Livv
Décisions

Cass. com., 22 juin 1999, n° 97-14.232

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, 2e ch. civ., du 27 févr. 1997

27 février 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 février 1997), que la Société coopérative ouvrière de production du bâtiment et menuiserie (société Scobame) ayant pour activité unique depuis sa création en 1981 la fabrication et la pose d'escaliers en bois, a, le 2 août 1990, dans la perspective d'une diversification de son activité, pris acte de la démission du président de son conseil d'administration, M. A..., et de trois de ses administrateurs et nommé à l'unanimité M. C... de Saint Michel qui se proposait de favoriser le développement de la société aux Antilles où il était bien introduit ; que le 29 mai 1991, M. C... de Saint Michel démissionnait et l'administrateur provisoire déclarait le 2 août la cessation des paiements ; que la société Scobame a été mise en redressement le 6 août 1991 et en liquidation judiciaires le 20 février 1992 ; que le liquidateur sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, a recherché la responsabilité de la société anonyme de coordination et de gestion du batiment (société Cogéba ), qui depuis 1981 avait une mission d'assistance administrative, technique, juridique et financière de la société Scobame, contrat résilié par M. C... de Saint Michel le 3 août 1990 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Cogéba fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à pallier l'insuffisance d'actif à hauteur de 1 500 000 francs de la société Scobame alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au liquidateur de prouver la persistance d'une situation de gestion de fait dont il entend se prévaloir ; qu'il résulte de l'arrêt lui-même que, comme elle le faisait valoir, le contrat d'assistance liant les deux sociétés avait été rompu dès le 3 août 1990, date de changement du dirigeant de la Scobame et avant la modification de la politique commerciale de l'entreprise ayant entraîné ses difficultés ; qu'en exigeant qu'elle prouve après cette date notamment par des pièces relatives au fonctionnement du compte bancaire de la Scobame qu'elle ne s'immisçait plus dans la gestion de celle-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la gestion de fait doit être caractérisée à la date de l'apparition de l'insuffisance d'actif ;

qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que la gestion de fait aurait résulté de l'exécution du contrat d'assistance, résilié le 3 août 1990, et que l'éventuelle insuffisance d'actif serait apparue en juillet 1991 ; qu'en se bornant à affirmer que la société Cogeba aurait " conservé une partie de son rôle de gestion pendant la durée des fonctions de M. C... de Saint Michel" sans préciser jusqu'à quelle date aurait duré ce rôle "partiel", ni quelle aurait été sa consistance, et s'il aurait encore revêtu les caractères de la gestion de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel relève par motifs propres et adoptés que le compte bancaire de la société Scobame a continué à fonctionner comme si la convention avec la société Cogeba n'avait pas été résiliée, la société Cogéba détenant la maîtrise de la trésorerie ;

qu'elle relève encore que, si la nomination de M. C... de Saint Michel ne peut être retenue comme élément de gestion de fait par la société Cogéba de la société Scobame, l'attribution à la société Scobame des marchés d'Outre-Mer jusque-là dévolus à une société du groupe Cogéba ainsi que l'adresse des lettres d'une société immobilière Guadeloupe au siège social d'une autre société du groupe Cogéba sous le nom de Scobame-Antilles, après intervention d'un administrateur de la société Cogéba ; qu'elle a pu en déduire que la société Cogéba avait géré de fait la société Scobame, peu important que les actes reprochés aient eu lieu bien avant la déclaration de cessation des paiements ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Cogéba fait enfin le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, que le liquidateur ne lui imputait à faute ni le bilan de 1990, ni la négociation de prêts exclusivement destinés à assurer l'effectivité d'une décision prise par la société Scobame ; qu'en retenant ces faits comme fautifs en dehors de tout débat contradictoire sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et les droits de la défense ; alors, d'autre part, que ni la prise en compte d'un chiffre d'affaires d'un million supplémentaire dans un bilan qui n'est pas expliqué autrement, ni l'approbation d'un changement de politique commerciale, ni la négociation de prêts en exécution d'une décision d'investissement ne sont par eux-mêmes fautifs ; que la cour d'appel a ainsi violé les articles 1382 du Code civil et 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, de surcroît, qu'aucun des faits allégués par la cour d'appel notamment le choix d'un champ d'activité différent ni le choix de l'acquisition d'une antenne locale ne sont le fruit de ses décisions ni de ses conseils ; qu'en lui reprochant à faute des actes de politique commerciale exclusivement imputables à la nouvelle direction de la société Scobame, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil et l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, qu'il résulte de l'arrêt que la situation de l'entreprise s'est trouvée modifiée puis obérée par "l'abandon de la clientèle classique pour un développement sur les DOM, puis le refus des administrateurs de suivre la politique quelque peu particulière du dirigeant" ce qui "avait entraîné une forte déstabilisation de l'entreprise", qui avait pourtant obtenu un marché de 33 millions de francs ; qu'il résulte de ces constatations que l'assistance technique apportée par la société Cogéba au moment du changement de politique et qui lui est imputée à faute, est en toute hypothèse, sans lien de cause à effet avec une déstabilisation due à un refus brutal des administrateurs de poursuivre la voie nouvellement choisie ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que répondant aux conclusions des parties, la cour d'appel a relevé que si la gestion de M. C... de Saint Michel était approximative, il pouvait être reproché à la société Cogéba sa légèreté dans la prise en compte d'un million de francs de chiffre d'affaires dans le bilan 1990, dans le cautionnement de la cessation de l'activité traditionnelle de la société Scobame avant le démarrage du chantier immobilier antillais et dans la négociation de prêts destinés à l'acquisition d'appartements aux Antilles pour la création d'une antenne locale, générant ainsi un supplément de passif par diminution de recettes et augmentation de frais financiers ; qu'elle a ainsi caractérisé la faute de gestion de la société Cogéba ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.