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Décisions

Cass. 2e civ., 3 mars 2022, n° 20-16.061

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Durin-Karsenty

Avocats :

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP L. Poulet-Odent

Paris, du 27 févr. 2020

27 février 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2020), à la suite d'un sinistre survenu en Italie, lors d'un transport, sur wagons, de véhicules expédiés en France par la société Mercurio Autovetture SpA, assurée par la société Milano Assicurazioni SPA, la société [H] France, à qui appartenait les wagons endommagés, a assigné, devant le tribunal de commerce de Paris, la SNCF et la société Mercurio Autovetture SpA en réparation de son préjudice. Cette dernière société a alors appelé en garantie, devant ce même tribunal, son assureur, qui a soulevé l'exception d'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions italiennes du siège de la société Mercurio Autovetture SpA et du lieu du sinistre. Sur contredit, un arrêt du 29 novembre 2000 devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi (1ère Civ., 20 janvier 2004, pourvoi n° 01-00.415) a confirmé la compétence du tribunal de commerce de Paris.

2. La société SPA Rete Ferroviara Italiana ayant assigné la société [H] France devant le tribunal de Turin, par jugement en date du 18 janvier 2006, le tribunal de commerce a sursis à statuer dans l'attente de sa décision. Par jugement, confirmé par arrêt du 3 mars 2009 de la Cour suprême de cassation italienne, le tribunal de Turin s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction française.

3. Le tribunal de commerce, par jugement du 7 octobre 2013 assorti de l'exécution provisoire, a statué sur des incidents de péremption de l'instance. Cette décision ayant fait l'objet d'un appel de la SNCF, par ordonnance du 12 décembre 2013, un conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable.

4. Par jugement du 21 septembre 2017, le tribunal de commerce a accueilli un nouvel incident de péremption soulevé par les sociétés Milano et Minerva. La société [H] France a relevé appel de ce jugement.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

5.La société [H] France fait grief à l'arrêt confirmatif de dire que l'instance était périmée, de constater l'extinction de l'instance et de la condamner à payer à la SNCF, à la société Minerva et la société Unipolsai Assicurazioni, venant aux droits de la société Milano Assicurazioni SPA, la somme complémentaire de 2 500 € à chacune d'elles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans ses conclusions déposées le 23 novembre 2015, intitulées « conclusions en reprise d'instance », la société [H] France avait fait état de sa « demande [?] que la procédure qu'elle a mise en oeuvre soit renvoyée à une prochaine audience de sortie du rôle » et de sa volonté qu'il soit « fai[t] droit aux demandes telles qu'elles ont été formulées dans les exploits introductifs d'instance du 30 juin 1998 délivrés à la requête de la société [H] SAS tant à l'encontre de la SNCF que vis-à-vis de la société Minerva SPA et de son assureur, la société Milano Assirucazioni » ; qu'en jugeant pourtant, par motifs propres, que par ces conclusions, la société [H] France s'était bornée à demander une sortie du rôle du dossier, et par motifs éventuellement adoptés, qu'elle s'était bornée à solliciter qu'il soit pris acte d'une substitution de demandeur suite à un apport partiel d'actifs conclu entre les sociétés [H] SA et [H] France, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du 23 novembre 2015, en violation du principe précité ;

2°/ que le délai de péremption est interrompu par tout acte destiné à continuer l'instance, et que constitue en particulier une diligence interruptive du délai de péremption le dépôt par l'une des parties de conclusions demandant le renvoi de l'affaire à une audience aux fins de jugement et sollicitant qu'il soit fait droit à ses prétentions telles que formulées dans l'acte introductif d'instance ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions en reprise d'instance du 23 novembre 2015 intitulées « conclusions en reprise d'instance », la société [H] avait demandé à la juridiction de renvoyer l'affaire à une audience aux fins de jugement et de faire droits aux moyens et prétentions développées par elle dans ses actes introductifs d'instance ; qu'en jugeant qu'en jugeant pourtant que de telles conclusions ne constituaient pas une diligence interruptive du délai de péremption, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 386 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

7. Il résulte du second que lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire.

8. Pour accueillir l'incident de péremption, l'arrêt énonce qu'il ressort de la lecture des conclusions déposées le 23 novembre 2015 par la société [H] France que ces conclusions intitulées « conclusions en reprise d'instance » ne font que réitérer un rappel des faits et procédure précédents et solliciter de lui donner acte (...) de ce qu'elle demande, par les présentes conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de Paris, que la procédure qu'elle a mise en oeuvre soit renvoyée à une prochaine audience de « sortie du rôle ». L'arrêt retient qu'une simple demande par une partie en vue d'une sortie du rôle du dossier ne manifeste nullement la volonté de la partie d'en faire avancer le cours et de faire progresser l'affaire.

9. En statuant ainsi, alors qu'en demandant dans le dispositif de ses conclusions, en l'état de la procédure devant le tribunal de commerce, que celle-ci soit renvoyée à une prochaine audience de « sortie de rôle », la société [H] France, avait manifesté clairement sa volonté de faire progresser l'affaire, de telles conclusions constituant des diligences interruptives de péremption, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés.

Mise hors de cause:

10. En application de l'article 635 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société nationale SNCF SA dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société nationale SNCF SA dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.