Cass. 2e civ., 7 avril 2016, n° 15-12.307
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Rapporteur :
M. de Leiris
Avocat général :
M. Mucchielli
Avocats :
Me Delamarre, SCP Bouzidi et Bouhanna
Sur le moyen unique :
Vu les articles 2427, alinéa 1er, du code civil, et 28, 1°, 30, paragraphe 1, et 37, dernier alinéa, du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, les créanciers privilégiés ne peuvent prendre utilement inscription sur le précédent propriétaire, à partir de la publication de la mutation opérée au profit d'un tiers ; qu'il résulte de la combinaison des seconds, que lorsque la demande en justice, tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'un acte soumis à publicité, fait l'objet d'une publication, la mutation est opposable aux tiers à dater de cette formalité, si elle a été suivie, dans le délai de trois ans, de la publication de la décision judiciaire la constatant ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'une assignation que M. X... et Mme Y... ont fait délivrer à M. Z... puis fait publier au service chargé de la publicité foncière le 25 mai 2009, une cour d'appel a dit que M. Z... avait vendu à M. X... et Mme Y... un immeuble et que la décision valait titre de propriété en vue des formalités de publicité foncière ; que M. X... et Mme Y... ont fait publier cette décision le 19 mai 2011, date à laquelle le Crédit agricole des Savoie (la banque) a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur ce même bien, du chef de M. Z..., sur le fondement d'une ordonnance portant injonction de payer, revêtue de la formule exécutoire le 27 septembre 2007 ; que se prévalant de l'antériorité de son inscription d'hypothèque, la banque a fait délivrer un commandement valant saisie de cet immeuble à son débiteur ainsi qu'à M. X... et Mme Y..., ceux-ci en qualités de tiers détenteurs ; que ces derniers ont intejeté appel du jugement d'orientation du juge de l'exécution ayant ordonné la vente forcée de l'immeuble ;
Attendu que pour confirmer le jugement et débouter M. X... et Mme Y... de leurs prétentions aux fins de voir juger que l'hypothèque inscrite par la banque leur était inopposable et qu'en conséquence le commandement aux fins de saisie immobilière qui leur avait été délivré était nul et de nul effet et d'ordonner la radiation de cette inscription d'hypothèque, la cour d'appel, après avoir rappelé que l'article 31-2 du décret du 4 janvier 1955 dispose que lorsqu'une formalité obligatoire en vertu des 1° à 3° de l'article 28 est de nature à produire des effets opposables aux tiers en vertu de l'article précédent, à savoir l'article 30 auquel renvoie l'article 37-2 invoqué par M. X... et Mme Y..., et une inscription d'hypothèque, sont requises le même jour relativement au même immeuble, et que l'acte à publier et le titre de l'inscription portent la même date, l'inscription est réputée d'un rang antérieur, quel que soit l'ordre du registre susvisé, retient qu'a fortiori, lorsque comme en l'espèce le titre de l'inscription, constitué par l'ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire du 27 septembre 2007, est antérieur à l'acte à publier, constitué par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 18 janvier 2011, et pas seulement concomitant, l'inscription hypothécaire est réputée de rang antérieur, que le contraire serait d'ailleurs inconciliable avec les dispositions du premier alinéa de l'article 2427 du code civil dont il résulte que les créanciers hypothécaires peuvent utilement prendre inscription sur le précédent propriétaire jusqu'à la publication de la mutation opérée au profit d'un tiers, que l'hypothèque que la banque a fait inscrire le 19 mai 2011, sur le bien immobilier appartenant à M. Z... est donc opposable à M. X... et Mme Y... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision de justice emportant mutation, au profit de M. X... et Mme Y... ayant été publiée moins de trois ans suivant la publication de l'assignation qu'ils avaient fait délivrer à cette fin à M. A..., elle était opposable aux tiers dès cette première publication, après laquelle les inscriptions d'hypothèques prises du chef de leur vendeur ne leur étaient plus opposables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.