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Décisions

Cass. com., 8 décembre 1998, n° 94-22.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

Me Le Prado

Versailles, 13e ch., du 3 nov. 1994

3 novembre 1994

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 3 novembre 1994, n° 670), qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société Tib décoration, le président du Tribunal a fait convoquer M. Y..., dirigeant de la société, "pour être entendu et faire toutes observations sur la saisine d'office du Tribunal en vue de l'application éventuelle des dispositions des articles 180, 187, 188, 189 ou 192 de la loi du 25 janvier 1985 avant qu'il soit statué ce qu'il appartiendra" ; que le Tribunal a condamné M. Y... à payer les dettes sociales pour un certain montant ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la citation d'un dirigeant social aux fins de le voir condamner à payer tout ou partie des dettes de la société en redressement ou en liquidation judiciaires doit indiquer, à peine de nullité, les faits reprochés et les sanctions encourues ; qu'en écartant l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance ayant conduit au prononcé de deux décisions-sanctions à l'encontre de M. Y..., dont la condamnation au paiement de la somme de 100 000 francs entre les mains du liquidateur, sans constater que la citation comportait les faits reprochés à ce dirigeant et l'indication qu'une telle (condamnation) était encourue à raison de ces faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale à l'encontre des articles 16 et 56 du nouveau Code de procédure civile, 180 de la loi du 25 janvier 1985 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; et alors, d'autre part, que la citation d'un dirigeant social aux fins de le voir condamner à payer tout ou partie des dettes de la société en redressement ou liquidation judiciaires doit comporter en annexe une copie du rapport du juge-commissaire ; qu'en écartant l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance ayant conduit à la condamnation de M. Y... à payer la somme de 100 000 francs entre les mains du liquidateur sans constater qu'était annexé à la citation le rapport du juge-commissaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 et des articles 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu, d'une part, qu'en application du second alinéa de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile, si la règle, selon laquelle la dévolution du litige s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, ne peut jouer lorsque cette annulation est la conséquence de celle de l'acte introductif d'instance, il en va autrement lorsque l'appelant a conclu au fond devant les juges du second degré ;

qu'ayant constaté que M. Y... avait conclu subsidiairement sur le fond, la cour d'appel, qui se trouvait saisie du litige en son entier par l'effet dévolutif de l'appel, devait statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

Attendu, d'autre part, que la citation délivrée les 28 octobre et 2 novembre 1993 porte que l'huissier a remis copie du rapport établi à partir des éléments recueillis par le juge-commissaire, et contient en annexe le "rapport de monsieur le juge-commissaire" ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est, pour le surplus, irrecevable faute d'intérêt ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seule une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif peut justifier la condamnation d'un dirigeant social au paiement des dettes sociales ;

qu'en retenant, pour condamner M. Y..., gérant de la société Tib décoration, au paiement d'un partie de l'insuffisance d'actif, que l'exploitation déficitaire aurait été poursuivie pendant plusieurs mois aboutissant à la création d'un important passif, la cour d'appel n'a pas caractérisé les fautes de gestion commises par M. Y... et dont la réalité ne peut se déduire de la seule importance du passif constaté, privant sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, qu'en se fondant sur un motif impropre à caractériser l'existence d'une faute de gestion commise par M. Y..., à savoir le défaut de déclaration de la cessation des paiements en temps légal, pour condamner celui-ci à payer partie des dettes sociales, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres, que l'état de cessation des paiements de la société avait été fixé au 17 août 1991 et que la société avait été mise en redressement judiciaire, sur l'assignation d'un créancier, le 17 février 1993, l'arrêt constate, par motifs adoptés, le défaut de déclaration de la cessation des paiements "en temps légal" et retient, par motifs propres, que cette faute de gestion a provoqué la poursuite de l'activité déficitaire et a abouti à créer un passif important au moment où l'actif disparaissait ; qu'ayant ainsi caractérisé la faute de gestion et son lien de causalité avec l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.