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Décisions

Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-12.522

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocat :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Montpellier, du 19 déc. 2012

19 décembre 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 décembre 2012), que Mme X... a été engagée le 29 septembre 2009 en qualité de directrice commerciale par la société Jean & Galière, puis nommée gérante de la société le 7 décembre 2009 ; qu'à compter du 1er janvier 2010, elle a occupé les fonctions de directrice générale de la société, laquelle a été placée en liquidation judiciaire le 26 avril 2010, Mme Y... étant désignée en qualité de liquidateur ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 7 mai 2010 ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail est caractérisé par l'existence d'un lien de subordination qui soumet le salarié au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur ; que la relation de travail subordonnée s'infère de fonctions exercées sous l'autorité de l'actionnaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il ressortait de l'article 1er du procès-verbal de l'assemblée extraordinaire en date du 15 novembre 2009 que Mme X... se voyait attribuer à compter du 16 novembre 2009 « les pleins pouvoirs concernant toutes les décisions que le bureau d'étude serait amené à prendre et ceci sous la responsabilité directe de M. Z... actionnaire unique et majoritaire de la SARL » ; qu'en décidant néanmoins, pour dénier à Mme X... la qualité de salariée, que celle-ci ne rendait de compte à personne et ne se trouvait pas à la date de la liquidation judiciaire dans un état de dépendance juridique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'après avoir relevé qu'il ressortait de l'article 1er du procès-verbal de l'assemblée extraordinaire tenue le 15 novembre 2009 que Mme X... se voyait attribuer les pleins pouvoirs « sous la responsabilité directe de M. Z... actionnaire unique et majoritaire de la SARL », la cour d'appel a ensuite considéré, pour écarter tout lien de subordination et tout contrat de travail, que l'assemblée extraordinaire avait donné à Mme X... « tous pouvoirs pour engager la responsabilité administrative, financière et pénale de la société sans avoir à recueillir l'avis de qui que ce soit » ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'état de subordination de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°/ que l'existence d'un mandat social n'est pas incompatible avec celle d'un contrat de travail, du moment que ce contrat correspond à l'exercice de fonctions techniques distinctes de l'exercice du mandat social, dans un lien de subordination vis-à-vis de la société ; que la simple détention d'une procuration sur un compte bancaire n'est pas en soi de nature à exclure l'existence du lien de subordination ; qu'en décidant que Mme X... exerçait des fonctions dans l'entreprise exclusives de tout lien de subordination, au motif qu'elle disposait d'une procuration sur le compte bancaire de la SARL Jean & Galière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que l'existence d'un mandat social n'est pas incompatible avec celle d'un contrat de travail, du moment que ce contrat correspond à l'exercice de fonctions techniques distinctes de l'exercice du mandat social, dans un lien de subordination vis-à-vis de la société ; que la seule délégation du pouvoir de licenciement n'est pas en soi de nature à exclure l'existence du lien de subordination ; qu'en décidant que Mme X... exerçait des fonctions dans l'entreprise exclusive de tout lien de subordination, au motif qu'elle disposait d'une délégation du pouvoir de licencier les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement, pour refuser de tirer les conséquences des mentions de l'extrait K-Bis de la société Jean & Galière indiquant que Mme X... avait cessé d'assumer les fonctions de gérant à la date du 1er février 2010, soit antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, que la mention en cause résultait d'une manoeuvre, sans aucunement expliquer d'où elle déduisait cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le cumul entre mandat social et contrat de travail est possible quand les fonctions techniques exercées par le mandataire donnent lieu au versement d'une rémunération distincte de celle susceptible d'être perçue au titre du mandat social ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir qu'elle avait toujours perçu une rémunération au titre de ses fonctions salariées et que cette rémunération avait cessé d'être versée à compter du mois de janvier 2010 ; que la cour d'appel, pour décider que Mme X... ne pouvait prétendre à la qualité de salariée, a relevé qu'elle occupait les fonctions de gérante, ne rendait de comptes à personne et ne se trouvait pas, en conséquence, dans un lien de dépendance juridique ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle l'y était pourtant invitée, si Mme X... avait effectivement perçu une rémunération au titre de ses fonctions de directrice générale pendant son intérim aux fonctions de gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a constaté, sans contradiction, que Mme X... avait été nommée gérante le 7 décembre 2009, qu'elle disposait de tous pouvoirs pour engager la responsabilité administrative, financière et pénale de la société sans avoir à recueillir l'aval de qui que ce soit, qu'elle bénéficiait de la signature bancaire et qu'elle avait encore signé, le 16 mars 2010, en qualité de gérant, la fin de contrat d'un salarié, a pu en déduire qu'elle ne bénéficiait pas d'un contrat de travail correspondant à un emploi effectif et distinct de son mandat social ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.