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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 5 avril 2022, n° 21/02201

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Patrie (SARL)

Défendeur :

Chep France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

TJ Clermont-Ferrand, du 12 oct. 2021, n°…

12 octobre 2021

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête en date du 30 juin 2020, la SA CHEP France et la société de droit belge CHEP EQUIPEMENT POOLING ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, sur le fondement des articles R. 222-11 et suivants du code des procédures civiles d'exécution d'une demande aux fins de saisie-appréhension entre les mains de la SARL PATRIE de palettes de bois dont elles revendiquaient la propriété.

Par ordonnance en date du 7 juillet 2020, le juge de l'exécution a enjoint à la société PATRIE de restituer à la société CHEP France « toutes quantités de palettes locatives CHEP bleues et au moins 834 palettes CHEP présentes sur le site exploité par la société ETS PATRIE (') 63'440 Saint-Hilaire-la-Croix, ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance » et a autorisé les requérantes, passé ce délai, et à défaut d'opposition auprès du greffe, à procéder à l'appréhension des biens concernés, dans les locaux de la société PATRIE, avec, en cas de besoin, l'assistance de la force publique.

Les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING ont fait signifier cette ordonnance à la SARL PATRIE par acte d'huissier en date du 16 juillet 2020 contenant également sommation de restituer les palettes litigieuses.

Elles ont obtenu le 13 août 2020 la délivrance par le greffe du juge de l'exécution d'un certificat de non-opposition.

Par acte d'huissier en date du 20 août 2020, les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING on fait signifier à la SARL PATRIE un commandement de délivrer les palettes en cause dans un délai de huit jours, à défaut de quoi celles-ci feraient l'objet d'une appréhension forcée en exécution de l'ordonnance du 7 juillet 2020.

L'ordonnance du 7 juillet 2020 a été revêtue de la formule exécutoire le 21 août 2020.

Par acte du 16 septembre 2020, les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING ont saisi le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuant au fond, sollicitant devant cette juridiction la confirmation de l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 7 juillet 2020 et la condamnation de la SARL PATRIE à leur payer notamment, à défaut de restitution de 843 palettes, la somme de 16'649,34 euros.

Par acte du 3 novembre 2020, la SARL PATRIE a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand la sociétés CHEP France, sollicitant la rétractation de l'ordonnance du 7 juillet 2020, et, subséquemment, l'annulation du commandement du 20 août 2020 et la condamnation de la société CHEP France à lui payer la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :

-Déclare irrecevable pour défaut de pouvoir les demandes de la SARL PATRIE concernant la rétractation de l'ordonnance du 7 juillet 2020 et la contestation de l'apposition de la formule exécutoire ;

-Condamne la SARL PATRIE à payer la SA CHEP France la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

La SARL PATRIE a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 21 octobre 2021.

Par jugement du 10 février 2022, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, saisi au fond,

a statué en ces termes :

-Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SARL PATRIE et dit les demandes de la société CHEP France recevables ;

-Dit les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING recevables mais partiellement fondées en leurs demandes ;

-Déboute la SARL PATRIE de l'ensemble de ses demandes ;

-Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 7 juillet 2020 ;

-Condamne à défaut de restitution des 843 palettes CHEP, la société PATRIE à payer et porter à la société CHEP EQUIPEMENT POOLING la somme de 16'649,34 euros ;

-Déboute la SA CHEP France de sa demande de paiement de la somme de 7509,12 euros en réparation de la perte des revenus locatifs ;

-Condamne la SARL PATRIE à payer et porter à chacune des sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

-Condamne la SARL PATRIE aux dépens de l'instance, dont les frais de greffe liquidés à 84,68 euros TVA incluse.

Vu les conclusions en date du 19 janvier 2022 aux termes desquelles la SARL PATRIE demande à la cour de :

-Dire bien appeler, mal jugé, réformant en toutes ses dispositions le jugement déféré,

-Déclarer la société CHEP France irrecevable à agir faute de justifier d'un droit sur les palettes dont elle reconnaît qu'elles sont la propriété d'une société tierce non partie à la procédure ;

-Rétracter l'ordonnance du 7 janvier 2020 comme contraire à l'exercice de son légitime droit de rétention ;

-Annuler en conséquence le commandement du 20 août 2020 ;

-Condamner la société CHEP France à lui payer une somme de 8000 euros à titre d'indemnisation du préjudice tant matériel que moral occasionné par une procédure agressive et non fondée, doublée d'une présentation volontairement erronée de sa position ;

-Condamner la même au paiement d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient avoir régularisé une opposition à l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution le 7 juillet 2020, produisant la copie d'un courrier d'opposition adressé au juge de l'exécution en date du 16 juillet 2020 et l'avis de réception portant le tampon dateur du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand indiquant la date du 20 juillet 2020, et considère qu'il appartenait au juge de l'exécution, dans le cadre de la demande en rétractation, d'examiner les effets de cette opposition, peu important que cet acte ait été égaré, puis de statuer sur les mérites de la requête aux fins de saisie-appréhension.

Vu les conclusions en date du 25 janvier 2022 aux termes desquelles la SA CHEP France demande à la cour de :

In limine litis,

-Débouter la société PATRIE de sa demande d'irrecevabilité de son action ;

À titre principal,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société PATRIE ;

Subsidiairement,

-Débouter la société PATRIE de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

-Condamner la société PATRIE à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la société PATRIE aux dépens dont distraction au profit de maître Henri A. avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle précise en premier lieu que si la société CHEP EQUIPEMENT POOLING était bien requérante à ses côtés dans le cadre de la requête aux fins de saisie-appréhension, celle-ci n'a pas été assignée dans le cadre de l'instance en rétractation, et que c'est par erreur qu'elle est mentionnée en première page du jugement entrepris, ce qui explique qu'il ait été interjeté appel également à son encontre. Elle souligne qu'aucune demande n'est formulée par la société PATRIE à l'égard de la société CHEP EQUIPEMENT POOLING.

Elle estime qu'il ne ressortait pas des attributions du juge de l'exécution de se prononcer dans le cadre de l'instance en rétractation sur la validité du certificat de non-recours, considérant qu'il appartenait à la société PATRIE d'engager un pourvoi en cassation si elle estimait devoir contester l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance du 7 juillet 2020.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient d'observer à titre liminaire que si maître A. s'est initialement constitué pour les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING, il a conclu uniquement pour la SA CHEP France.

La SA CHEP EQUIPEMENT POOLING, qui n'a pas conclu, est dès lors réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

La société CHEP France précise que si la société CHEP EQUIPEMENT POOLING était bien requérante à ses côtés dans le cadre de la demande aux fins de saisie-appréhension, celle-ci n'a pas été assignée dans le cadre de l'instance en rétractation, et que c'est par erreur qu'elle est mentionnée en première page du jugement entrepris, ce qui explique qu'il ait été interjeté appel également à son encontre.

La cour n'est pas en mesure de vérifier ce point, dans la perspective d'une rectification d' erreur matérielle, alors que l'assignation n'est communiquée devant elle par aucune des parties.

***

Aux termes de l'article R222-13 du code des procédures civiles d'exécution :

« L'ordonnance portant injonction de délivrer ou restituer est signifiée à celui qui est tenu de la remise.

La signification contient, à peine de nullité, sommation d'avoir, dans un délai de quinze jours :

1° Soit à transporter à ses frais le bien désigné en un lieu et dans les conditions indiquées ;

2° Soit, si le détenteur du bien a des moyens de défense à faire valoir, à former opposition au greffe du juge qui a rendu l'ordonnance, par déclaration contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, faute de quoi l'ordonnance est rendue exécutoire. »

L'article R2 122-14 du même code dispose :

« En cas d'opposition, il appartient à celui qui demande la remise du bien de saisir la juridiction compétente pour statuer sur la délivrance ou la restitution du bien.

La requête et l'ordonnance d'injonction ainsi que les mesures conservatoires qui auraient été prises deviennent caduques si le juge du fond n'est pas saisi dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance. »

Enfin, selon les dispositions de l'article R2 122-15 du code des procédures civiles d'exécution :

« En l'absence d'opposition dans le délai prescrit à l'article R. 222-13, le requérant peut demander au greffe l'apposition de la formule exécutoire. L'ordonnance ainsi visée produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort. »

Il résulte de la combinaison de ces textes que, une fois revêtue de la formule exécutoire, l'ordonnance, qui produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort, n'est pas susceptible de rétractation mais peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation aux fins de contestation de la régularité de la délivrance de la formule exécutoire. (Cass. 2e civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 19-22. 832)

Il sera rappelé par ailleurs que l'instance en rétractation prévue par l'article 497 du code de procédure civile a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.

S'il appartient au requérant de justifier dans ce cadre qu'il avait qualité à agir, ce qui lui est contesté en l'espèce, et que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas, pour autant la possibilité d'un débat sur ces points devant le juge de la rétractation suppose que cette voie de recours lui soit ouverte.

Or, il ressort en l'espèce des éléments de la procédure que :

-Par ordonnance du 7 juillet 2020, le juge de l'exécution, sur requête de la SA CHEP France et de la société CHEP EQUIPEMENT POOLING, a enjoint à la société PATRIE de restituer à la société CHEP France un certain nombre de palettes locatives dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance et a autorisé les requérantes, passé ce délai, et à défaut d'opposition auprès du greffe, à procéder à l'appréhension des biens concernés, dans les locaux de la société PATRIE, avec, en cas de besoin, l'assistance de la force publique ;

-Les sociétés CHEP France et CHEP EQUIPEMENT POOLING ont fait signifier cette ordonnance à la SARL ETS PATRIE par acte d'huissier en date du 16 juillet 2020 contenant également sommation de restituer les palettes litigieuses ;

-Après avoir reçu du greffe du juge de l'exécution le 13 août 2020 un certificat de non-opposition, les sociétés requérantes ont obtenu l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance le 21 août 2020.

En considération de ces explications le juge de l'exécution a justement retenu que les demandes présentées par la société PATRIE tendant à la rétractation de l'ordonnance du 7 juillet 2020, et dans ce cadre, au rejet de la requête aux fins de saisie-appréhension, à l'annulation du commandement délivré le 22 août 2020 et à l'indemnisation de son préjudice pour procédure abusive étaient irrecevables.

Le jugement sera confirmé.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL PATRIE aux dépens de première instance et à payer à la SCI CHEP France la somme de 1800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL PATRIE sera condamnée aux dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser la SA CHEP France supporter l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour. La SARL PATRIE sera condamnée à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la SARL PATRIE à payer à la société CHEP France au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL PATRIE à supporter les dépens d'appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître Henri A., avocat, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.