CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 mai 2013, n° 12/00724
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
CARRE BLANC DISTRIBUTION (SAS)
Par acte sous seing privé en date du 15 avril 1999, Monsieur Pierre M. et Madame Rose-Marie B., son épouse, ont donné en location à la SARL TAMO, aux droits de laquelle intervient la société CARRE BLANC BOUTIQUES, pour une durée de neuf années à compter du 15 avril 1999, un immeuble à usage commercial situé à [...].
A l'issue, le bail s'est poursuivi.
Suite au décès de Monsieur Pierre M., le 12 mars 2001, et de Madame Rose-Marie B., le 23 août 2007, leurs héritiers, Madame Catherine M. et Monsieur Philippe M. sont devenus propriétaires de l'immeuble qui a été cédé le 30 janvier 2009 à la SCI B..
Par acte d'huissier du 27 août 2008, la SAS CARRE BLANC BOUTIQUES a fait délivrer à la SCP F. R., 'en tant que de besoin, mandataire de Monsieur M. Pierre et de Madame B. Rose-Marie' une demande de renouvellement du bail commercial.
Considérant que cette demande n'était pas valable, la SCI B. a saisi le tribunal de grande instance de Lille, qui par jugement contradictoire du 31 octobre 2011 l'a déboutée de sa demande, a dit que la demande de renouvellement du 27 août 2008 avait été valablement formée et a condamné la SCI B. à payer à la SAS CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 6 février 2012, la SCI B. a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 mai 2012, elle demande l'infirmation du jugement déféré, de dire que la demande de renouvellement du bail signifiée le 27 août 2008 à la SCP F. R. est nulle, de débouter la société CARRE BLANC BOUTIQUES de toutes ses demandes, de condamner la SAS CARRE BLANC BOUTIQUES à lui payer une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'à la date du 27 août 2008, la SCP F. R. ne pouvait être mandataire de Monsieur Pierre M. et de Madame Rose-Marie B. décédés. Elle soutient que l'acte a été délivré à un destinataire ne disposant d'aucun pouvoir ce qui constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte sans que sa mise en oeuvre nécessite un grief. Elle ajoute que la société locataire, qui a été informée du changement de bailleur dès le 18 septembre 2008 et qui avait connaissance du nom des nouveaux propriétaires qui figuraient sur les quittances antérieures à la demande de renouvellement, a négligé de délivrer une demande de renouvellement à la bonne personne. Elle considère que la société CARRE BLANC disposait bien des informations nécessaires à la délivrance d'un acte valide et qu'il lui appartenait de les communiquer à l'huissier de justice mandaté. Elle précise que le débat ne porte pas sur la théorie du mandat apparent mais sur la nullité d'un acte délivré à l'attention de propriétaires décédés ou de leur mandataire qui avait de fait perdu cette qualité alors même que la société locataire ne pouvait nier avoir connaissance du changement de propriétaires. Elle en conclut que l'erreur sur l'identité du bailleur prive l'acte de tout effet, peu important que le mandataire ou le gestionnaire soit resté le même. Elle indique, enfin, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait connaître au locataire sa décision de refus de renouvellement dès lors que la demande de renouvellement était entachée de nullité.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 juillet 2012, la SAS CARRE
BLANC BOUTIQUES demande la confirmation du jugement déféré outre la condamnation de la SCI B. à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que sa demande de renouvellement n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part de l'étude notariale ; qu'elle n'a eu connaissance des coordonnées des nouveaux propriétaires que le 27 octobre 2008 ; qu'elle n'a été informée que le 2 février 2009 d'une vente intervenue entre les nouveaux propriétaires et la SCI B. ; qu'à cette date aucune contestation n'a été soulevée quant à la demande de renouvellement ; qu'aucune réponse ne lui ayant été signifiée dans le délai de trois mois de l'article L145-10 alinéa 4 du code de commerce, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ; que l'acte délivré le 27 août 2008 respecte toutes les mentions prévues par l'article 648 du code de procédure civile ; qu'il a été délivré à la bonne personne qui a déclaré être habilitée à le recevoir ; qu'il a été fait par celui qui avait capacité ou pouvoir pour le faire ; que l'article 117 du code de procédure civile n'est pas applicable au destinataire de l'acte ; qu'en application de l'article L145-10 alinéa 2 du code de commerce, le gérant du bailleur est réputé avoir qualité pour recevoir la demande du locataire sauf dispositions contraires ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il ne peut être contesté qu'elle a voulu toucher le gestionnaire de l'immeuble et non le bailleur lui-même ; que le mandat de gestion s'est poursuivi avec Monsieur Philippe M. et Madame Catherine M. ; qu'elle n'avait pas à vérifier les pouvoirs de la SCP F. R. du fait notamment de l'autorité et de l'honorabilité de l'office notarial et de la gestion des biens des mandants depuis très longtemps.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 février 2013.
SUR CE
L'article L145-10 du code de commerce stipule 'qu'à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précédent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa reconduction. La demande de renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extra-judiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous. Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous. Dans les trois mois de la signification de la demande de renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus'.
Il se déduit de ces dispositions, qu'en l'absence de disposition contraire dans le bail ou de volonté du bailleur, notifiée au locataire, de recevoir personnellement la demande de renouvellement, le gérant est réputé avoir qualité pour la recevoir.
Ces dispositions dérogatoires relatives à la notification de la demande de renouvellement ne peuvent être comparées, comme tente de le faire l'appelante, à celles applicables au congé qui lui doit nécessairement être notifié au bailleur lui-même.
Il est établi par les mentions figurant sur l'acte délivré le 27 août 2008 que la société locataire a entendu faire application de la possibilité donnée par le texte ci-dessus d'adresser la demande de renouvellement, non au bailleur lui-même, mais au gestionnaire de l'immeuble.
Il n'est pas contesté que cet acte délivré à Madame T., comptable de la SCP F. R., qui a déclaré être habilitée à le recevoir, répond aux exigences de l'article 648 du code de procédure civile.
S'il est constant qu'à cette date, la SCP F. R. ne pouvait plus avoir la qualité de mandataire de Monsieur M. Pierre et de Madame B. Rose-Marie en raison du décès de ces derniers, la SCI B. ne démontre pas que la SCP F. R. n'avait pas la qualité de mandataire de leurs héritiers devenus propriétaires en l'absence de preuve de ce que ceux-ci auraient refusé à l'office notarial le pouvoir de prendre un engagement en leur nom et qu'ils en auraient informé la société locataire.
Il est, au contraire, justifié par la production de courriers et des avis d'échéance de loyers de l'année 2008 que la SCP F. R. avait conservé la gestion de l'immeuble.
Contrairement à ce que soutient la SCI B., la mention 'en tant que de besoin, mandataire de Monsieur M. Pierre et de Madame B. Rose-Marie' qui comporte une erreur sur l'identité des mandants n'est pas une cause de nullité de fond de l'acte dès lors qu'elle ne modifie pas l'identité du destinataire de l'acte à savoir la SCP F. R. en sa qualité de gestionnaire de l'immeuble.
Ainsi, la demande de renouvellement, adressée à une personne qui avait qualité pour la recevoir a produit effet, peu important à cet égard la date à laquelle la société locataire a été effectivement informée du changement de bailleur.
Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
La SCI B. qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS CARRE BLANC BOUTIQUES les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens; il lui sera alloué la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute la SCI B. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI B. à payer à la SAS CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI B. aux dépens dont distraction au profit de Maître C., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.