Cass. com., 28 mai 2002, n° 98-20.333
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Cahart
Avocat général :
M. Feuillard
Avocat :
SCP Ghestin
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Besançon, 5 juin 1998), que les sociétés Meyric et Viellard Migeon participations industrielles (la société VMPI) ont, le 30 octobre 1990, mis en cause la responsabilité de M. X..., ancien gérant de la société Meyric, pour fautes de gestion dolosives ; que, les 13 novembre et 15 décembre suivants, la société Meyric a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que le liquidateur a repris l'action engagée par la société Meyric ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Meyric, alors, selon le moyen :
1 / que le liquidateur judiciaire a seul qualités et pouvoirs pour exercer une action en paiement de dommages-intérêts contre toute personne qui aurait par ses agissements contribué à la diminution de l'actif ou à l'aggravation du passif d'une personne morale en liquidation judiciaire ; que la société Meyric a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 13 novembre 1990, converti en liquidation judiciaire, M. Y... ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; qu'en confirmant le jugement qui avait condamné M. X... à payer à la société Meyric des dommages-intérêts pour faute de gestion ayant aggravé le passif de ladite société, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public des articles 46 et 148-3 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que lorsqu'une société est en liquidation judiciaire, l'action en comblement d'insuffisance d'actif, d'ordre public, exclut l'action en responsabilité de droit commun d'un dirigeant social pour faute de gestion ayant contribué au passif de ladite société ; qu'en faisant droit à l'action en responsabilité de la société Meyric, en liquidation judiciaire, contre M. X... pour faute dans sa gestion de ladite société, à l'origine de son passif, la cour d'appel a violé l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 par fausse application et l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 par refus d'application ;
3 / qu'en s'abstenant totalement de répondre au moyen péremptoire de M. X... invoquant l'irrecevabilité de l'action en responsabilité formée par la société Meyric, en liquidation judiciaire, contre lui, pour fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de ladite société, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Meyric, ayant, avant sa mise en redressement judiciaire, engagé son action en responsabilité, reprise ultérieurement par le liquidateur, qui n'invoquait pas d'insuffisance d'actif, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, n'a pas encouru les griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en s'abstenant de caractériser un lien causal entre les prétendues fautes de gestion imputées à M. X... et le préjudice allégué par la société Meyric, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que M. X... s'était discrédité vis-à-vis de la clientèle en faisant preuve de déloyauté sur le plan commercial, n'établissait pas les avoirs correspondant aux retours, n'exécutait pas les livraisons, faisait contracter à la société des emprunts envers des membres de son personnel, s'était fait octroyer une rémunération mensuelle de 31 000 francs bruts alors que la société avait subi une perte nette de 898 823 francs, que certains clients avaient procédé à des paiements en espèces qui n'avaient fait l'objet d'aucune écriture comptable, et que ces fautes de gestion dolosives avaient conduit à la ruine de la société Meyric, lui causant ainsi un grave préjudice, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est dénué de tout fondement ;
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :
Attendu que M. X... fait toujours le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que le jugement confirmé a estimé que les fautes de gestion de M. X... étaient à l'origine du passif de la société Meyric à concurrence de 580.000 francs ; qu'en estimant que le préjudice ne saurait dès lors être évalué à moins de 1 000 000 francs, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la somme de 580 000 francs mentionnée correspond, non à la totalité du préjudice de la société, mais à son déficit cumulé au 30 avril 1990, et que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que les fautes de gestion dolosives de M. X... avaient conduit à la ruine de la société Meyric ; que le moyen est dénué de tout fondement ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts à la société VMPI, alors, selon le moyen :
1 / que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir contre une personne qui par ses agissements aurait contribué à l'aggravation du passif de la personne morale en liquidation judiciaire ; qu'en déclarant recevable et fondée l'action en responsabilité pour faute de gestion formée contre M. X... par un associé de la société Meyric, la société VMPI, en raison de l'aggravation du passif de la société Meyric qui en serait résulté, la cour d'appel a violé les articles 46 et 148-3 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que l'associé qui se plaint d'un préjudice résultant de l'aggravation du préjudice social ne fait pas valoir un préjudice qui lui soit propre mais un préjudice subi par le société dont le sien n'est que le corollaire ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que les fautes de gestion imputées à M. X... ont aggravé le passif de la société Meyric, dont la société VMPI était associée ; qu'en condamnant dès lors M. X... à réparer un préjudice propre de cet associé, distinct du préjudice social, réparé par ailleurs, la cour d'appel a violé l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que l'action en réparation engagée par la société VMPI, en son nom personnel, est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société ; que, la société VMPI ayant fait état d'un préjudice propre, et notamment de l'assistance technique qu'elle avait dispensée en vain à la société Meyric, l'arrêt a constaté ce préjudice et l'a souverainement évalué ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.