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Décisions

Cass. com., 17 novembre 1992, n° 90-20.299

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Curti

Avocat :

SCP de Chaisemartin et Courjon

Douai, du 2 nov. 1989

2 novembre 1989

Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Y... a dirigé en fait la société anonyme FDGM depuis la démission de Mme X... de ses fonctions de président du conseil d'administration et celle de M. X... de son poste d'administrateur, ces démissions et la nomination par le conseil d'administration de M. Y... en qualité de président directeur général n'ayant jamais été publiées ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour condamner M. Y... à payer la totalité de l'insuffisance d'actif constatée après la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel retient qu'il résulte des éléments du dossier que M. Y... qui, travaillant dans la société, ne pouvait ignorer sa situation puisqu'ayant racheté les parts des époux X... pour un franc, a pris en charge en septembre 1986 une société déficitaire et que, loin de déposer le bilan, il a continué sciemment son exploitation jusqu'au " dépôt du bilan " en juin 1987 révélant un état de cessation des paiements tellement irrémédiable que le tribunal de commerce a prononcé très rapidement la liquidation judiciaire ; que la cour d'appel retient encore que si M. Y... soutient que l'accroissement du passif résulte des fautes de gestion et des abus de biens sociaux commis antérieurement par M. X..., il ne précise pas quelles seraient ces fautes de gestion et ne prouve pas l'abus de biens sociaux ; qu'enfin, l'arrêt relève que M. Y... ne fournit aucune explication sur le défaut de comptabilité régulière tandis que les premiers juges, dont la décision a été confirmée sur ce point, avaient relevé que l'absence de comptabilité régulière est sans aucun doute le premier motif de l'insuffisance d'actif ;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs impropres à caractériser les fautes de gestion commises par M. Y... et à constater en quoi elles ont contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'après avoir constaté que l'insuffisance d'actif s'élève à une certaine somme, l'arrêt, d'un côté, condamne M. Y... à supporter la totalité de cette insuffisance et, de l'autre, condamne les époux X... à supporter cette insuffisance à concurrence de 50 000 francs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser que l'obligation faite à M. Y... de contribuer à l'insuffisance d'actif sera limitée à une somme correspondant au montant de cette insuffisance, déduction faite de la somme de 50 000 francs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 188 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour prononcer la faillite personnelle de M. Y... pour une durée de 15 ans, la cour d'appel retient que le Tribunal a relevé à juste titre, à partir du rapport du liquidateur, que deux des faits prévus à l'article 187 de la loi du 25 janvier 1985 étaient établis à l'encontre de M. Y..., c'est-à-dire la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements et l'absence de comptabilité régulière ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le prononcé de la faillite personnelle d'un dirigeant de fait d'une personne morale ne peut intervenir que s'il a commis l'un des actes mentionnés à l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :

Vu l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour prononcer le redressement, puis la liquidation judiciaire de M. Y..., la cour d'appel se borne à énoncer qu'il ressort des motifs ci-dessus que les dispositions de l'article 182-4° et 5° sont applicables à M. Y... ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une affirmation générale, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

Et sur le moyen relevé d'office après avertissement donné aux parties :

Vu les articles 180, 181 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que si l'action en comblement de l'insuffisance d'actif prévue à l'article 180 peut entraîner l'ouverture d'un redressement judiciaire du dirigeant défaillant dans les conditions fixées à l'article 181, une même décision judiciaire ne peut entrer en voie de condamnation de ce chef, dès lors qu'elle prononce le redressement judiciaire du dirigeant en application de l'article 182, mesure qui, en raison de la confusion entre le passif personnel et le passif social, rend sans objet la condamnation à supporter tout ou partie du passif social ;

Attendu que l'arrêt, en condamnant M. Y... à payer l'insuffisance d'actif de la société FDGM et en prononçant à son égard le redressement judiciaire en vertu de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions concernant M. Y..., l'arrêt rendu le 2 novembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.