Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-13.680
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Huglo
Rapporteur :
Mme Sommé
Avocat général :
Mme Grivel
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 20-13.680 et X 20-13.963 sont joints.
Sur la requête en désaveu d'avocat
Vu le désistement total déposé le 28 février 2020 par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au nom de Mme [M], du pourvoi formé le 24 février 2020 :
Vu le titre IX de la deuxième partie du règlement du 28 juin 1738 maintenu par l'article 90 du titre VI de la loi du 27 ventôse an VIII et par l'article 1er du décret n° 79-941 du 7 novembre 1979 et l'article 417 du code de procédure civile :
2. Par arrêt du 14 octobre 2020, cette chambre a autorisé Mme [M] à former le désaveu de son avocat, la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, pour avoir déposé sans mandat, le 28 février 2020, le désistement total de son pourvoi.
3. La SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet n'a pas présenté d'observations en défense dans la huitaine de la signification de l'arrêt du 14 octobre 2020 et de la déclaration de désaveu déposée le 15 octobre 2020.
4. Il n'est pas contesté que Mme [M] n'avait pas donné mandat à son avocat pour se désister de son pourvoi. Il en résulte que le désaveu est bien fondé et que le désistement du 28 février 2020 doit être réputé non avenu.
Désistement partiel
5. Il est donné acte à Mme [M] du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre la société Champion Chemtech Ltd.
Faits et procédure
6. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 novembre 2019), le 10 février 2006, la société Kodak a cédé à la société [Localité 5] photochimie, créée à cet effet par le groupe repreneur canadien Champion, une partie de son activité exploitée sur le site de [Localité 5] et transféré les contrats de travail des cent quatre salariés affectés sur ce site, dont celui de Mme [M], salariée investie de divers mandats représentatifs.
7. Par décision du 21 mars 2006, l'inspecteur du travail a autorisé la société Kodak à procéder au transfert du contrat de travail de la salariée.
8. Par jugements des 21 janvier 2010 et 20 mai 2010, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société [Localité 5] photochimie, puis a prononcé sa liquidation judiciaire, la société [W], prise en la personne de M. [W], étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
9. Licenciée le 17 juin 2010 après autorisation de l'inspecteur du travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, à titre principal, à la nullité de son licenciement et au paiement d'une indemnité à ce titre.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur la nullité des contrats de cession conclus le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion et, par conséquent, de la débouter de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, alors « que le conseil des prud'hommes est seul compétent, même après la cessation de la relation de travail entre un salarié et un employeur, pour connaître d'un litige qui trouve sa source dans le contrat de travail et est en relation directe avec lui ; qu'il est, partant, seul compétent pour connaître de l'action en reconnaissance du transfert frauduleux du contrat de travail opéré par l'employeur initial et de la demande de nullité du licenciement en résultant ; qu'en jugeant incompétente la juridiction prud'homale, aux motifs propres et adoptés qu'il ne lui appartiendrait pas d'apprécier le caractère frauduleux d'une opération de cession à l'origine du transfert contesté du contrat de travail, quand la contestation de l'origine de l'opération de transfert du contrat de travail trouve sa source dans l'exécution du contrat de travail et est en relation directe avec le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail :
12. Selon ce texte, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
13. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, l'arrêt retient qu'il n'appartient pas au juge prud'homal de statuer sur le caractère frauduleux ou non de la cession intervenue le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion.
14. En statuant ainsi, alors que la fraude alléguée était le fondement de la demande principale de la salariée, tendant à la nullité du transfert de son contrat de travail par la société Kodak à la société [Localité 5] photochimie et de son licenciement, laquelle relevait de la compétence de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DESAVOUE la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet pour avoir déposé sans mandat, le 28 février 2020, un acte de désistement total du pourvoi de Mme [M] ;
DIT que ce désistement est non avenu ;
REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que l'instance introduite par Mme [M] devant le conseil de prud'hommes n'est périmée à l'égard d'aucune des parties et en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Kodak à l'encontre de la société [W], prise en la personne de M. [W], en qualité de liquidateur de la société [Localité 5] photochimie, l'arrêt rendu le 20 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.