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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 juillet 2019, n° 18/06018

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DANYLENE (SCI)

Défendeur :

KM CAFE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme THAUNAT

Conseiller :

Mme GIL

TGI Paris, du 16 mars 2018

16 mars 2018

 

Par acte non daté, la SCI DANYLENE et Mme S. P. veuve B. ont donné à bail en renouvellement, d'un bail du 11 décembre 1995, à la société LE RELAIS des locaux à usage de restaurant brasserie situés [...], pour une période de neuf années à compter du 1er juillet 2005 moyennant un loyer annuel en principal de 22.000 euros assorti d'une clause d'indexation.

 

Par acte du 15 juin 2007, la société LE RELAIS a cédé son fonds de commerce à la société KM CAFE.

 

Par acte extrajudiciaire du 29 avril 2014 délivré à la société NEXITY en sa qualité de gérant mandataire des propriétaires des locaux loués, la société KM CAFE a sollicité le renouvellement de son bail pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2014.

 

Soutenant qu'en l'absence de réponse du bailleur à cette demande avant le 1er juillet 2016, le bail avait été renouvelé au prix antérieur à compter du 1er juillet 2014, la société KM CAFE a fait assigner par acte du 15 novembre 2016 la SCI devenue seule propriétaire devant le présent tribunal aux fins de voir constater que son bail avait été renouvelé pour neuf années à compter du 1er juillet 2014 au prix du bail expiré.

 

Par jugement du 16 mars 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

 

-Déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la SCI DANYLENE,

 

-Déclaré régulière la demande en renouvellement de son bail délivrée le 29 avril 2014 par la société KM CAFE à la société SA NEXITY,

 

-Dit que le bail liant la SCI DANYLENE et la société KM CAFE et portant sur des locaux situés [...] s'est renouvelé pour une durée de neuf années aux clauses et conditions du bail expiré à compter du 1er juillet 2014,

 

-Fixé à la somme annuelle en principal de 26.631,60 euros le prix du bail renouvelé,

 

-Condamné la SCI DANYLENE aux dépens,

 

-Condamné la SCI DANYLENE à payer à la société KM CAFE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

-Ordonné l'exécution provisoire,

 

-Rejeté toute demande plus ample ou contraire.

 

Par déclaration du 21 mars 2018, la SCI DANYLENE a interjeté un 'appel total' de ce jugement.

 

Par conclusions notifiées par le RPVA le 27 mars 2018, la SCI DANYLENE a demandé à, la cour de :

 

DIRE recevable et bien fondé la SCI DANYLENE en son appel ;

 

EN CONSEQUENCE :

 

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris ;

 

Statuant à nouveau :

 

DIRE que la demande en renouvellement du bail commercial du 1 er juillet 2005 de la société KM CAFE délivrée le 29 avril 2014 à la société SA NEXITY est irrégulière ;

 

DIRE que le bail liant la SCI DANYLENE et la société KM CAFE et portant sur les locaux situés [...] se poursuit par tacite

 

prorogation depuis le 30 juin 2014 ;

 

CONDAMNER la société KM CAFE à payer à la SCI DANYLENE la somme de

 

3.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

CONDAMNER la société KM CAFE aux dépens.

 

Par conclusions notifiées par le RPVA le 21 juin 2018, elle a à nouveau conclu, en reprenant à l'identique le dispositif de ses conclusions.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 juin 2018, la SCI DANYLENE demande à la Cour de :

 

Vu la demande de renouvellement doublement irrégulièrement signifiée à la SCI DANYLENE;

 

DIRE recevable et bien fondé la SCI DANYLENE en son appel ;

 

EN CONSEQUENCE :

 

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris ;

 

Statuant à nouveau :

 

ENJOINDRE à la société KM CAFE de communiquer l'acte original de la signification de sa demande de renouvellement ;

 

DIRE que la demande en renouvellement du bail commercial du 1er juillet 2005 de la société KM CAFE délivrée le 29 avril 2014 à la société SA NEXITY est irrégulière ;

 

DIRE que le bail liant la SCI DANYLENE et la société KM CAFE et portant sur les locaux situés [...] se poursuit par tacite prorogation depuis le 30 juin 2014 ;

 

CONDAMNER la société KM CAFE à payer à la SCI DANYLENE la somme de 3.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

CONDAMNER la société KM CAFE aux dépens.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 juin 2018, la SARL KM CAFE demande à la Cour de :

 

Vu l'article 562 du Code de procédure civile,

 

Vu les articles L145-10 et L145-60 du Code de commerce,

 

Vu la demande de renouvellement du bail en date du 29 avril 2014,

 

A titre principal,

 

DIRE et JUGER que la déclaration d'appel est privée de tout effet dévolutif ;

 

DIRE la Cour non saisie de chefs de jugement à réformer.

 

VU l'absence d'appel incident saisissant la Cour,

 

En conséquence

 

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

 

A titre subsidiaire,

 

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 16 mars 2018 en ce qu'il a FIXE le loyer du bail renouvelé à la somme de 26 631,60 € ; Dans tous les cas,

 

CONDAMNER la Société DANYLENE au paiement de la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

CONDAMNER la Société DANYLENE au paiement des entiers dépens d'appel.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2019.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Sur l'absence de saisine de la cour

 

L'intimée soutient que l'appelante ayant interjeté un 'appel total', sans préciser les chefs critiqués, et cette déclaration d'appel n'ayant pas été régularisée dans le délai de trois mois pendant lequel l'appelante pouvait y procéder, la déclaration d'appel est privée de tout effet dévolutif et la cour n'est pas saisie de chef de jugement à réformer.

 

L'appelante qui conclut à la recevabilité de l'appel qu'elle a interjeté, réplique que la déclaration d'appel doit être complétée par les conclusions déposées à son soutien, lesquelles ont été notifiées dans les délais de l'article 908 du code de procédure civile par le RPVA le 27 mars 2018, que de surcroît l'intimée n'a présenté aucune demande de nullité de l'acte d'appel, avant toute demande au fond, devant le conseiller de mise en état et ne justifie d'aucun préjudice.

 

La cour relève que l'appel ayant été interjeté le 21 mars 2018, les textes applicables en l'espèce sont les articles 562 et 901 du code de procédure civile dans leur rédaction modifiée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

 

L'article 562 du code de procédure civile dispose que :

 

"L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

 

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du

 

jugement ou si l'objet du litige est indivisible."

 

]

 

L'article 901 dudit code que :' La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :

 

[...]

 

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.[...]'

 

En l'espèce, l'intimée n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir prononcer la nullité de l'acte d'appel. L'appelante n'a pas régularisé l'acte d'appel litigieux par un nouvel acte d'appel.

 

Il convient d'observer, qu'à supposer que seule une nouvelle déclaration d'appel soit susceptible de régulariser la déclaration d'appel litigieuse, et non des conclusions signifiées dans les délais de l'article 908, la cour demeurerait quand même saisie, aucune distinction ne pouvant raisonnablement être faite entre une déclaration d'appel portant, comme en l'espèce la mention 'appel total' et une déclaration d'appel, reproduisant l'intégralité du dispositif du jugement entrepris, dont il n'est pas soutenu dans cette dernière hypothèse, qu'elle n'emporterait pas effet dévolutif en application de la nouvelle rédaction de l'article 562 du code de procédure civile.

 

En décider autrement aurait pour effet de priver l'appelant du droit effectif et concret d'accès à un tribunal, compte tenu de la disproportion de la sanction envisagée, s'agissant de la non-saisine de la cour, qui n'est pas conforme aux exigences de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

Sur la régularité de la demande de renouvellement signifiée le 29 avril 2014

 

La société bailleresse soutient que cette demande de renouvellement du bail est irrégulière aux motifs que la clause "durée" du bail en date du 1er juillet 2005 stipulerait que tout congé du preneur doit être donné au domicile du bailleur, que ledit bail contient de surcroît une clause claire et précise d'élection de domicile, ôtant toute validité à une signification au domicile du gestionnaire ; que cet acte a été signifié à la société NEXITY, laquelle emploie 1200 collaborateurs à son siège social et qu'un acte ne portant pas mention d'une direction précise n'est pas remis aux éventuels interlocuteurs, alors que la gestionnaire des lots dont s'agit est NEXITY PARIS BUREAUX COMMERCIAUX, que la remise de cet acte dans ces conditions cause grief à la SCI, alors qu'elle avait prévu une clause de domiciliation pour éviter cette difficulté.

 

Elle indique qu'elle est en droit de solliciter la communication de l'acte original de la demande de renouvellement, pour autant elle ne précise pas la nécessité où elle se trouverait de solliciter la production aux débats de l'acte original. En conséquence, la cour considère comme répondant à cette demande de communication de pièce, celle en original de l'expédition délivrée par l'huissier à son requérant.

 

Il résulte de l'examen de cet acte intitulé 'demande de renouvellement de bail' qu'il a été délivré par l'huissier de justice le 29 avril 2014, à la requête de la SARL KM CAFE, à la SA 'NEXITY', dont le siège est [...], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro SIREN 444 346 795, prise en la personne de ses représentants légaux, gérant mandataire des propriétaires de divers locaux à usage commercial sis à [...], à l'angle de ces voies'; Selon le dernier feuillet de l'acte, celui-ci a été remis 'par clerc assermenté (...) à la SA NEXITY dont le siège social est à [...], agissant par son président directeur général (...) et à l'adresse ci-dessus, la copie a été remise à Mme D. Isabelle secrétaire ainsi déclarée, qui a affirmé être habilitée à recevoir copie de l'acte et confirmé que le domicile ou siège social du destinataire était toujours à cette adresse. La lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile a été adressée ce jour(...)'. Dans cet acte la société locataire rappelait que la SCI DANYLENE et Mme Simone B. avaient donné à bail à la SARL LE RELAIS, aux droits de laquelle se trouve actuellement la SARL KM CAFE, des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble sis à [...], à l'angle de ces voies pour une durée de 9 années entières et consécutives ayant commencé à courir le 1er juillet 2005 pour se terminer le 30 juin 2014 ; que la requérante remplissait les conditions prescrites par les dispositions légales et réglementaires pour bénéficier du droit au renouvellement du bail ; que conformément à l'article L145-10 du code de commerce, la requérante entendait par les présentes demander le renouvellement de son bail pour une durée de 9 ans à partir du 1er juillet 2014. Cet acte reproduisait en outre l'alinéa 4 de l'article L145-10 du code de commerce.

 

L'article L145-10 du code de commerce dans sa version modifiée par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 , applicable en l'espèce, dispose que :

 

'A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire

 

la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.

 

La demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous.

 

Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous.

 

Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.'

 

(...)'

 

L'acte sous seing privé, non daté, à effet du 1er juillet 2005, portant renouvellement du bail consenti par la SCI DANYLENE et Mme Simone Saint à la SARL LE RELAIS , portant sur les dits locaux, contient une clause intitulée 'durée' qui stipule que:

 

'le preneur aura la faculté de résilier le contrat, à l'expiration de chaque période triennale, par exploit d'huissier notifié au bailleur six mois au moins avant la date prévue' ; et, en fin de bail, une clause intitulée 'élection de domicile' qui stipule que 'pour l'exécution des présentes et de leurs suites, y compris la signification de tous les actes, le bailleur fait élection de domicile à son siège social et le preneur dans les lieux présentement loués'.

 

La cour retient que c'est à juste titre que le preneur fait valoir, que la clause 'durée' relative aux formes que doit revêtir la demande de congé triennal donné par le preneur ne peut correspondre aux 'stipulations contraires de la part du bailleur, écartant la possibilité de remise de la demande de renouvellement au mandataire du bailleur', puisque cette clause ne vise pas la demande de renouvellement mais le congé triennal. En outre, la cour relève que la clause d'élection de domicile pour le bailleur, n'est pas suffisamment précise pour constituer une stipulation contraire au sens de l'article L145-10 sus visé. En conséquence, la demande de renouvellement pouvait régulièrement être signifiée conformément à l'article L145-10 au siège social du mandataire du bailleur.

 

Cette signification faite au siège social de la société mandataire et remise à une de ses salariées se déclarant habilitée à recevoir l'acte, est régulière, aucun texte n'imposant de préciser dans l'acte quelle direction de cette société était en charge du dossier.

 

Dans ces conditions, la demande de renouvellement du preneur ayant été régulièrement signifiée au bailleur, le bail s'est renouvelé aux clauses et conditions du bail expiré ainsi que l'a constaté le premier juge.

 

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris.

 

Sur les demandes accessoires

 

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne le sort des dépens et des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il ne sera pas fait application de l'article 700 en cause d'appel et l'appelante qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

 

Déclare la cour saisie de l'examen du litige,

 

Confirme le jugement entrepris,

 

Dit n'y a voir lieu en cause d'appel à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Condamne la SCI DANYLENE aux dépens de l'appel.