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Décisions

Cass. 2e civ., 4 novembre 2021, n° 19-22.832

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Aparisi

Avocat :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Rennes, du 7 juin 2019

7 juin 2019


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2019), par ordonnance du 18 avril 2018, assortie de l'exécution provisoire, un juge de l'exécution a, sur requête des sociétés Entreprise rochelaise de construction Harranger (la société ERCH), Entreprise de construction et bâtiment du littoral (la société ECBL) et Immobilière atlantic aménagement, ordonné à la société Écoflex de procéder à la délivrance et la livraison immédiate de modules de salles de bains et autres équipements sanitaires, à première présentation par huissier de justice de ladite ordonnance au lieu où sont stockés les biens, et lui ordonnant également de procéder au chargement des biens sur les camions affrétés par les requérants.

2. L'ordonnance a été signifiée le 20 avril 2018 à la société Écoflex et exécutée le jour même.

3. Autorisée par ordonnance du 20 avril 2018, la société Ecoflex a assigné le jour même les sociétés ERCH, ECBL et Immobilière atlantic aménagement ainsi que la société Transports Sarrion-Charbonnier devant un juge de l'exécution, statuant comme en référé, aux fins d'obtenir, à titre principal, la rétractation de l'ordonnance du 18 avril 2018 et son rejet et, à défaut, de voir dire que les sociétés ERCH, ECBL et Immobilière atlantic aménagement devront conserver, sous astreinte, les biens enlevés sans les installer.

4. Par ordonnance du 25 avril 2018, le juge de l'exécution a débouté la société Écoflex de l'ensemble de ses demandes, confirmé l'ordonnance du 18 avril 2018 en toutes ses dispositions, débouté la société ERCH de sa demande de dommages-intérêts et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

5. La société Écoflex a interjeté appel de cette décision et la SCP Dolley-Collet est intervenue volontairement en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société appelante.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

6. Les sociétés ERCH, ECBL et Immobilière atlantic aménagement font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes en date du 25 avril 2018 dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce que la société ERCH a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance en date du 18 avril 2018 rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes sur requête des sociétés Immobilière atlantic aménagement, ERCH et ECBL et de rejeter la requête alors « que l'ordonnance portant injonction de délivrer un bien meuble revêtue de la formule exécutoire produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort ; qu'en ordonnant la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 avril 2018 et revêtue le même jour de la formule exécutoire, quand le référé-rétractation n'est pas ouvert contre l'ordonnance portant injonction de délivrance d'un bien meuble, laquelle ne constitue pas une ordonnance provisoire sur requête, en sorte qu'elle devait relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'ouverture de la voie de recours exercée par la société Ecoflex, la cour d'appel a violé les articles 125, 561 du code de procédure civile et R. 222-15 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 222-13, R. 222-14 et R. 222-15 du code des procédures civiles d'exécution et 125 du code de procédure civile :

7. Selon le premier de ces textes, l'ordonnance portant injonction de délivrer ou restituer est signifiée à celui qui est tenu de la remise. La signification contient, à peine de nullité, sommation d'avoir, dans un délai de quinze jours : 1° Soit à transporter à ses frais le bien désigné en un lieu et dans les conditions indiquées ; 2° Soit, si le détenteur du bien a des moyens de défense à faire valoir, à former opposition au greffe du juge qui a rendu l'ordonnance, par déclaration contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, faute de quoi l'ordonnance est rendue exécutoire. Aux termes du deuxième, en cas d'opposition, il appartient à celui qui demande la remise du bien de saisir la juridiction compétente pour statuer sur la délivrance ou la restitution du bien. La requête et l'ordonnance d'injonction ainsi que les mesures conservatoires qui auraient été prises deviennent caduques si le juge du fond n'est pas saisi dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance. Aux termes du troisième, en l'absence d'opposition dans le délai prescrit à l'article R. 222-13, le requérant peut demander au greffe l'apposition de la formule exécutoire. L'ordonnance ainsi visée produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, une fois revêtue de la formule exécutoire, l'ordonnance, qui produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort, n'est pas susceptible de rétractation mais peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation pour contester la régularité de la délivrance de la formule exécutoire.

9. Pour ordonner la rétractation de l'ordonnance du 18 avril 2018 et rejeter la requête, l'arrêt retient que l'ordonnance est assortie de l'exécution provisoire, en totale méconnaissance des pouvoirs du juge de l'exécution en matière de saisie-appréhension sur injonction du juge, que l'ordonnance précise qu'elle sera signifiée à la diligence de l'exposant, avec tous ses effets de droit, et qu'une opposition pourra être formée contre celle-ci dans un délai de quinze jours à compter de sa signification, reprenant ainsi partiellement le 2° de l'article R. 222-13 du code des procédures civiles d'exécution, que l'acte de signification de l'ordonnance sur requête dressé le 20 avril 2018 ne comporte que la mention suivante : Vous rappelant que l'article 496 du code de procédure civile est ainsi conçu : « S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance » et que sur l'unique motif pris de la violation des dispositions régissant la procédure d'appréhension sur injonction du juge et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens, l'ordonnance dont appel sera infirmée en toutes ses dispositions, sauf en ce que la société ERCH a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et la rétractation de l'ordonnance du 18 avril 2018 sera ordonnée.

10. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation, la cour d'appel, qui aurait dû relever d'office cette fin de non-recevoir présentant un caractère d'ordre public, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 13 que les demandes de la société Ecoflex tendant à la rétractation de l'ordonnance du 18 avril 2018 et au rejet de la requête présentée par les sociétés Immobilière atlantic aménagement, ERCH et ECBL sont irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la rétractation de l'ordonnance en date du 18 avril 2018 rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes sur requête des sociétés Immobilière atlantic aménagement, Entreprise rochelaise de construction Harranger et Entreprise de construction et bâtiment du littoral et rejeté la requête, l'arrêt rendu le 7 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Ecoflex tendant à la rétractation de l'ordonnance du 18 avril 2018 et au rejet de la requête présentée par les sociétés Immobilière atlantic aménagement, Entreprise rochelaise de construction Harranger et Entreprise de construction et bâtiment du littoral.