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Décisions

Cass. com., 23 novembre 1999, n° 97-17.635

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

Mme Piniot

Avocat :

SCP Piwnica et Molinié

Paris, 3e ch., sect. C, du 30 mai 1997

30 mai 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 1997), qu'à la suite de la mise en liquidation judiciaire, le 16 février 1994, de la société Rapid'Antenne (la société), le liquidateur a assigné le gérant de celle-ci, M. X..., aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de condamnation au paiement de l'insuffisance d'actif et pour être statué "sur les déchéances prévues par les articles 185 et suivants de la loi du 25 janvier 1985" ; que la cour d'appel a condamné M. X... au paiement de la somme de 500 000 francs et a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de sept ans ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le pourvoi, que la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est à peine d'irrecevabilité qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande ; qu'en faisant droit aux demandes subsidiaires du liquidateur en comblement de l'insuffisance d'actif de la société et en prononcé de la faillite personnelle tandis que celui-ci sollicitait, également, tant dans son acte introductif d'instance que dans ses conclusions devant la cour d'appel le prononcé du redressement judiciaire de M. Castel, demande exclusive de toute autre, la cour d'appel a violé l'article 7, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 7, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, suivant lesquelles la demande d'ouverture du redressement judiciaire est, à peine d'irrecevabilité qui doit être prononcée d'office, exclusive de toute autre demande, ne s'appliquent pas lorsque le Tribunal est saisi par le liquidateur, en vertu des pouvoirs attribués à lui par l'article 183 de la loi du 25 janvier 1985, d'une demande tendant à l'ouverture du redressement judiciaire du dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire ;

que le moyen est sans fondement ;

Et sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que M. X... fait le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au demandeur à l'action en paiement du passif social de rapporter la preuve que le dirigeant a commis une faute de gestion ayant contribué à créer l'insuffisance d'actif ;

qu'en condamnant M. X... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif dès lors que ce dernier ne rapportait pas la preuve que Mme Y... avait exercé une activité réelle en contrepartie de la rémunération salariale qui lui avait été versée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 180 de la loi du 25 janvier 1985 et 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il incombe à celui qui saisit le Tribunal aux fins de voir prononcer sur le fondement de l'article 188 de la loi du 25 janvier 1985 la faillite personnelle d'un dirigeant d'une personne morale en redressement ou liquidation judiciaire de rapporter la preuve que celui-ci a commis l'un des actes mentionnés à l'article 182 ; qu'en prononçant la faillite personnelle de M. X..., dès lors que ce dernier ne rapportait pas la preuve que Mme Y... avait exercé une activité réelle en contrepartie de la rémunération salariale qui lui avait été versée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 188, 182.1 de la loi du 25 janvier 1985 et 1315 du Code civil ; alors encore, que la délivrance d'un bulletin de paie incombe seulement à l'employeur lié à un salarié par un contrat de travail ; que la production d'un bulletin de paie régulièrement établi fait présumer l'existence d'un contrat de travail et de l'exécution de celui-ci pour la période correspondante ; qu'en considérant que M. X... ne justifiait pas des rémunérations versées à Mme Y... et que la production des fiches de paie n'était pas susceptible de démontrer l'activité réelle de l'intéressée en contrepartie, la cour d'appel a

violé les articles L. 143-3 du Code du travail, 1134 et 1349 du Code civil ; alors, en outre, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, celui qui entend contester la réalité du contrat de travail doit apporter la preuve de son caractère fictif ;

qu'en considérant que, malgré la production de bulletins de paie régulièrement établis, il incombait à M. X... d'établir l'activité réelle de Mme Y... dont le liquidateur contestait la réalité, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ; et alors, enfin, que le dirigeant d'une société en redressement ou liquidation judiciaire ne peut être condamné à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif que si la faute de gestion relevée à son encontre a contribué à créer l'insuffisance ; qu'en condamnant M. X... dès lors que la prétendue faute de gestion aurait appauvri l'actif social, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, sans inverser la charge de la preuve, l'arrêt retient que la production de fiches de paie n'est pas susceptible de démontrer l'activité réelle de Mme Y... en contrepartie du versement à celle-ci de rémunérations pour un montant de 1 207 395 francs entre 1987 et 1991 ; qu'il ajoute que ce versement constitue une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif dans la mesure où elle a appauvri l'actif social, ainsi qu'un fait prévu par l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a caractérisé une faute de gestion du dirigeant social et le lien de causalité avec l'insuffisance d'actif, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient des articles 180 et 188 de la loi précitée en statuant comme elle fait ; que le moyen est mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.