARDINER-GEPAG aux dépens dont distraction au profit de la SCP Naboudet-Hatet, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.