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Décisions

Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, n° 12-23.155

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gridel

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Yves et Blaise Capron

Aix-en-Provence, du 6 avr. 2012

6 avril 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se fondant sur un acte notarié constatant une hypothèque consentie à son profit par la SCI des Fleurs en garantie d'un prêt accordé à la SCI du Soleil, la société Jyske Bank a délivré à la SCI des Fleurs un commandement valant saisie de l'immeuble hypothéqué à son profit ; que la SCI des Fleurs a interjeté appel du jugement d'orientation la déboutant de ses contestations ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, après délibération de la deuxième chambre civile :

Attendu que la SCI des Fleurs fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes incidentes, de dire que les conditions des articles 2191 et 2193 du code civil étaient réunies et que le créancier poursuivant avait satisfait aux dispositions du décret du 27 juillet 2006, de fixer la créance de la société Jyske Bank à la somme de 3 500 000 euros avec intérêts au taux de 6, 37 % à compter des dates respectives de libération des fonds, outre les intérêts au taux majoré de 9, 37 % sur les échéances impayées, calculées à partir du taux effectif global initial, ce jusqu'à parfait paiement et sous déduction des échéances honorées, et d'ordonner la vente forcée des biens saisis, alors, selon le moyen :
1°/ que tenu propter in rem, comme un tiers détenteur, le garant ayant consenti une hypothèque sur son immeuble pour répondre de la dette d'autrui ne s'oblige pas personnellement ; qu'un commandement, lui-même précédé d'un commandement délivré au débiteur principal, doit être délivré audit garant lui précisant qu'il a la faculté de payer le créancier poursuivant ou de délaisser l'immeuble ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que : « le fait, pour une personne physique ou morale, d'affecter l'un de ses biens immobiliers comme garantie hypothécaire de la dette d'un tiers est une sûreté réelle n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui ¿ » ; qu'en considérant dès lors la saisie poursuivie par la société Jyske Bank au préjudice de la SCI des Fleurs comme régulière, motifs pris de ce que : « il n'était pas nécessaire de signifier préalablement un commandement au débiteur principal ni de faire délivrer à la SCI des Fleurs un commandement précisant qu'elle ne pouvait arrêter la saisie qu'en payant ou délaissant, comme le prévoit l'article 2463 du code civil », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2462 et suivants du code civil, ensemble celles des articles 15 et 17 du décret du 27 juillet 2006 ;
2°/ que la clause résolutoire de plein droit permettant aux parties de soustraire la résolution d'une convention à l'appréciation des juges doit être exprimée de manière non équivoque ; qu'ainsi que le faisait valoir la SCI des Fleurs dans ses conclusions récapitulatives d'appel : « L'offre de prêt jointe au contrat mentionne à l'article 12 (¿) simplement la possibilité par la banque de réclamer le montant immédiat mais aucune des conditions posées par ce même article n'est relative au défaut de paiement des échéances d'intérêts » ; que la cour d'appel a cependant retenu que la société Jyske Bank pouvait prononcer, de plein droit, la déchéance du terme, sans qu'il soit nécessaire de l'obtenir par une décision judiciaire ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si une seule des clauses du contrat de prêt visait la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement des échéances d'intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI des Fleurs avait donné son bien immobilier en garantie hypothécaire du prêt consenti par la banque à la SCI du Soleil et exactement retenu que le fait pour une personne physique ou morale d'affecter l'un de ses biens immobiliers comme garantie hypothécaire de la dette d'un tiers ne lui confère pas la qualité de tiers détenteur, c'est à bon droit que la cour d'appel a dit que la banque n'était pas tenue de procéder selon les dispositions de l'article 2463 du code civil ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'article 12 de l'offre de prêt stipulait qu'en cas de violations graves du contrat, la banque pourrait réclamer le remboursement immédiat du prêt et que la déchéance s'appliquait tant au débiteur principal qu'à la caution hypothécaire et retenu que le défaut de paiement des mensualités du prêt constituait la violation d'une obligation majeure du contrat, la cour d'appel a pu en déduire que l'établissement financier prêteur pouvait prononcer, de plein droit, la déchéance du terme, sans qu'il soit nécessaire de l'obtenir par une décision judiciaire ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en ses deux premières branches ;

Et attendu, après délibération de la deuxième chambre civile, que la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le pourvoi incident, qui est préalable à l'examen des quatrième et cinquième branches du moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 1129 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que pour annuler la clause du prêt stipulant un taux d'intérêt variable en fonction d'un taux de financement permettant à la société Jyske Bank d'obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires, deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts, l'arrêt retient que la clause prévoyant un taux d'intérêt variant selon le taux de base interne de la banque est nulle en raison de l'indétermination de son objet, que la variation du taux d'intérêt stipulé dans le prêt litigieux n'intervient pas selon des données objectives et externes au prêteur et qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 313-2 du code de la consommation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le premier des textes susvisés n'est pas applicable à la détermination du prix et que le second impose uniquement, sans interdire la stipulation d'un taux variable, de mentionner le taux effectif global dans tout écrit constatant un contrat de prêt, la cour d'appel les a violés ;
Et attendu que la cassation prononcée rend sans objet les quatrième et cinquième branches du moyen unique du pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la vente forcée serait poursuivie par la société Jyske Bank pour une créance de 3 500 000 euros avec intérêts au taux de 6, 37 % à compter des dates respectives de libération des fonds, outre les intérêts au taux majoré de 9, 37 % sur les échéances impayées, calculées à partir du taux effectif global initial, ce jusqu'à parfait paiement et sous déduction des échéances honorées, l'arrêt rendu le 6 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.