Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.586
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Huglo
Rapporteur :
M. Rinuy
Avocat général :
Mme Laulom
Avocat :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2021), statuant en matière de référé, l'association de moyens Klésia, aux droits de laquelle vient le groupement d'intérêt économique Klésia Adp (le GIE), afin d'anticiper d'éventuelles modifications dans les régimes de retraite complémentaires, a envisagé une évolution de son organisation et la création d'autres activités de retraite complémentaire et d'assurance aux personnes en mettant en place trois structures juridiques distinctes. Le 9 octobre 2020, son comité social et économique (le comité) a été convoqué à une première réunion d'information sur le projet fixée au 16 octobre 2020. Les documents d'informations afférents au projet et à ses conséquences ont été joints à la convocation et à l'ordre du jour.
2. Le 5 novembre 2020, le secrétaire du comité a sollicité l'inscription à l'ordre du jour d'un vote d'une résolution sur un droit d'alerte économique. Arguant du non-respect du délai de cinq jours prévu par l'accord collectif du 5 juillet 2019 relatif à la mise en place du comité social et économique pour l'inscription d'un point à l'ordre du jour, le président du comité a refusé l'inscription d'un vote sur le droit d'alerte. Lors de la réunion du comité du 9 novembre 2020, les élus ont, cependant, voté un droit d'alerte économique.
3. Par assignation du 23 novembre 2020, le GIE a saisi la formation des référés du tribunal judiciaire en contestation de la procédure d'alerte votée par le comité et en annulation de la délibération prise par celui-ci le 9 novembre 2020 relative au déclenchement de son droit d'alerte économique.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
5. Le GIE fait grief à l'arrêt de dire que la demande de mise en oeuvre du droit d'alerte par le comité avait été formée régulièrement, que sa demande d'explications formulée suivant délibération du 9 novembre 2020 était exempte d'abus, qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé dans la mise en oeuvre du droit d'alerte et de le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2262-1 du code du travail, les conventions et accords de travail lient tous les signataires ou membres des organisations ou groupements signataires de ceux-ci, lesquels ont dès lors tous la possibilité de s'en prévaloir ; qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ADP ne pouvait refuser d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion une demande soumise moins de cinq jours ouvrables avant qu'elle ne se tienne, que les membres du CSE étaient les seuls à pouvoir de se prévaloir de la méconnaissance de ce délai quand celui-ci, qui résultait de l'article 4.2 d'un accord collectif d'entreprise en date du 5 juillet 2019, était applicable à tous les signataires de l'accord, de sorte que l'employeur pouvait s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article L. 2262-1 du code du travail, ensemble l'article 4.2 de l'accord collectif du 5 juillet 2019 ;
2°/ qu'en statuant de la sorte quand il ne résulte ni des articles L. 2315-2 et L. 2315-30 du code du travail, ni de l'article 4.2 du chapitre II de l'accord collectif du 5 juillet 2019 que le délai de convocation et de communication des documents et de l'ordre du jour n'aurait été formulé que dans l'intérêt des membres du CSE qui pourraient dès lors seuls [s'en] (se) prévaloir de sa violation, la cour d'appel a violé ensemble lesdits articles ;
3°/ qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ne pouvait se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, que le déclenchement du droit d'alerte économique relevait d'un régime d'inscription de droit, quand l'article L. 2312-63, alinéa 2, du code du travail excluait uniquement que l'employeur puisse refuser d'inscrire ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion, sans modifier les modalités d'organisation prévues par les articles L. 2315-2 et L. 2315-30, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2312-63 alinéa 2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 2312-63, alinéas 1 et 2, du code du travail, lorsque le comité social et économique a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité.
7. Selon l'article L. 2315-30 du même code, l'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité trois jours au moins avant la réunion.
8. Il résulte de ce dernier texte que seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir de cette prescription instaurée dans leur intérêt.
9. L'arrêt relève que, selon l'article 4.2, alinéa 3, de l'accord collectif du 5 juillet 2019 relatif à la mise en place du comité social et économique, « l'ordre du jour ainsi que les documents afférents sont communiqués aux membres du CSE au moins cinq jours ouvrables avant la réunion ».
10. Dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que, par courriel du 5 novembre 2020, le secrétaire du comité avait demandé au président de lui fournir des explications au vu de la réorganisation envisagée affectant de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise et d'inscrire le déclenchement de la procédure de droit d'alerte à l'ordre du jour de la réunion du 9 novembre 2020, a retenu exactement que c'est à tort que le président du comité avait refusé cette inscription à l'ordre du jour, seuls les membres de la délégation du personnel pouvant se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, de sorte que l'absence de mention à l'ordre du jour du 9 novembre 2020 du déclenchement de la procédure de droit d'alerte n'était pas un motif d'irrégularité de la délibération du comité.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.