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Décisions

Cass. 2e civ., 21 décembre 2006, n° 05-11.262

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Poitiers, 3e ch. civ., du 15 déc. 2004

15 décembre 2004

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 22 février 1993, reçu par M. X..., notaire, associé de la SCP X... et Y..., la caisse de crédit agricole mutuel de l'Yonne (la caisse) a consenti à la SCI du 39 rue Bellus Mareilhac (la SCI) un prêt à court terme de 10 130 000,00 francs destiné à financer la construction d'un immeuble ;

qu'afin de consolider le crédit, la caisse a accordé à la SCI un autre prêt de 11 234 000,00 francs ; que la SCI a affecté à la garantie du prêt les parcelles cadastrées section VA 62 et 99 d'une contenance de 1,6 a 71 ca, sises 31 impasse Saint-Amand à Bordeaux (Gironde) sur lesquelles elle a fait édifier l'ensemble immobilier ; que l'inscription de l'hypothèque conventionnelle a été enregistrée le 29 mars 1993 à la conservation des hypothèques de Bordeaux ; que le 30 octobre 1993, la caisse a fait délivrer, par l'intermédiaire de son conseil, la SCP Rustmann, Joly, Wickers, Lasserre et Maysounabe, avocats (la SCP) un commandement de saisie immobilière à la SCI aux fins d'obtenir paiement de la somme de 14 731 326,02 francs ; que la saisie immobilière de l'immeuble hypothéqué a été engagée en vertu de "la grosse exécutoire du ministère de M. X... en date du 22 février 1993, publiée à la première conservation de Bordeaux le 29 mars 1993, volume 1993, n° 1152" ; que l'immeuble saisi a été désigné comme "un ensemble immobilier situé à Bordeaux Cauderan, 31 impasse Saint-Amand, cadastré section VA n° 62 de 2 a 16 ca et section VA n° 99 de 14 a 55 ca composé : appartement 1 - T4 - appartements 2 et 3 - T3 - appartement 4

- T4 appartement 5 - T4 - appartement 6 - T4 - appartement 7 - T5 et au fond sept garages, un local à vélos et poubelles" ; que le cahier des charges, rédigé par la SCP et les publicités faites par cet avocat reprennent ces énonciations ; que la société Pierre conseil foncier (la société), adjudicataire de l'immeuble moyennant le prix de 3 500 000,00 francs, qui soutenait que le cahier des charges de la procédure de saisie immobilière contenait de fausses indications relativement à la contenance de l'immeuble, que de ce fait, elle n'avait pas pu prendre possession de l'intégralité des biens désignés, le terrain clôturé et bitumé avec sept garages individuels, un local à vélos et un local poubelles étant compris dans une parcelle , non cédée lors de l'adjudication, et qu'elle avait de ce fait subi un préjudice puisque cette inexactitude dans les mentions du cahier des charges a entraîné le paiement d'un prix plus élevé et un manque à gagner lors de la revente, a assigné devant le tribunal de grande instance de Saintes, la caisse et la SCP, aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 1 900 000 francs à titre de dommages-intérêts, outre celle de 100 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'en cours de procédure, la caisse a, par exploits des 20 avril 1998 et 23 novembre 1999, assigné en garantie M. X... et la SCP X... et Y..., notaires rédacteurs de l'acte de prêt, et le 25 novembre 1999, M. Z..., huissier de justice rédacteur du procès-verbal descriptif des biens saisis ; que par jugement en date du 15 mai 2001, le tribunal de grande instance de Saintes, relevant "la bonne foi de la caisse" et l'absence de toute

faute prouvée de la caisse et de la SCP, a débouté la société de toutes ses demandes ;

Attendu que pour confirmer le jugement, l'arrêt énonce que si la société affirme qu'elle a vendu les appartements à un prix inférieur à celui auquel elle pouvait prétendre si des garages en avaient été l'accessoire, force est de constater qu'elle se contente d'une affirmation de principe sans donner aucun élément comparatif des prix pratiqués dans le quartier où est implanté l'ensemble immobilier et l'évaluation du prix de la parcelle qui supporte les garages est sans utilité pour ce faire ;

que selon les indications non contestées fournies par la caisse les différents lots composant l'ensemble immobilier ont été vendus dans l'année de l'adjudication pour un prix 5 875 000 francs établissant une plus-value de 2 374 900 francs sans que la société ne fournisse un quelconque renseignement sur la plus-value qu'elle pouvait envisager ;

qu'en définitive, la société ne rapporte la preuve de l'existence d'aucun préjudice ; que dès lors, son action en responsabilité contre la caisse et la SCP ne peut pas prospérer et qu'il est inutile d'examiner tant la faute du créancier poursuivant et de l'avocat rédacteur que l'action en garantie qui est exercée à l'encontre du notaire qui a reçu l'acte d'ouverture de crédit et de l'huissier de justice qui a rédigé le procès-verbal de description des biens saisis ;

Qu'en se déterminant par de tels motifs dont il s'évince qu'elle n'a examiné que le chef de préjudice relatif au manque à gagner lors de la revente, sans évoquer le chef de préjudice relatif à la partie des biens dont la société n'a jamais pu entrer en possession, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.