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Décisions

Cass. 2e civ., 18 février 2016, n° 14-24.321

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Liénard

Rapporteur :

M. Adida-Canac

Avocat général :

M. Mucchielli

Avocats :

Me Rémy-Corlay, SCP Bénabent et Jéhannin

Aix-en-Provence, du 28 mars 2014

28 mars 2014

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2014), que la société Landsbanki Luxembourg (la banque), actuellement en liquidation judiciaire, ayant été mise en examen, le juge d'instruction a ordonné le 28 novembre 2012 la saisie pénale de la créance que la banque détenait sur M. et Mme X... au titre d'un solde de prêt impayé ; que le 19 avril 2013, le liquidateur de la banque, ès qualités, a fait délivrer à M. et Mme X... un commandement de payer valant saisie immobilière ; que M. et Mme X... ont interjeté appel du jugement d'orientation ayant ordonné la vente forcée ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'annuler la procédure de saisie immobilière, de rejeter les demandes de la société Landsbanki et de payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la saisie pénale n'interdit toute procédure civile d'exécution que sur le bien objet de la saisie pénale ; que la saisie pénale d'une créance ne fait donc pas obstacle à la saisie de l'immeuble qui la garantit, qui a un autre objet ; qu'en retenant pourtant que la saisie pénale de la créance de la société Landsbanki aurait pour effet d'interdire à cette dernière de diligenter une procédure de saisie sur l'immeuble affecté en garantie hypothécaire de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 706-145, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

2°/ que le créancier hypothécaire qui diligente une procédure de saisie immobilière, cependant que sa créance de somme d'argent a fait l'objet d'une saisie pénale, n'appréhende aucunement la créance à son profit puisque le prix d'adjudication doit faire l'objet d'une consignation à la Caisse des dépôts et consignations ; qu'en poursuivant une telle saisie immobilière, le créancier ne dispose donc pas de la créance objet de la saisie pénale ; qu'en retenant cependant, pour annuler la procédure de saisie immobilière diligentée par l'exposante, qu'« en poursuivant la saisie de l'immeuble affecté à la garantie de la créance saisie (...) le créancier (...) exerce une action tendant à mobiliser le montant de sa créance à son profit, et de la sorte prétend disposer du bien saisi », la cour d'appel a violé les articles 706-145, alinéa 1er, et 706-155 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'aucune des parties ne soutenait, devant la cour d'appel, qu'en diligentant une procédure de saisie immobilière, l'exposante aurait transformé la créance objet de la saisie pénale ; que pour annuler cette procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a pourtant retenu qu'« il résulte (...) des dispositions des articles 706-141 et 706-143 du code de procédure pénale que (...) le propriétaire ou le détenteur du bien saisi a la charge de l'entretien et de la conservation de celui-ci et ne peut procéder à un acte ayant pour conséquence de transformer le bien qu'avec l'autorisation du juge d'instruction qui a ordonné la saisie », et qu'en poursuivant la saisie de l'immeuble garantissant la créance objet de la saisie pénale, l'exposante aurait « transform é par force le bien saisi en somme d'argent », en violation des articles précités faute d'être en mesure de se prévaloir des autorisations prévues par la loi ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le créancier hypothécaire qui diligente une procédure de saisie immobilière n'opère nullement une transformation de sa créance, soumise à autorisation lorsque cette créance fait l'objet d'une saisie pénale ; qu'en jugeant, au contraire, qu'en poursuivant la saisie pénale de l'immeuble garantissant sa créance, l'exposante aurait « transformé », sans autorisation, ladite créance « en somme d'argent », la cour d'appel a violé l'article 706-143 du code de procédure pénale ;

5°/ que le juge d'instruction a énoncé, dans les motifs de son ordonnance de saisie du 28 novembre 2012, qu'il y avait lieu de « suspendre toute procédure civile d'exécution relative à la créance saisie » ; que ce faisant, le juge d'instruction n'a fait que reproduire l'interdiction, posée par l'article 706-145, alinéa 2, du code de procédure pénale, de diligenter une procédure civile d'exécution sur le bien objet de la saisie pénale ; que ce motif de l'ordonnance de saisie pénale n'emportait donc pas interdiction pour la banque de diligenter une procédure de saisie sur l'immeuble garantissant la créance saisie ; que dès lors, à supposer qu'en retenant que le juge d'instruction avait « expressément exclu que la société Landsbanki agisse pour mobiliser sa créance », la cour d'appel ait entendu viser ce motif de l'ordonnance de saisie pénale, alors elle a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale, en violation de l'article L. 706-145 du code de procédure pénale ;

Mais attendu que la saisie pénale du 28 novembre 2012 ayant rendu la créance cause de la saisie indisponible en application de l'article L. 706-145 du code de procédure pénale, la banque ne pouvait valablement faire délivrer le 19 avril 2013 un commandement de saisie immobilière, que l'article R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution assimile à un acte de disposition, et qui constitue un acte d'exécution forcée ;

Que par ces motifs, substitués à ceux critiqués après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.