Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 90-16.290
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Viennois
Rapporteur :
M. Pinochet
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Thomas-Raquin
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par une convention du 1er juillet 1974, la société civile immobilière Les Terres de la côte (la SCI), représentée par sa gérante statutaire, la Société d'études et de constructions immobilières (SECIM) s'est engagée à entreprendre l'étude et la réalisation d'un programme immobilier sur le territoire de la ville de Darnétal ; qu'un emprunt de 1 950 000 francs, garanti par la commune, devait être contracté à cette fin ; que le prêt a été consenti par la société FINEC, aux droits de laquelle vient la société UFILOM, dénommée aujourd'hui société Avenue banque, dans un acte sous seing privé du 17 juillet 1974, à la SCI et à la SECIM la commune se portant, dans le même acte, caution solidaire des emprunteurs ; que, à la suite de la transformation de la SCI en société anonyme, au mois de janvier 1976, un avenant n° 1 au contrat du 17 juillet 1974 avait prévu le transfert du prêt à la société anonyme, avec la garantie de la commune, par une délibération de son conseil municipal qui devait être approuvée par l'autorité de tutelle, la validité de l'avenant étant subordonnée à cette approbation qui n'a pas été donnée ; que les sociétés Les Terres de la côte et SECIM ayant été déclarées en règlement judiciaire, la société Avenue banque a assigné la ville de Darnétal en exécution de son engagement de caution ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune de Darnétal fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir accueilli cette demande alors que l'article 9 du contrat du 17 juillet 1974 stipulait que la société SECIM devrait produire avant le 14 septembre de la même année la convention conclue entre elle-même et la commune revêtue du visa du préfet ; qu'en considérant que la convention signée le 1er juillet 1974 par la SECIM, en qualité de gérant de la SCI, satisfaisait à cette exigence, alors que, le mandataire n'engageant que le mandant et non pas lui-même, la convention visée à l'acte du 17 juillet 1974 ne pouvait être que celle qui devait être passée entre la commune et la société SECIM, la cour d'appel aurait violé les articles 1584 et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué a relevé que la SCI n'était qu'une émanation de la société SECIM, créée exclusivement pour la réalisation de l'opération envisagée puisqu'il était prévu que cette société réaliserait ladite opération par le truchement d'une société de construction et de vente dont elle serait la gérante statutaire, ce qui était le cas ; qu'ainsi, par une interprétation de la commune intention des parties, les juges du fond ont estimé que la convention visée à l'article 9 de l'acte du 17 juillet 1974 était celle conclue entre la société SECIM et la commune le 1er juillet précédent ;
D'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la ville de Darnétal fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a fait alors que, d'une part, la transformation d'une société civile en société anonyme, qui modifie l'étendue des garanties dont bénéficiaient les tiers, emporte novation par changement du débiteur, laquelle libère la caution, que la cour d'appel, en décidant le contraire, aurait violé les articles 73 de la loi du 24 juillet 1966, et les articles 1857, 1234 et 2034 du Code civil ; alors que, d'autre part, en déclarant que cette transformation n'avait pas modifié l'économie du contrat et n'avait pas fait perdre à l'opération son caractère non lucratif, les juges du second degré auraient dénaturé les statuts de la société anonyme ; alors que, enfin, il n'aurait pas été répondu aux conclusions selon lesquelles le prêteur avait exigé un avenant au contrat de prêt et de cautionnement du 17 juillet 1974 qui faisait, de l'acceptation par la commune du transfert de garantie d'emprunt à la société anonyme, la condition de sa propre acceptation du transfert du crédit à cette dernière et que le fait pour ledit prêteur d'avoir finalement accepté ce transfert sans avoir reçu l'autorisation municipale, nantie de l'approbation préfectorale, impliquait qu'il y avait renoncé ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a retenu que, dans l'acte du 17 juillet 1974, la ville de Darnétal n'avait pas fait du maintien de la société Les Terres de la côte dans sa forme juridique initiale la condition de son engagement ; que si, pour des raisons particulières, la SCI s'était engagée à réaliser l'opération à prix coûtant, sans en retirer un bénéfice, le seul fait de sa transformation en société anonyme n'avait pas modifié l'économie du contrat ; que, dès lors, la délibération du conseil municipal du 28 juin 1976, qui renouvelait la garantie envers la société anonyme, étant superfétatoire, l'absence d'approbation de cette délibération par l'autorité préfectorale ne pouvait décharger la caution ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées et n'a pas dénaturé les statuts de la société anonyme, a ainsi légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le second moyen ne peut être davantage accueilli que le premier ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.