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Décisions

Cass. com., 23 avril 2013, n° 11-26.047

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Rennes, du 9 août 2011

9 août 2011


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 août 2011) et les productions, que la société Banque Tarneaud (la banque) a consenti à la société Agrisem international (la débitrice) un concours d'un montant maximum de 300 000 euros, sous forme de souscription par la société de billets à ordre de 90 jours renouvelable dans les limites du montant et de la durée de l'ouverture de crédit ; que ce prêt a été garanti par un nantissement sur le fonds de commerce ; que le 25 juillet 2007, une procédure de sauvegarde a été ouverte au profit de la débitrice ; que la créance de la banque ayant été fixée à 500 000 euros à titre privilégié, la débitrice a formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas eu de désistement d'action, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut interpréter un texte clair ; que par conclusions d'avoué du 29 mars 2010, la banque a indiqué qu'elle demandait à la cour d'appel de « décerner acte à la concluante de ce qu'elle se désiste purement et simplement de son action » ; que cette formule, ne souffrant aucune ambiguïté, ne nécessitait aucune interprétation ; qu'en recherchant, derrière la lettre claire desdites conclusions, une prétendue volonté contraire à ladite lettre, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'une erreur ne prive pas d'efficacité un acte de procédure si elle est inexcusable ; qu'il en va notamment ainsi lorsque l'acte de procédure, prétendument erroné, est le fait d'un professionnel du droit ; qu'au cas présent, les conclusions de désistement d'action avaient été rédigées et déposées par un avoué, assisté d'un avocat, c'est-à-dire par des professionnels du droit ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si cette circonstance ne faisait pas obstacle à la prétendue inefficacité du désistement d'action pour erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 384 du code de procédure civile ;

3°/ que le désistement d'action est valable et met fin à l'instance dès sa formulation, quels qu'en soient les mobiles ; qu'au cas présent, pour écarter l'efficacité du désistement d'action de la banque, la cour d'appel a relevé que celle-ci « n'avait aucun motif de se désister » ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile ;

4°/ que le désistement d'action est valable et met fin à l'instance dès sa formulation, quels qu'en soient les mobiles ; qu'au cas présent, pour écarter l'efficacité du désistement d'action de la banque la cour d'appel a relevé que celle-ci « procédait d'une erreur matérielle » ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile ;

5°/ que le désistement d'action est un acte juridique unilatéral de renonciation au droit dont le demandeur se prétendait titulaire et à la sanction de ce droit ; qu'il est donc valable sans acceptation du défendeur ; que, par suite, l'attitude et la psychologie du défendeur sont sans conséquence sur la validité du désistement ; que pour écarter les effets du désistement d'action de la banque, la cour d'appel a estimé que la société Agrisem n'avait pas ignoré la prétendue erreur de la banque ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le désistement d'action de la banque procédait d'une erreur née de la confusion entre l'instance qui l'opposait à la société Agrisem et celle visant le dirigeant social de celle-ci, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, par une décision motivée procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que ce désistement ne résultait pas d'une volonté certaine et non équivoque de la banque de renoncer à son action à l'encontre de la société Agrisem ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la banque à la procédure de sauvegarde de la société Agrisem à la somme de 500 000 euros dont 300 057 euros privilégié bénéficiant d'un nantissement sur le fonds de commerce de la débitrice et 199 943 euros bénéficiant d'un gage sur matériel, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de prêt prévoyait que, en cas d'insolvabilité, toutes les sommes versées en exécution du présent prêt, ainsi que tous les intérêts, frais et accessoires y afférents seront exigibles de plein droit par anticipation ; qu'il en résultait que l'exigibilité n'était subordonnée à aucune manifestation de volonté de la part des parties, mais uniquement à la réalisation de sa condition d'application : l'insolvabilité du débiteur ; qu'en estimant, au contraire, qu'il aurait été nécessaire que la banque invoque l'exigibilité anticipée, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises du contrat, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en application du principe de généralité du compte courant, toutes les créances contractées entre la banque et son client, titulaire du compte courant, sont affectées audit compte et destinées à y être fusionnées, sauf stipulation contraire expresse ; qu'au cas présent, en estimant que « pour qu'un prêt soit fusionné en compte courant, il est nécessaire de prouver l'existence d'une stipulation contractuelle prévoyant la fusion de ce prêt dans le découvert du compte courant », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en application du principe de généralité du compte courant, toutes les créances contractées entre la banque et son client, titulaire du compte courant, sont affectées audit compte dès lors qu'elles sont certaines, liquides et exigibles ; que nul n'est besoin d'une écriture bancaire ; qu'en estimant au contraire que la créance de la banque n'aurait pas pu être inscrite au compte courant au motif que la banque n'aurait pas porté au débit du compte la créance litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la stipulation invoquée par la société Agrisem prévoyait qu'en cas d'« insolvabilité », les sommes dues au titre du prêt seraient automatiquement exigibles par anticipation ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu adopter les motifs par lesquels le juge-commissaire a estimé que la clause litigieuse serait non écrite par application de l'article L. 622-29 du code de commerce, lequel déclare non écrite la clause prévoyant la déchéance du terme en cas de jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, et non en cas d'insolvabilité, la cour d'appel aurait alors violé l'article L. 622-29 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une interprétation nécessaire exclusive de dénaturation que la cour d'appel a décidé qu'il était nécessaire que la banque invoque l'exigibilité anticipée du prêt, rendant dès lors inopérant le grief de la quatrième branche, qui attaque un motif surabondant ;

Attendu, en second lieu, qu'une banque, en portant au débit du compte courant de son client, avant le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, sa créance de remboursement d'un concours qu'il a consenti à son client, perd, faute de convention, les garanties qui y sont attachées, de sorte qu'elle est en droit de ne pas procéder à une telle écriture ; qu'après avoir indiqué que la novation n'était susceptible d'être invoquée qu'à condition que la banque ait porté au débit du compte les sommes demeurant dues par le débiteur au titre du concours et relevé que le solde débiteur du prêt n'avait pas été porté au jour de la sauvegarde au débit du compte courant, c'est à bon droit que la cour d'appel a, par ces seuls motifs, retenu que la banque était fondée à déclarer sa créance au titre d'un crédit de trésorerie et non d'un solde débiteur de compte courant ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.