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Décisions

Cass. 1re civ., 13 novembre 2014, n° 13-25.614

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocat :

SCP Boullez

Paris, du 24 oct. 2013

24 octobre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2013), que, mis en examen du chef d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers en France d'étrangers, en bande organisée, M. X..., avocat, a été placé en détention provisoire, puis sous contrôle judiciaire par un arrêt de la chambre de l'instruction du 6 mai 2013 ; que le procureur général a demandé que l'intéressé soit suspendu provisoirement de ses fonctions en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, mesure que le conseil de l'ordre a refusé de prononcer ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre autres branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt infirmatif de le suspendre provisoirement de ses fonctions d'avocat pour une durée de quatre mois, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne accusée a droit au respect de la présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'a pas été légalement établie ; que ce principe tutélaire est méconnu si, même en l'absence de constat formel, le juge laisse entendre qu'il considère l'intéressé comme coupable ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaquée que la juridiction du fond s'est référée, aux fins de suspendre M. X... de son exercice professionnel, à la motivation de l'arrêt en date du 6 mai 2013 qui affirmait « que l'infraction est commise à l'occasion de l'activité d'avocat et qu'il est à redouter qu'elle se renouvelle » ; qu'il en ressort également qu'elle a tenu pour établi qu'il poursuivait ses activités en dépit d'une précédente mise en examen ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que la mesure de suspension provisoire ne peut reposer sur l'imputabilité à l'avocat d'une quelconque faute pénale ; qu'en l'espèce, pour justifier la suspension provisoire de son exercice professionnel, la cour d'appel a considéré « que l'infraction est commise à l'occasion de l'activité d'avocat et qu'il est à redouter qu'elle se renouvelle » et que M. X... poursuivait ses activités en dépit d'une précédente mise en examen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 ;

3°/ que selon les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial et indépendant ; qu'il en résulte que le droit au procès équitable commande au juge de motiver sa décision de manière à garantir des droits concrets et effectifs ; que la motivation d'une décision doit en conséquence établir l'impartialité de la juridiction ; que les articles 455 et 458 du code de procédure civile prohibent la reproduction des conclusions d'appel de la partie à laquelle une cour d'appel donne satisfaction ; qu'en s'appropriant les conclusions du procureur général, la cour d'appel qui a statué par une apparence de motivation, sans procéder à aucune appréciation ou analyse personnelle, a fait peser un doute légitime sur son impartialité, qu'ainsi elle n'a pas satisfait aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que tout justiciable a droit à un procès équitable, ce qui s'entend d'un tribunal subjectivement impartial ; que l'impartialité suppose un examen véritable des faits et une réponse donnée à l'ensemble des moyens développés par une partie ; qu'en se bornant à reproduire sur tous les points en litige les termes des conclusions du procureur général, la cour d'appel qui a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction du fond, n'a pas d'avantage satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la suspension provisoire des fonctions prévue à l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée est une mesure de sûreté conservatoire dont le prononcé n'implique pas qu'il soit pris parti sur l'imputabilité d'une quelconque faute pénale ou disciplinaire de l'avocat ; que, partant, les motifs par lesquels le juge, vérifiant la réunion des conditions légales qui lui ouvrent la faculté d'ordonner cette mesure, constate l'existence de poursuites pénales en cours, ne sauraient enfreindre la présomption d'innocence ;

Qu'ensuite, c'est sans méconnaître l'exigence d'impartialité que, procédant à l'analyse des faits reprochés à M. X..., la cour d'appel, après avoir relevé que ces agissements dénotaient une participation active à l'aide à l'entrée et au séjour en France de personnes de nationalité philippine en situation irrégulière, a estimé, par une appréciation propre, que la protection du public, et plus précisément celle de ces ressortissants étrangers qui attirés sur le territoire national contre rémunération, s'exposent à être reconduits à la frontière, après une rétention et des mesures coercitives de nature pénale, imposait la suspension provisoire qu'elle a, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, décidé d'ordonner ;

Que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.