Cass. 2e civ., 17 mars 2016, n° 15-10.611
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
Me Haas, Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque commerciale du marché nord Europe (BCMNE) a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à Mme X... puis l'a assignée devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance pour voir ordonner la vente forcée du bien ; que la Société générale (la banque) n'ayant pas déclaré sa créance, elle a saisi le juge de l'exécution d'une requête en relevé de forclusion à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 11 décembre 2013 ; que la société CIC Est a saisi le juge de l'exécution pour voir rétracter cette ordonnance et rejeter la demande de relevé de forclusion ; que la banque a conclu à la nullité de la dénonciation du commandement de payer ; que Mme X... a quant à elle sollicité l'autorisation de procéder à la vente amiable du bien saisi ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société CIC Est fait grief à l'arrêt d'autoriser la vente amiable de douze parcelles situées à Prouilly, Courcelles-Sapicourt et Jouy-lès-Reims (Marne), en fixant le prix minimum à seulement 700 000 euros net vendeur, alors, selon le moyen, que le CIC Est soutenait que, si les parcelles dont la vente était projetée étaient grevées d'un bail, le futur acquéreur n'était autre que le locataire desdites parcelles, de sorte qu'après cette acquisition, les parcelles ne seraient plus grevées d'un bail ; qu'elle en déduisait qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer, pour déterminer le prix de vente, un abattement de 1, 5 % par année de bail à courir ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour fixer le prix de vente après prise en compte d'un tel abattement, qu'en considération de la situation juridique particulière des parcelles en litige, et notamment de la qualité de preneur à bail de M. Clément Y... sur la totalité de celles-ci, pour une durée de 29 ans à compter du 1er juillet 2011, l'estimation du notaire, qui avait une bonne connaissance du marché immobilier, était conforme aux conditions économiques du marché et se trouvait en adéquation avec l'évaluation donnée en première instance par le service des domaines, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la circonstance que le futur acquéreur ait été le preneur à bail des parcelles impliquait qu'il n'y avait pas lieu, pour la détermination du prix de vente, de prendre en considération l'existence d'un bail destiné à s'éteindre par suite de l'acquisition des parcelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 322-15, alinéa 2, et R. 322-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'en considération de la situation juridique particulière des parcelles en litige, et notamment de la qualité de preneur à bail de M. Y... sur la totalité de celles-ci, pour une durée de 29 ans à compter du 1er juillet 2011, l'estimation proposée était conforme aux conditions économiques du marché et se trouvait en adéquation avec l'évaluation donnée en première instance par le service des domaines, par l'intermédiaire du comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne et qu'en outre la banque CIC se bornait à contester la valeur envisagée par la débitrice, sans cependant verser aux débats une quelconque évaluation venant contredire cette valeur, la cour d'appel, qui a souverainement fixé le prix auquel elle autorisait la vente amiable, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article R. 322-12, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que le créancier qui justifie que sa défaillance n'est pas de son fait peut demander à être autorisé à déclarer sa créance postérieurement au délai imparti ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société CIC Est aux fins de rétractation de l'ordonnance du 11 décembre 2013, l'arrêt retient que l'inaction de la Société générale dans le délai de l'article R. 322, alinéa 1, n'est pas due à une carence fautive de sa part, M. A... n'ayant jamais transmis la dénonciation du commandement de payer à sa mandante, laquelle s'est elle-même inquiétée de l'existence d'une procédure de saisie immobilière pouvant la concerner ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la dénonciation avait été signifiée en l'étude de M. A..., notaire chez qui domicile avait été élu par la banque, ce dont il ressortait qu'il en était le mandataire, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la défaillance de la banque n'était pas de son fait, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence de la partie du dispositif critiquée par le moyen unique du pourvoi incident éventuel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT n'y avoir lieu de mettre Mme X... épouse Y... hors de cause ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité pour vice de forme soulevées par la Société générale contre l'acte de dénonciation du commandement de payer valant saisie signifié le 16 juillet 2013 et débouté la société CIC Est de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 11 décembre 2013, l'arrêt rendu le 16 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.