Cass. 1re civ., 11 juillet 2019, n° 17-20.423
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société égyptienne Damietta International Port Company SAE (Dipco), titulaire d'une concession pour la construction et l'exploitation d'un mur de quai entièrement équipé dans le nouveau terminal à conteneurs du port de Damiette (Egypte) a confié les travaux à Archirodon-Arab Contractors Joint Venture (la joint venture), désignée comme l'« Entrepreneur », constituée à cet effet par les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors I... & Co ; que des différends étant survenus entre les parties, ces dernières ont, en application de la clause compromissoire stipulée au contrat, engagé le 21 avril 2010 une procédure d'arbitrage, au nom de la joint venture ; que le tribunal arbitral a rendu à Paris, le 5 juillet 2011, une sentence partielle sur la compétence puis, le 18 juillet 2013, une sentence finale condamnant Dipco, d'une part, à payer à la joint venture la somme cumulée de 138 314 701,15 US dollars au titre des travaux exécutés, lui ordonnant, d'autre part, de permettre à la joint venture de retirer le matériel restant sur le site, et la condamnant, enfin, à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint venture à hauteur de 1 110 000 US dollars ; que Dipco a formé un recours en annulation contre les deux sentences ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que la joint venture, la société Archirodon Construction (Overseas) CO SA et la société The Arab Contractors I... & Co, soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi au motif que, dans sa déclaration de pourvoi du 26 juin 2017, Dipco a déclaré être domiciliée à une adresse, qui indiquée comme étant celle de son siège social, n'était plus la sienne dès lors que l'huissier de justice chargé de l'exécution de l'arrêt attaqué, s'est heurté à une impossibilité de notifier l'acte, l'entité requise en Egypte ayant fait connaître que cette société avait « quitté son siège depuis longtemps », ce qui lui cause grief ;
Mais attendu que s'il résulte de l'article 975 du code de procédure civile que la déclaration de pourvoi comporte, à peine de nullité, l'indication du domicile du demandeur à la cassation, aucun texte ne lui impose de faire connaître son changement de domicile ultérieur ; que l'acte de tentative de signification de l'arrêt, dressé le 3 juillet 2017, n'établit pas que, le 26 juin 2017, l'adresse mentionnée par Dipco, dans sa déclaration de pourvoi, n'était plus la sienne ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Dipco fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ; qu'en écartant le moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral résultant de ce que la joint venture, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait se prévaloir de la convention d'arbitrage, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce sont « les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors » qui « ont contracté avec Dipco » et, d'autre part, que c'est Archirodon-Arab Contractors Joint Venture qui a engagé la procédure d'arbitrage le 13 avril 2010 et que le tribunal arbitral a condamné la société Damietta à lui payer « la somme cumulée de 138 314 701,15 USD au titre des travaux exécutés, lui a ordonné de permettre à la joint venture de retirer le matériel restant sur le site, et l'a condamnée à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint venture à hauteur de 1 110 000 USD », ce dont il résultait que l'arbitrage avait été engagé par la joint venture et la sentence prononcée au profit de celle-ci, qui n'était pourtant pas partie à la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se prononçant au motif inopérant que ce sont les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors I... & Co, dotées de la personnalité morale, qui ont contracté avec Dipco, après avoir relevé, d'une part, que l'arbitrage a été engagé par la joint venture et, d'autre part, que la sentence arbitrale a été rendue à son profit, sans constater que la joint venture pouvait valablement se prévaloir de la convention d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
3°/ que seule la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ; qu'en écartant le moyen d'annulation de la sentence tirée de l'incompétence du tribunal arbitral dès lors que la clause compromissoire sur le fondement de laquelle le tribunal arbitral a été saisi était inapplicable à un entrepreneur égyptien, motifs pris que le moyen n'a été soulevé devant le tribunal arbitral « que par un mémoire déposé le 15 mars 2012 », alors que Dipco « connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et (
) s'est abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence », de sorte qu'elle ne « s'est pas conformée à l'obligation de relever les irrégularités en temps utile en s'en prévalant un an plus tard lors des débats sur le fond », le moyen ayant pourtant été soulevé plus d'an avant que la sentence dessaisissant les arbitres ne soit rendue, et presque un an avant la clôture de la procédure, soit dans un délai permettant au tribunal arbitral de statuer utilement sur cette question, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1466 et 1506, 3°, du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt constate que le contrat conclu entre Dipco et la joint venture a été signé par les représentants des sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA, et The Arab Contractors I... & Co, lesquelles ont porté à la connaissance du maître de l'ouvrage, par la dénomination de « joint venture », le fait qu'elles avaient conclu entre elles un accord fixant les conditions de leur coopération ; que, de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que ces deux sociétés, dotées de la personnalité morale, étaient les cocontractantes de Dipco et que la convention d'arbitrage ayant été valablement conclue, le tribunal arbitral était compétent pour connaître de la demande ;
Attendu, ensuite, que la capacité pour agir dans l'instance arbitrale est une question de recevabilité de l'action devant le tribunal arbitral et non de compétence de celui-ci ; que, dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la contestation par Dipco de la capacité de la « joint venture » à déposer une demande d'arbitrage ne constituait pas un des cas d'ouverture du recours en annulation de la sentence, limitativement énumérés à l'article 1520 du code de procédure civile ;
Attendu, enfin, que l'arrêt constate qu'aux termes de l'article 20.6, a) du contrat, les parties étaient convenues de recourir à un arbitrage international institutionnel pour les contrats avec des entrepreneurs étrangers ; qu'il relève que si la demande d'arbitrage a été adressée le 13 avril 2010, l'acte de mission signé le 9 mars 2011, et une sentence partielle sur la compétence rendue le 5 juillet 2011, Dipco n'a contesté la compétence du tribunal arbitral que par un mémoire déposé le 15 mars 2012, en faisant valoir que, toutes les parties étant égyptiennes, les différends devaient, en vertu de l'article 20.6, d) du contrat, être soumis à un arbitrage conduit conformément au droit égyptien et non à un arbitrage international ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, que Dipco, qui connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et s'était abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence, n'était pas recevable, faute d'avoir soulevé cette irrégularité en temps utile, à s'en prévaloir lors des débats sur le fond un an plus tard ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.