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Décisions

Cass. com., 12 mai 1998, n° 96-12.434

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. Jobard

Avocat :

Me Choucroy

Metz, ch. civ., du 6 déc. 1995

6 décembre 1995

Sur le premier moyen, pris en ses six branches :

Attendu que la société Argo fait grief à l'arrêt attaqué (Metz, 6 décembre 1995) de l'avoir condamnée, comme dirigeant de fait de la société GAP, au paiement des dettes de celle-ci, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le dirigeant de fait est celui qui accomplit des actes positifs de direction et de gestion sans être investi de ces fonctions;

qu'en décidant que la société Argo avait été le dirigeant de fait de la société GAP jusqu'à son dépôt de bilan en avril 1991, sans rechercher en quoi cette société n'avait pas retrouvé toute son autonomie dès le mois de septembre 1990, lorsque la société Argo avait mis un terme à leur contrat de coopération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

alors, d'autre part, que le dirigeant de fait est celui qui accomplit des actes positifs de direction et de gestion;

qu'en déduisant que la société Argo avait été le dirigeant de fait de la société GAP, des termes du contrat de coopération conclu entre les deux sociétés le 1er juin 1989, et de la circonstance que la société GAP s'approvisionnait exclusivement en marchandises auprès de la société Argo, sans s'expliquer sur la circonstance que cet approvisionnement exclusif n'était nullement imposé à la société GAP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

alors, en outre, que l'action en comblement de passif est subordonnée à la démonstration d'une faute de gestion;

qu'en retenant une faute de gestion à l'encontre de la société Argo par le motif que cette société, qui tenait les comptes de la société GAP et ne pouvait ainsi ignorer le caractère déficitaire de l'activité de celle-ci, avait laissé perdurer une telle situation jusqu'au dépôt de bilan, tout en relevant qu'à partir du mois de septembre 1990, la société Argo n'assurait plus la comptabilité de la société GAP, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

alors, au surplus, que l'action en comblement de passif est subordonnée à la démonstration d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif;

qu'en considérant que la société Argo avait contribué à l'insuffisance d'actif de la société GAP en lui confiant des travaux qui étaient exécutés à perte et n'étaient pas payés immédiatement, sans rechercher en quoi de telles circonstances ne relevaient pas, après la rupture du contrat de coopération en septembre 1990, du seul fait de la société GAP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

alors, de surcroît, que l'action en comblement de passif est subordonnée à la démonstration d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif;

qu'en considérant que la société Argo avait contribué à l'insuffisance d'actif de la société GAP en lui facturant des marchandises avec une commission de 5 %, sans s'expliquer sur la circonstance que la société GAP n'avait jamais été contractuellement tenue de s'approvisionner auprès de la société Argo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

et alors, enfin, que l'action en comblement de passif est subordonnée à la démonstration d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif;

qu'en considérant que la société Argo avait contribué à l'insuffisance d'actif de la société GAP en prélevant des honoraires pour l'assistance administrative, sans s'expliquer sur le fait que ces honoraires, qui n'étaient plus perçus depuis le mois de septembre 1990, étaient la rémunération d'un service que la société GAP aurait, en tout état de cause, dû supporter s'il ne lui avait pas été fourni par la société Argo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'en vertu d'un contrat commercial d'une durée de deux ans conclu, dès sa création, le 1er juin 1989, la société GAP s'était engagée à réserver 70 % environ de son activité aux travaux qui lui seraient donnés en sous-traitance par la société Argo, qu'elle avait confié à celle-ci la recherche et le suivi de la clientèle ainsi que l'essentiel de sa gestion, notamment la facturation et la tenue de la comptabilité outre ses relations avec les banques et les administrations, contre rémunération, qu'elle ne négociait pas le prix des marchés passés forfaitairement avec la société Argo, que celle-ci calculait elle-même le prix de revient, qu'elle prenait toutes les décisions concernant la société GAP, la cour d'appel a retenu, dans son pouvoir souverain d'appréciation des preuves, que les relations commerciales des deux sociétés s'étaient poursuivies jusqu'au 2 avril 1991, soit deux jours avant la déclaration de l'état de cessation des paiements, la société Argo tirant seule profit d'une situation qu'elle savait totalement obérée, faisant ainsi ressortir que la société GAP n'avait pas retrouvé son autonomie malgré la dénonciation du contrat de coopération et qu'elle était restée soumise à la domination et à l'autorité de fait de la société Argo dont les fautes de gestion avaient ainsi contribué à l'insuffisance d'actif;

que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Argo fait grief aussi à l'arrêt qui l'a condamnée seule au paiement des dettes de la société GAP à concurrence de 1 685 381 francs et, solidairement avec M. Y..., gérant de ladite société, au paiement de ces dettes à concurrence de 500 000 francs, d'avoir dit qu'elle devrait garantir M. Y... de la condamnation prononcée à son encontre à concurrence de la somme de 250 000 francs, alors, selon le pourvoi, que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables;

qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, de sorte qu'il est impossible de savoir, en l'état des motifs de l'arrêt, s'il a été fait application des articles 1382 du Code civil ou 180 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt a précisé qu'il statuait en application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985;

que le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.