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Décisions

Cass. soc., 13 janvier 1998, n° 93-44.339

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. soc. n° 93-44.339

13 janvier 1998

Attendu qu'au sein du groupe BCCI Overseas Limited, M. Y..., de nationalité bengladeshi, a travaillé en Espagne puis à partir de 1985 au siège de la société BCCI Overseas France à Paris ; qu'il a été licencié le 22 novembre 1990, pour faute grave ; que M. 2mam a engagé une action devant le conseil de prud'hommes de Paris contre les liquidateurs judiciaires de la société BCCI Overseas France, de la société BCCI Luxembourg, et de la société BCCI Londres, afin notamment de faire juger que la société BCCI Overseas France est son employeur et que la loi française est applicable à son contrat de travail et pour fixer, au passif de la liquidation judiciaire de la société Overseas France, la créance par lui invoquée à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de préavis, et congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel de Paris a rendu le 16 juin 1993 un arrêt retenant la compétence du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître du litige, le 9 novembre 1994, un arrêt annulant le jugement avant dire droit du conseil de prud'hommes du 28 janvier 1994, ayant désigné un " amicus curiae " au motif que la mission confiée à ce dernier constituait une délégation de pouvoir de juger et le 31 mars 1995, un arrêt statuant sur le fond du litige ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 93-44.339 et le premier moyen du pourvoi n° 95-42.700 formés contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 juin 1993 :

Attendu que Mme X..., en qualité de mandataire-liquidateur de la société BCCI Overseas France, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que le conseil de prud'hommes de Paris était compétent pour connaître du litige, alors, selon les pourvois, que, d'une part, ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles R. 517-1 du Code du travail, 5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et 42 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui admet la compétence du conseil de prud'hommes de Paris en l'espèce sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de Mme X..., ès qualités, faisant valoir que le contrat de travail de M. Y... comportait une clause de mobilité géographique internationale, que ledit contrat avait vocation à être exécuté dans tout pays dans lequel était implanté un bureau de la BCCI, qu'aucun lieu fixe d'exécution n'avait été prévu au moment de la conclusion du contrat et que le lieu d'accomplissement du travail du salarié ne pouvait être déterminé même si en fait l'intéressé avait été affecté successivement dans deux pays différents ; que, de plus, viole l'article 42 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui fait application de ce texte en excluant l'application des dispositions spécifiques du Code du travail en la matière ; et alors, d'autre part, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui énonce que M. Y... ne recevait des instructions que des cadres dirigeant la société BCCI Paris, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de Mme X..., ès qualités, faisant valoir que c'était la BCCI Luxembourg SA qui avait engagé M. Y..., le 7 janvier 1983, en qualité de cadre international, et décidait de ses affectations, et que c'était les services des ressources humaines de cette société, basés à Londres, qui géraient la carrière de l'intéressé et décidaient notamment de ses augmentations annuelles de salaire, ainsi que de la durée et des dates de prise des congés annuels ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat et que selon l'article 6-1 de la même Convention, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, s'il y a plusieurs defendeurs, devant le Tribunal du domicile de l'un d'eux ;

Et attendu que l'arrêt a relevé que l'un des défendeurs, la société BCCI Overseas France, avait son siège social à Paris ; qu'il en résulte que le conseil de prud'hommes de Paris était compétent pour statuer sur le litige opposant les parties ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 95-42.700 formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 1994 :

Attendu que Mme X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel formé par M. Y... du jugement du 28 janvier 1994 du conseil de prud'hommes de Paris et d'avoir annulé ce jugement au motif qu'il a donné, à l'" amicus curiae " par lui désigné, une mission impliquant une véritable délégation du pouvoir de juger, alors selon le deuxième moyen, que, le jugement s'étant borné à ordonner une mesure d'instruction, viole les articles 150, 272, 544 et 545 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui admet la recevabilité de l'appel de ce jugement, sans autorisation du premier président de la cour d'appel ; alors, selon le troisième moyen, que le jugement a désigné un " amicus curiae " avec " mission d'éclairer le conseil de prud'hommes sur toutes les questions de droit et de fait ", sans aucunement indiquer qu'il se tiendrait pour lié par l'avis sollicité ; qu'il s'ensuit que viole les articles 256 et suivants du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui considère que le conseil de prud'hommes aurait ainsi consenti " une véritable délégation du pouvoir de juger ", bien que ces textes prévoient expressément la possibilité pour le juge de commettre un technicien chargé " de lui fournir une simple consultation " sans exclure les consultations juridiques ; que, de plus, le jugement ayant seulement ordonné la " mission d'éclairer le conseil ", dénature ces termes clairs et précis dudit jugement et viole l'article 1134 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que le conseil de prud'hommes aurait consenti " une véritable délégation du pouvoir de juger " ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que l'appel formé par le salarié du jugement avant dire droit ayant désigné un " amicus curiae " tendait à l'annulation de ce jugement pour excès de pouvoir, la cour d'appel a exactement décidé que les dispositions des articles 150, 272, 544 et 545 du nouveau Code de procédure civile n'étaient pas applicables et que, dès lors, l'appel était recevable ;

Attendu, ensuite, que, par l'effet dévolutif pour le tout de l'appel tendant à la nullité du jugement avant dire droit, la cour d'appel a, conformément à l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statué sur le fond du litige par arrêt du 31 mars 1995 ;

D'où il suit que le troisième moyen est irrecevable et le deuxième moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 1995 :

Attendu que Mme X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'au sein du groupe BCCI Overseas Limited, la BCCI Overseas France était l'employeur réel de M. Y..., alors, selon le moyen, que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants du Code du travail et 1134 du Code civil l'arrêt attaqué qui retient que la BCCI Paris était l'employeur de M. Y..., sans s'expliquer sur les moyens des conclusions de la société faisant valoir notamment que si, depuis 1985, M. Y... travaillait à Paris, les prérogatives essentielles de l'employeur, telles que la fixation du salaire et son évolution, la détermination du montant des avantages en nature, la fixation des dates des congés, avaient été exclusivement exercées, de 1985 à 1990, par la BCCI Londres SA, filiale de la BCCI Luxembourg, que la rémunération de l'intéressé était fixée en dollars américains et non en francs français et que, lorsqu'il sollicitait un jour de congé supplémentaire, M. Y... s'adressait au chef du personnel du Régional Office et non au directeur de la BCCI Overseas succursale de Paris ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Y... avait travaillé exclusivement de 1985 jusqu'à son licenciement en 1990 pour la société BCCI Overseas France la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées, a pu décider que cette société était son employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen formé contre le même arrêt :

Attendu que Mme X..., ès qualités, fait encore grief à l'arrêt, d'avoir fixé la créance de M. Y..., au passif de la liquidation judiciaire de la société BCCI Overseas France, à titre d'indemnité de préavis, et congés payés y afférents, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, qu'il était constant que M. Y..., de nationalité bengladeshi, avait été engagé le 7 novembre 1983 par la BCCI SA ayant son siège au Luxembourg, qu'il avait été affecté en premier lieu à Madrid, que sa rémunération était établie en dollars américains, ne justifie pas légalement sa décision, au regard de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué, qui, sans tenir compte de ces éléments d'extranéité révélant le caractère international du contrat de travail de l'intéressé, retient que ledit contrat était soumis à la loi française pour la seule raison qu'en dernier lieu, le salarié exerçait ses activités en France ;

Mais attendu que, ayant constaté que les parties n'avaient pas désigné la loi applicable et que le salarié avait travaillé au siège à Paris de la société BCCI Overseas France de 1985 jusqu'à son licenciement en 1990, la cour d'appel a pu décider que le contrat de travail était régi par la loi française, en tant que loi du pays du lieu d'exécution de son contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen formé contre le même arrêt : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.