Cass. com., 8 janvier 2008, n° 06-13.746
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référés, (Basse-Terre, 12 décembre 2005) et les productions, que la SCI GM (la SCI) a confié à la société Satom Guadeloupe (la société Satom), entreprise générale, la réalisation d'un ensemble immobilier ; qu'à la suite de difficultés survenues dans l'exécution des travaux, une ordonnance de référé du 22 février 1991 a ordonné une expertise et condamné la SCI à consigner une certaine somme au titre de situations de travaux dues à la société Satom ; qu'une seconde ordonnance du 2 mars 1993 a condamné la SCI à payer une provision de 2 680 134,46 francs (408 583,86 euros) avec intérêts légaux à compter du 22 février 1991 ; que par jugement du 4 mai 1993, la SCI a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 2 avril 1993, puis en liquidation judiciaire, M. de X..., ultérieurement remplacé par Mme Y..., étant nommé liquidateur (le liquidateur) ; que le 18 août 1993, la société Satom a déclaré sa créance pour un montant de 992 087,70 euros ; que par ordonnance du 1er février 2000, le juge-commissaire a rejeté la créance pour défaut de pouvoir du déclarant; que par arrêt du 28 janvier 2002, devenu irrévocable, la décision a été confirmée ; que le liquidateur, invoquant l'existence de circonstances nouvelles, a saisi le juge des référés en "rétractation" des ordonnances des 22 février 1991 et 2 mars 1993 et restitution de la provision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande tendant à la rétractation des ordonnances rendues par le juge des référés les 22 février 1991 et 2 mars 1993, alors, selon le moyen :
1°/ que les circonstances nouvelles, susceptibles de justifier la rétractation d'une ordonnance de référé, s'entendent de tout changement intervenu dans les éléments de fait ou de droit ayant motivé la décision et peuvent résulter d'une décision judiciaire postérieure aux ordonnances dont la rétractation est demandée ; que pour refuser de rapporter les décisions du juge des référés, aux termes desquelles la SCI avait été condamnée à consigner puis à verser à titre provisionnel une certaine somme due en vertu d'une créance ultérieurement éteinte, la cour retient que les décisions ayant prononcé l'extinction de cette créance, non déclarées au passif de la SCI en liquidation judiciaire, ne constituaient pas des circonstances nouvelles au sens de l'article 488 du nouveau code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, alors que l'extinction de la créance de la société Satom, qui aurait privé le juge des référés de toute possibilité de condamnation sur le fondement de cette créance si elle était intervenue avant les ordonnances litigieuses, constitue nécessairement une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du nouveau code de procédure civile, la cour d'appel a violé ledit texte ;
2°/ qu'en vertu de l'article L. 621-46 du code de commerce, la créance qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration régulière au passif du débiteur en liquidation judiciaire est irrémédiablement et définitivement éteinte; que cette extinction affecte l'existence même de la créance ; qu'en décidant que les décisions de rejet de la créance de la société Satom, irrégulièrement déclarée au passif de la SCI constituaient des événements purement procéduraux insusceptibles de caractériser des circonstances nouvelles justifiant le rapport des ordonnances de référé des 22 février 1991 et 2 mars 1993, la cour d'appel a méconnu l'effet attaché au défaut de déclaration régulière d'une créance et violé l'article L. 621-46 du code de commerce ;
3°/ que le liquidateur faisait valoir, dans ses dernières écritures, que l'extinction de la créance de la société Satom, survenue postérieurement aux ordonnances de référé des 22 février 1991 et 2 mars 1993, constituait la circonstance nouvelle de l'article 488 du nouveau code de procédure civile ; que la cour d'appel qui, pour décider que les circonstances nouvelles de l'article 488 du nouveau code de procédure civile n'étaient pas caractérisées, a statué au vu des seules décisions judiciaires, a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ qu'en statuant par des motifs inintelligibles, la cour d'appel a méconnu l'exigence de rationalité et, partant, l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'une ordonnance de référé ne peut être rapportée ou modifiée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles ; que ne constitue pas une telle circonstance l'extinction de la créance, conséquence de l'irrégularité de la déclaration à la procédure collective du débiteur, survenue postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt du rejet de sa demande tendant à la condamnation de la société Satom à lui restituer par provision la somme de 408 825,05 euros perçue en avril 1993 avec intérêts légaux à compter du 1er février 2000, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé, que la cour d'appel qui décide que l'existence de la créance de restitution invoquée par le liquidateur se heurte à une contestation sérieuse, sans rien préciser des éléments sur lesquels se fonde sa décision qui infirme l'ordonnance entreprise, viole l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt qui rejette la demande de restitution par provision de la somme de 408 825,05 euros ;
3°/ qu'une ordonnance de référé n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal ; que les ordonnances de référé des 22 février 1991 et 2 mars 1993 n'étaient pas de nature à faire obstacle à la demande de restitution par provision des sommes litigieuses, laquelle se trouvait justifiée par les seules décisions rendues au fond par le juge de la procédure collective et prononçant l'extinction de la créance ; qu'en décidant que le rejet de la demande de rapport des ordonnances de référés des 22 février 1991 et 2 mars 1993 suffisait à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse relative à la demande de restitution des sommes par provision, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 809, alinéa 2, et 488 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le rejet du premier moyen rend sans objet le grief évoqué à la deuxième branche du moyen ;
Attendu, en second lieu, que, répondant aux moyens de la société Satom ayant fait valoir que la provision allouée avait été réglée avant l'ouverture de la procédure collective de la SCI, que l'obligation de restitution se trouvait prescrite et que les conditions de la répétition de l'indu n'étaient pas réunies, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du débat, a pu décider que la demande de restitution par provision se heurtait à une contestation sérieuse ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société SatomGuadeloupe ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille huit.