Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-21.358
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 16 mai 2011), que M. X..., engagé le 26 décembre 2005 en qualité de responsable boulangerie par M. Y...exploitant une boulangerie, a été victime, le 20 février 2007, d'un accident du travail justifiant un arrêt de travail jusqu'au 21 janvier 2008 ; que lors de la visite de reprise du 22 janvier 2008, il a été déclaré inapte à son poste de travail, mais apte à un autre poste sous diverses conditions ; que du 22 janvier au 20 février 2008, il s'est de nouveau trouvé en arrêt de travail ; qu'il a été licencié par lettre du 11 mars 2008, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que, par procès-verbal de conciliation signé le 9 avril 2008, l'employeur, qui n'avait pas sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail malgré la qualité de salarié protégé de M. X..., s'est engagé à le réintégrer à compter du 14 avril 2008 avec maintien de son salaire ; que le 11 avril 2008, le médecin du travail l'a déclaré apte « à un poste en pâtisserie, traiteur, viennoiserie ou tout autre poste n'exposant pas à des manutentions supérieures à 10 kgs de manière régulière ou à des travaux répétitifs exposant à des flexions rotations de la colonne vertébrale » ; que le 15 mai 2008, à la suite d'une deuxième visite demandée par l'employeur, le médecin du travail a différé son avis dans l'attente de celui d'un médecin spécialiste ; que le 29 mai 2008, M. X... a été déclaré apte à son emploi de responsable boulangerie avec aménagements de poste ; que par ordonnance de référé du 20 août 2008, le conseil de prud'hommes, saisi par M. X..., a prononcé notamment la résiliation du contrat de travail ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 17 novembre 2008, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que l'employeur ne l'avait pas réintégré et ne lui avait pas payé ses salaires depuis le mois de mars 2008, malgré son engagement à le faire à compter du 14 avril 2008, et malgré la déclaration d'aptitude des 15 et 29 mai 2008 ; que le 24 novembre 2008, il a saisi au fond la juridiction prud'homale pour faire juger que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'un licenciement nul ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produit les effets d'un licenciement nul et de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de ce licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié ne peut prendre acte aux torts de l'employeur de la rupture d'un contrat de travail qui fait l'objet, à la date de la prise d'acte, d'une décision judiciaire exécutoire en ayant prononcé à sa demande la résiliation ; qu'en l'espèce, il était constant que, par ordonnance en date du 20 août 2008, le juge des référés avait, à la demande du salarié, prononcé la résiliation du contrat de travail avec effet à compter de son ordonnance, laquelle est restée exécutoire de plein droit jusqu'à ce qu'il soit sursis à son exécution provisoire par ordonnance du premier président de la cour du 15 janvier 2009 ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié pouvait prendre acte de la rupture de son contrat à la date du 17 novembre 2008, et que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, aux motifs inopérants que l'ordonnance de référé prononçant la résiliation du contrat de travail n'avait pas autorité de la chose jugée au principal, la cour d'appel a violé les articles 488, 489 et 514 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1226-10 et suivants et L. 1231-1 du code du travail ;
2°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul s'agissant d'un salarié protégé, qu'à la condition que soient établis à la charge de l'employeur des manquements à ses obligations découlant du contrat de travail, de nature à faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat de travail ; que ne saurait constituer un manquement de l'employeur, de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts, le fait pour l'employeur de se conformer au dispositif d'une décision judiciaire exécutoire prononçant la résiliation du contrat de travail, fût-elle une ordonnance de référé dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal ; qu'en l'espèce, il était constant que, par ordonnance en date du 20 août 2008, le juge des référés avait, à la demande du salarié, prononcé la résiliation du contrat de travail avec effet à compter de son ordonnance, laquelle est restée exécutoire de plein droit jusqu'à ce qu'il soit sursis à son exécution provisoire par ordonnance du premier président de la cour du 15 janvier 2009 ; qu'en reprochant à l'employeur, pour lui imputer les torts de la prise d'acte, de ne pas avoir donné suite à l'avis d'aptitude du 29 mai 2008, sans à aucun moment prendre en considération, comme elle y était pourtant invitée, le fait qu'à compter du 20 août 2008, le contrat de travail était résilié à la demande du salarié, de sorte que l'employeur n'avait évidemment pas à reclasser ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 488, 489 et 514 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1226-10 et suivants et L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul s'agissant d'un salarié protégé, qu'à la condition que soient établis à la charge de l'employeur des manquements de nature à faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat de travail ; que ne saurait constituer un manquement de l'employeur, de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts, le fait pour l'employeur de se conformer au dispositif d'une décision judiciaire exécutoire prononçant la résiliation du contrat de travail, fût-elle une ordonnance de référé dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal ; qu'en l'espèce, il était constant que, par ordonnance en date du 20 août 2008, le juge des référés avait, à la demande du salarié, prononcé la résiliation du contrat de travail avec effet à compter de son ordonnance, laquelle est restée exécutoire de plein droit jusqu'à ce qu'il soit sursis à son exécution provisoire par ordonnance du premier président de la cour du 15 janvier 2009 ; qu'en reprochant à l'employeur, pour lui imputer les torts de la prise d'acte, de ne pas avoir versé de salaire depuis mars 2008 jusqu'à la prise d'acte de la rupture, soit le 17 novembre 2008, sans tenir aucun compte du fait que le contrat de travail avait été résilié à la demande du salarié par l'ordonnance du 20 août 2008 exécutoire de plein droit, de sorte qu'à compter de cette décision, et jusqu'à la date de la prise d'acte, l'employeur ne pouvait avoir pour obligation de verser du salaire, et qu'aucun manquement de sa part ne pouvait, par hypothèse, faire obstacle à la poursuite d'un contrat résilié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 488, 489 et 514 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1226-10 et suivants et L. 1231-1 du code du travail ;
4°/ qu'à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l'employeur n'a l'obligation de reprendre le paiement du salaire qu'à compter, soit de l'avis du médecin du travail déclarant le salarié apte à son poste de travail, soit à l'expiration du délai d'un mois à compter de la seconde visite de reprise déclarant le salarié inapte à son poste lorsque le salarié n'est ni licencié ni reclassé à l'issu de ce délai ; qu'en l'espèce, à la suite d'un accident du travail, un arrêt de travail a été prescrit au salarié jusqu'au 21 janvier 2008 ; que le médecin du travail, dans sa fiche d'aptitude du 22 janvier 2008, a déclaré le salarié inapte à son poste pour le moment ; qu'un nouvel arrêt de travail a été prescrit du 22 janvier au 20 février 2008 ; qu'en retenant, pour en déduire que la prise d'acte devait être requalifiée en licenciement nul, que l'employeur avait manqué à son obligation de reprendre le versement du salaire depuis mars 2008, quand l'obligation de régler le salaire ne pouvait naître qu'à compter soit d'un avis d'aptitude, soit du délai d'un mois à compter de la seconde visite de reprise qui n'avait pas eu lieu, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-8, L. 1226-11 et R. 4624-31 du code du travail ;
5°/ qu'à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l'employeur n'a l'obligation de fournir un travail conforme aux prescriptions du médecin du travail qu'à compter de l'avis d'aptitude ; que l'employeur n'est par ailleurs tenu de rechercher un reclassement qu'à compter du second examen exigé par l'article R. 4624-31 du code du travail ; qu'en retenant, pour en déduire que la prise d'acte devait être qualifiée en licenciement nul, que depuis le 20 février 2008, l'employeur ne pouvait se prévaloir d'une inaptitude du salarié constaté conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail et avait manqué à son obligation de fournir un travail conforme aux prescriptions médicales du médecin du travail, après avoir pourtant constaté que ce n'était que le 29 mai 2008 que le médecin du travail avait, après avoir conclu à l'inaptitude du salarié à son poste le 11 avril 2008, conclu à l'aptitude avec réserves de sorte que l'obligation de fournir au salarié un poste conforme aux prescriptions du médecin du travail était née au plus tôt à compter de l'avis d'aptitude avec réserves du 29 mai 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-8, L. 1226-11 et R. 4624-31 du code du travail ;
Mais attendu qu'une ordonnance de référé qui statue par décision provisoire ne prive pas le salarié du droit de faire juger au principal qu'il était fondé à prendre acte ultérieurement de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements imputés à l'employeur, pour que cette prise d'acte produise alors les effets d'un licenciement nul ;
Et attendu qu'ayant retenu que l'employeur ne pouvait se prévaloir depuis la fin de l'arrêt de travail du 20 février 2008 d'une inaptitude du salarié pour justifier l'absence de fourniture de travail dans un poste conforme aux prescriptions du médecin du travail, et par suite, l'absence de rémunération salariale, la cour d'appel a pu en déduire que l'employeur avait ainsi manqué à ses obligations contractuelles ; qu'elle a estimé que ces manquements étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produisant, en raison de sa qualité de salarié protégé, les effets d'un licenciement nul ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre de salaire et d'indemnité de congés payés de mars au 17 novembre 2008, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir imputé à l'employeur un manquement consistant à ne pas avoir versé le salaire de mars 2008 jusqu'à la prise d'acte du 17 novembre 2008, emportera par voie de conséquence nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef visé au second moyen, concernant le rappel de salaire que la cour d'appel a expressément justifié par référence aux motifs relatifs au manquement de l'employeur à son obligation de verser le salaire ;
2°/ qu'à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l'employeur n'a l'obligation de reprendre le paiement du salaire qu'à compter, soit de l'avis du médecin du travail déclarant le salarié apte à son poste de travail, soit à l'expiration du délai d'un mois à compter de la seconde visite de reprise déclarant le salarié inapte à son poste lorsque le salarié n'est ni licencié ni reclassé à l'issu de ce délai ; qu'en condamnant l'employeur au versement d'un rappel de salaire à compter du mois de mars 2008 quand il résulte de ses propres constatations qu'à cette date, d'une part, le salarié n'avait pas été déclaré apte à son poste et d'autre part, que la seconde visite médicale de l'article R. 4624-31 du code du travail n'avait pas été réalisée, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-8 et 1226-11 du code du travail ;
3°/ que l'employeur ne saurait avoir l'obligation de verser du salaire en exécution d'un contrat de travail déjà rompu par le prononcé de sa résiliation judiciaire, exécutoire, à la demande du salarié ; qu'en l'espèce, il était constant que, par ordonnance en date du 20 août 2008, le juge des référés avait, à la demande du salarié, prononcé la résiliation du contrat de travail avec effet à compter de son ordonnance, laquelle est restée exécutoire de plein droit jusqu'à ce qu'il soit sursis à son exécution provisoire par ordonnance du premier président de la cour du 15 janvier 2009 ; qu'en condamnant pourtant l'employeur à un rappel de salaire jusqu'au 17 novembre 2008, sans tenir aucun compte du fait que le contrat de travail avait été résilié à la demande du salarié par l'ordonnance du 20 août 2008 exécutoire de plein droit, de sorte qu'à compter de cette décision, et jusqu'à la date de la prise d'acte, l'employeur ne pouvait avoir pour obligation de verser du salaire, la cour d'appel a violé les articles 488, 489 et 514 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1226-10 et suivants ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que ni la visite de reprise du 22 janvier 2008 ni celle du 11 avril 2008, intervenue après un nouvel arrêt de travail du salarié, ne caractérisaient l'inaptitude du salarié, que l'employeur a attendu plus d'un mois pour demander une nouvelle visite médicale et que le médecin du travail a émis un avis d'aptitude le 29 mai 2008 auquel n'a pas donné suite l'employeur et exactement retenu que l'ordonnance de référé n'avait pu, nonobstant l'exécution provisoire de droit, mettre fin au contrat de travail et n'avait pas l'autorité de la chose jugée au principal, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.