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Décisions

Cass. com., 28 mai 1991, n° 89-21.116

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hatoux

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, SCP Boré et Xavier, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Bourges, du 11 sept. 1989

11 septembre 1989

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Y..., qui a exercé les fonctions de gérant de la société Savard, mise en redressement judiciaire le 15 janvier 1986 puis en liquidation judiciaire, fait grief à l'arrêt attaqué (Bourges, 11 septembre 1989) d'avoir dit qu'elle avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de cette société et de l'avoir déboutée de son appel en garantie dirigé contre M. X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'ayant constaté que le bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1983, et qui reflétait donc la gestion antérieure à l'entrée en fonctions de Mme Y..., affichait une perte de 284 000 francs, la cour d'appel qui, pour condamner celle-ci à raison de ses fautes de gestion, s'est abstenue de rechercher quelle aurait été l'incidence de cette situation déficitaire sur la gestion postérieurement exercée par Mme Y..., qui n'en avait eu connaissance que 6 mois après sa prise de fonctions et n'avait donc pu en tenir compte dans les décisions immédiatement mises en oeuvre, et n'a donc caractérisé ni la faute de Mme Y..., ni un lien de causalité entre une faute éventuelle et le préjudice subi par la société, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, que Mme Y... a fait valoir dans ses conclusions d'appel que les accords commerciaux conclus avec la société Pirouette, et dont les parties avaient fixé la prise d'effet à la date du 1er janvier 1986, n'avaient en définitive jamais été exécutés, en l'état du dépôt de bilan intervenu le 6 janvier 1986 ; qu'ainsi, en reprochant à Mme Y... d'avoir imaginé de conclure avec une entreprise concurrente une convention ayant abouti à une disparition progressive de la société qu'elle gérait, en omettant totalement de répondre à ce chef de conclusions qui tendait à établir que la convention critiquée, abstraction faite de son mérite, n'avait pas pu causer le moindre préjudice à la société, puisqu'elle était restée lettre morte, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la situation de la société était devenue préoccupante à partir d'avril 1984, date à laquelle avait été connu le bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1983, en raison du déficit qui s'installait et allait même en augmentant, et que, devant cet état de fait, Mme Y... avait retardé à tort la déclaration de la cessation des paiements, privant ainsi l'entreprise du bénéfice d'un concordat qui aurait pu la sauver ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que Mme Y... avait commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Attendu, d'autre part, qu'en relevant que, dans la lettre qu'elle avait adressée le 16 novembre 1985 à Mme Y..., la société Pirouette priait celle-ci de " trouver ci-joint l'accord commercial qui lie à compter de ce jour nos deux sociétés " et que Mme Y... avait, en vertu de cet accord, dépouillé la société dont elle était la gérante de sa clientèle, dès lors que le fichier clients avait été transmis à la société Pirouette, ravalé son entreprise au rang d'un atelier de sous-traitance et vendu des machines à la société Pirouette, se faisant embaucher par elle en qualité de chargé des relations commerciales et du service commandes et agissant ainsi au détriment de la société Savard qui, en fait, disparaissait et n'avait plus aucune valeur commerciale, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir condamné Mme Y... à payer la somme de 200 000 francs au titre de l'insuffisance d'actif, alors, selon le pourvoi, que la dette pouvant être mise à la charge d'un dirigeant en vertu de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 a pour mesure le montant total ou partiel de l'insuffisance d'actif évaluée par les juges du fond, qui doit donc être déterminée ; qu'ainsi, ayant elle-même relevé que la valeur de l'actif était contestée, contestation qu'elle n'a pas tranchée, la cour d'appel qui, pour fixer en équité à 200 000 francs la somme mise à la charge de Mme Y..., s'est donc abstenue de rechercher à quel montant s'élevait l'insuffisance d'actif et, partant, dans quelle proportion la gérante devait en être personnellement tenue, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte ci-dessus mentionné ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le passif social était de 2 643 294,40 francs tandis que l'actif s'élevait à 750 000 francs selon Mme Y... et à 265 000 francs selon le liquidateur, ce dont il résultait que l'insuffisance d'actif se montait à 1 893 294,40 francs suivant la gérante et à 2 348 294,40 francs suivant le liquidateur ; qu'ayant ainsi fait apparaître que l'insuffisance d'actif était, selon la propre estimation de Mme Y..., certaine et supérieure à la somme de 200 000 francs, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.